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Ivan Collendavelloo, ministre de l’Énergie et des Services publics «L’information à la MBC n’est pas équitable»

25 octobre 2015, 08:31

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Ivan Collendavelloo, ministre de l’Énergie  et des Services publics «L’information à la MBC  n’est pas équitable»

En 300 jours au pouvoir, quelle a été votre plus mauvaise décision ?

Oh, j’ai dû en prendre, mais je n’ai pas envie de m’en souvenir.

 

Un petit effort…

Ma mémoire me joue des tours, je n’ai pas de souvenir précis (sourire malicieux).

 

Qu’est-ce qui domine d’un point  de vue personnel ?

Les énergies renouvelables. Ce que j’ai fait, j’en suis très fier. Dans l’esprit des gens, le message est passé : on va vers la fin des combustibles fossiles. L’accueil réservé à mon projet de loi (NdlR, le Mauritius Renewable Energy Agency Bill), est un bon indicateur de la sensibilité de la population à ces enjeux.

 

Si vous aviez su, quelle promesse auriez-vous retiré de votre campagne ?

(Il réfléchit, se redresse sur son canapé) Hum… C’est une question difficile. Je ne vous cache pas qu’il y a des engagements plus tenables que d’autres.

 

Je vous aide : réorganiser la MBC pour en faire «une vraie télévision publique», vous la regrettez celle-ci ?

Ah non ! S’il y a une promesse que je ne regrette pas, c’est bien celle-ci ! La MBC est l’institution publique la plus mal gérée du pays.

 

M. Bhadain appréciera…

Je ne sais pas. Moi, en tout cas, je ne suis pas satisfait de la MBC. J’ai beaucoup d’amitié pour Pritam Parmessur (NdlR, le dernier directeur, éjecté huit mois après sa nomination) mais sa vision était très financière. Il a mis l’accent sur l’assainissement des finances alors que la priorité était ailleurs, selon moi.

 

Vous auriez fait quoi, vous ?

La MBC a deux problèmes à régler : les sureffectifs et le traitement partisan des journaux télévisés. C’est l’urgence. Si vous réglez ça, c’est gagné. Il y a trop d’employés, et trop d’employés payés à ne rien faire. Première chose, donc, restructurer les ressources humaines. Parallèlement, revoir la couverture de l’actualité. Le droit à une information juste, équitable et équilibrée est l’un des piliers de notre démocratie. Or, l’information à la MBC n’est pas équitable. Cela l’empêche de jouer le rôle qu’elle devrait jouer dans le débat démocratique.

Combien de vos collègues ministres font le même constat ?

La majorité, je dirais.

 

 Sûr ?

Pratiquement sûr.

 

Comment en est-on arrivé là ?

Cette situation ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 40 ans, les gouvernants du jour font croire aux journalistes de la MBC que leur métier consiste à se faire bien voir du pouvoir. À force, ils ont fini par le croire. Cette situation sclérose l’information. Exemple, lorsque j’inaugure un jardin d’enfants, ça ne peut pas avoir la même importance qu’un discours de politique nationale sur les  énergies renouvelables.

 

Une simple question de hiérarchisation? Un peu léger…

Pas seulement. C’est toute une culture pouvoiriste qu’il faut déloger. Ces dix dernières années, on a atteint des sommets avec M. Ramgoolam. Il avait son, ou plutôt sa journaliste attitrée. Son cameraman préféré qui devait respecter tel cadrage. On leur a appris à aduler le pouvoir.

 

Qui est «l’enseignant» désormais ?

Personne. Fort heureusement, Anerood Jugnauth n’est pas Navin Ramgoolam.

Parlez-moi de M. Bhadain…

Le MMM lui fait un faux procès. Ce n’est pas parce que Reza Uteem n’a pas su exprimer sa pleine intelligence (sic) lors du fameux débat qu’il faut assassiner Bhadain. Cette histoire de manipulation a été montée de toutes pièces pour faire diversion. Reza a été mauvais, ça arrive. Plutôt que de l’admettre, le MMM nous vend «Uteem a été bon mais c’est Bhadain qui a tout manipulé».  C’est grotesque.

 

 Ce «traitement partisan», comme vous dites, finit-il par avoir l’effet inverse de celui escompté ?

M. Ramgoolam n’a pas été élu… C’est possible mais c’est secondaire. Le débat, c’est que l’accès à une information équitable est un droit sacré garanti dans notre Constitution.

 

Pensez-vous que M. Bhadain est l’homme de la situation pour faire respecter ce droit ?

Je crois qu’il a beaucoup de courage de s’attaquer à cette réforme difficile. Il fallait que quelqu’un fasse le job et c’est lui. Pourquoi lui ? C’est le choix du Premier ministre.

 

En parlant de choix du chef, Anerood Jugnauth a renouvelé sa confiance à Anil Gayan, votre leader adjoint. Soulagé ?

C’est tout sauf une surprise. À aucun moment je n’ai senti Gayan en danger, ce serait mal connaître Anerood Jugnauth. Ce qu’il faut dire, c’est que depuis la formation du Muvman Liberater (ML), Gayan est la cible favorite de Bérenger. Il le traite avec dédain, tout comme il traite Ravi Rutnah avec dédain. Bérenger essaie de les détruire politiquement, et moi avec. C’est le jeu politique qui veut ça.

 

Un bouc émissaire ?

C’est un peu court comme argumentaire. Gayan et Bérenger ont un vieux contentieux qui remonte à 1983. Le dégoût de Bérenger s’est mué en haine en 2014 quand Gayan s’est fait élire au n°20, chose impardonnable. Anil paie le prix de ce succès.

 

Le prix, peut-être aussi, de ses propos controversés…

Quelle controverse ? (Il souffle) Une tempête dans un verre d’eau ! Ce qu’il a dit sur la méthadone n’était qu’une plaisanterie.

 

Elle vous a fait rire, cette plaisanterie ?

Oui ! (enthousiaste) C’était dans un contexte particulier, pour amuser la foule d’un congrès.

 

Mais vous comprenez que cela ait pu choquer ?

Non. Ses mots ont dépassé sa pensée, ça arrive. C’était juste une blague, une boutade inoffensive (rires).

 

Alors pourquoi cette levée de boucliers ?

De fausses indignations, passablement surjouées. Le but est de détruire Gayan politiquement. Les pseudo- indignés se sont dit : «Prenons ce prétexte et finissons-en une bonne fois pour toutes avec lui.»

 

Vous ne pensez pas que PILS a autre chose à faire ?

Qu’au-delà de la récupération politique, des indignations sont sincères ? Écoutez, je ne vais pas me bagarrer avec PILS. Mon sentiment, c’est qu’ils ont une dent contre Gayan.

 

«À  aucun moment je n’ai senti Gayan en danger.»

On raconte que Sangeet Fowdar, lui, l’a plus que senti… Ah bon ?

 

M. Fowdar n’était-il pas un possible successeur au cas où ?

(Sec) Absolument pas.

 

Refermons ce chapitre. Quand vous dites, comme lors d’un congrès récemment, que le Muvman Liberater «deviendra le plus grand parti du pays», on est tenté d’y voir une autre pitrerie. Vous confirmez ?

(Il hausse la voix) Mais pas du tout ! Je suis tout à fait sérieux !

 

Vous vous positionnez donc comme premier ministrable ?

Vous extrapolez, là. Non, je n’ai pas l’intention de renverser Anerood Jugnauth ni de prendre la place de qui que ce soit. À 65 ans, ma carrière est derrière moi.

 

Le leader du futur «plus grand parti» va devenir quoi du coup ?

La direction actuelle n’est qu’en transit. Je ne m’accrocherai pas au pouvoir, mon but… (on coupe)

 

Un seul mandat, donc.

(Sec) Je n’ai pas dit cela, la question d’un second mandat se posera en temps et lieu. Mon but est d’ouvrir le ML à la jeunesse, d’en faire une pépinière pour ceux qui, demain, dirigeront le pays. Je n’ai pas d’ambition personnelle, j’en ai pour mon parti.

 

Et votre «rêve de réunifier le  MMM» ?

Vous êtes-vous endormi dessus ? Cela ne se fera pas du jour au lendemain, il y a des résistances. Pour ce qui est du terrain, je ne suis pas inquiet. Le MMM, dans plusieurs circonscriptions, se vide de ses militants ; je suis bien placé pour le savoir puisqu’ils rejoignent le ML. Le plus difficile sera de réunir les cadres. La famille militante est aujourd’hui coupée en quatre. Vous avez des cadres au MMM, au ML, au Mouvement patriotique et d’autres qui n’adhèrent plus à aucun parti. J’aimerais les réunir tous. Idéalement, sur une plate-forme MMM. Et sans  humilier personne.

 

En quoi, dans ce MMM réunifié, serez-vous un meilleur leader que Paul Bérenger ?

Oh, ce n’est pas très difficile. N’importe qui ferait un meilleur leader que Paul Bérenger. Je parle de l’histoire récente, de 2014. Je saurais faire ce qu’il faut pour réparer ces horreurs, comptez sur moi.