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Avril et le monde truqué: Une aventure ambitieuse

20 novembre 2015, 08:10

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Avril et le monde truqué: Une aventure ambitieuse

1941. Le monde est radicalement différent de celui décrit par l’histoire habituelle. Napoléon V règne sur la France où, comme partout sur le globe depuis 70 ans, les savants disparaissent mystérieusement, privant l’humanité d’inventions capitales. Ignorant notamment radio, télévision, électricité, aviation, moteur à explosion, cet univers est enlisé dans une technologie dépassée, comme endormi dans un savoir du XIXe siècle, gouverné par le charbon et la vapeur. C’est dans ce monde étrange qu’une jeune fille, Avril, part à la recherche de ses parents, scientifiques disparus, en compagnie de Darwin, son chat parlant, et de Julius, jeune gredin des rues. Ce trio devra affronter les dangers et les mystères de ce Monde Truqué. Qui enlève les savants depuis des décennies ? Dans quel sinistre but ?

LA NOTE : 7/10

Première originalité qui ne manquera pas de séduire : «Avril et le monde truqué» est résolument steampunk. Ce terme désigne les oeuvres dont l’action se déroule dans la société industrielle du XIXe siècle. Au menu de ces romans, machines à vapeur et révolution industrielle. Le genre steampunk s’est ensuite étendu, devenant une véritable esthétique et gagnant en conséquence tous les types d’arts, jusqu’au cinéma. Ce film, adaptéd’une bande dessinée signée Tardi, met donc en lumière l’imagination foisonnante de son créateur, mais les qualités du dessin animé ne s’arrêtent pas là.

«Avril et le monde truqué» est une uchronie. Ainsi, dans cette nouvelle histoire de France (et du monde), l’électricité n’a jamais été inventée. C’est donc le charbon qui domine. Des tramways, de la vapeur dans tous les sens et du métal, comme si Paris n’était plus constitué que par ses toits, ceux qui ont un aspect si charmant aux yeux des touristes. Ce Paris-là est abusif, jusqu’à comprendre non pas une mais deux tours Eiffel. Critique superbe de notre propension à en faire trop, c’est une ville ultra polluée où – en partie à cause de la disparition mystérieuse de tous les scientifiques – on a appris à faire plutôt qu’à réfléchir.

Mais les auteurs ne se sont pas contentés de cette proposition digne d’un bon film d’anticipation, ils ont apporté une touche spéciale à cette histoire. Leur héroïne. Avril, qui donne son nom au film, est en effet particulièrement intelligente. C’est une scientifique fauchée résolument rebelle : Elle se cache pour exercer son métier et son talent de chercheuse. Avec ses cheveux courts et ses habits usés, son apparence dont elle se fiche ouvertement, Avril incarne un nouveau genre d’héroïne. À la suite de Mérida, la «Rebelle» de Pixar, sa quête n’est pas tournée autour de la recherche d’un prince charmant mais d’un remède miraculeux. Bref : Avril aimerait sauver le monde avant de se sauver elle-même. Cette poursuite, très concrète, évacue du métrage tout le romantisme éculé auquel nous avait habitué bon nombre de dessins animés contemporains.

N’hésitant pas à nous évoquer un avenir peu reluisant – on pense à Steamboy ou à Wall-e avec son futur pollué où les humains ont organisé leur propre dépendance de quelque chose qui leur fait du mal – le film est dynamique, voire virevoltant. Il faut voir ce Paris enfumé et charbonneux, ce déluge de machines à vapeur et surtout ces méchants dont on ne révèlera pas l’identité... Avril évolue dans un univers où exercer sa science est une honte. C’est une solitaire, fauchée et désespérée dont le courage est la seule arme. Vous l’aurez sans doute compris : le film n’a pas pour ambition de vous conter fleurette. C’est tant mieux. Cette liberté permet aux auteurs de déployer un véritable récit d’aventure aussi ambitieux que généreux. Il offre des scènes d’action splendides garnies de punchlines à l’ancienne.

Si l’univers est sombre, ces touches lumineuses viennent rehausser l’histoire qui évite l’écueil du pathos. Même le compagnon d’Avril - un chat qui parle - est rendu délicieusement atypique à travers la voix qu’on lui prête qui n’est autre que celle du chanteur Philippe Katherine. Le reste du casting voix est d’ailleurs impeccable. C’est une Marion Cotillard farouche qui prête son timbre à Avril et Olivier Gourmet interprète son père. À leur suite : Jean Rochefort, Marc André Grondin, Bouli Lanners... Un chapelet de voix francophones quatre étoiles.

Six ans de travail ont été nécessaires pour mettre en image le foisonnant univers graphique de Tardi. Rien d’étonnant, au vu du résultat : un superbe mélange des genres à la hauteur de ce labeur. «Avril et le monde truqué» investit le meilleur de chaque talent ayant pris part au dessin animé pour nous offrir un monde rétro-futuriste varié, coloré, tantôt drolatique, tantôt sombre. Ainsi, petits et grands trouveront facilement leur compte dans ce conte original et magique.

Fiche technique

Genre : Animation, aventure

Durée : 1 h 45

De : Franck Ekinci & Christian Desmares

Avec les voix de : Marion Cotillard, Philippe Katerine, Jean Rochefort, Olivier Gourmet, Anne Coesens, Bouli Lanners

Salles : Star Bagatelle, La Croisette