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Pradeep Roopun : «La pauvreté ne concerne pas que le ministère de l’Intégration sociale»

24 octobre 2015, 09:25

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Pradeep Roopun : «La pauvreté ne concerne pas que  le ministère de l’Intégration sociale»
 Neuf mois au ministère de l’Intégration, qu’avez-vous fait ? On ne fait pas de bilan au début de son mandat. Pendant la campagne, nous avons dit qu’il n’y avait pas de justice sociale. Les pauvres étaient un des piliers de notre campagne électorale même si le Premier ministre ne l’a pas dit haut et fort. Il est allé plus loin en disant qu’il fallait réorganiser la National Empowerment Foundation (NEF)… J’ai commencé à gérer un ministère et je voulais déjà le remettre en question. Pour nous, le plus important, c’est d’éradiquer la pauvreté. Mais encore faut-il connaître les pauvres. Combien sontils ? On ne sait pas quelle est la situation actuelle. J’ai été surpris de voir que la base de données de la NEF était très mal gardée. Il n’y avait même pas de registry. Depuis 2013, il fallait faire un Social Registry of Mauritius (SRM) mais pour des raisons… (il s’arrête) je vais dire inconnues, ça n’a jamais été fait…
 
…inconnues ? Enfin je préfère dire ça… Disons plutôt des raisons quelconques. La première chose que j’ai faite, c’est le SRM. Mais faire accepter cette idée, ce n’était pas gagné. J’ai eu le soutien du ministère de la Sécurité sociale et on a fait en sorte que les quelque 10 000 personnes qui étaient dans la base de données de la NEF soient enregistrées au SRM. Il y a eu un gros travail. Là, nous sommes en phase finale.
 
 Combien de familles vivent dans l’extrême pauvreté ? Comme je vous dis, ce n’est pas quelque chose de figé, c’est dynamique. Ce n’est pas facile de déterminer le niveau de vie des personnes, ni combien elles gagnent en travaillant dans les secteurs informels. C’est le SRM et le Means Test qui permettront de savoir tout ça. Ils vont bientôt aboutir. L’exercice sera ongoing. Et le plan Marshall aboutira, nous aurons des résultats. La pauvreté ne concerne pas l’intégration sociale. Pas unique ment. Mais tous les ministères, du PMO à l’Éducation en passant par le Logement et les terres. Nous sommes  tous concernés.w Est-ce que la pauvreté absolue existe toujours à Maurice ? Je sais pourquoi vous me posez cette question. Il y a eu des estimations qui ont été faites. Quelque part dans un rapport, il est écrit que «absolute poverty is insignificant in Mauritius as it is less than 1% ». Maintenant il faut savoir comment interpréter le mot «insignificant». Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de pauvreté absolue à Maurice. S’il n’y a qu’une famille, c’est définitivement trop. 
 
Dans une interview, vous dites que vous vous donnez deux ans pour éradiquer la pauvreté. Comment comptez-vous vous y prendre ? D’abord, il faut définir la pauvreté. Est-ce que c’est quand une famille n’a pas assez d’argent ? Les Millenium Development Goals avaient statué que si une personne gagne moins d’un dollar par jour, elle est considérée comme pauvre. Mais un dollar en Europe, en Amérique ou en Afrique, ce n’est pas la même chose. Il n’y a pas que l’aspect financier. Admettons qu’une personne ait de l’argent mais pas de facilité et d’infrastructure là où elle vit… Et il y a aussi la pauvreté relative. C’est quand l’on compare la situation d’une famille au niveau de vie de la société dans laquelle elle vit, par exemple. Mais je suis convaincu qu’éradiquer la pauvreté est réalisable à Maurice !
 
Officiellement, combien de poches de pauvreté ici ? Je ne veux pas entrer dans cette polémique. Auparavant, on parlait de… de combien déjà ? Je ne m’en rappelle plus… 200 et quelque ? Ou 100 et quelque ? Je peux vous demander c’est quoi une poche de pauvreté ? Quelle est la définition ? On me dit que c’est là où il y a plus de dix familles pauvres dans un seul lieu. Est-ce qu’on parle d’une ville ? D’une région ? Tout est relatif. Les poches de pauvreté ont sûrement existé mais les choses ont dû évoluer. Il faut faire un état des lieux.
 
Vous êtes sûrement très actif sur le terrain. Quelle était la dernière «région défavorisée» que vous avez visitée ? …Côte-d’Or, ce week-end. Je suis parti dans des dizaines de régions depuis que je suis ministre mais ça se fait sans tambour ni trompette. Parce que j’y vais pour constater. 
 
Et c’est quoi votre constat ? Parfois, c’est l’environnement et le manque d’infrastructures qui font que les gens sont pauvres. Mais il y a aussi les problèmes personnels comme un divorce, une maladie ou une amputation. Si vous voyez les Rodriguais qui vivent dans des conditions difficiles ici, ils ne réagissent pas comme les Mauriciens. Les Rodriguais sont essentiellement des migrants économiques. 
 
Ils viennent à Maurice en abandonnant leur famille en quête d’emploi. Peut-être qu’ils sont disposés à vivre dans des conditions plus difficiles, ils acceptent ça.  Les Mauriciens  sont différents. 
 
En parlant de Rodriguais, vous êtes-vous déjà rendu à Anba Larivier (NdlR : un quartier à Roche-Bois où de nombreuses familles rodriguaises vivent dans la pauvreté) ? Écoutez… oui, je suis passé, oui, je suis passé ! (Il hésite) Exactement où ça se trouve ? Je sais que c’est à Port-Louis. C’est sur l’autoroute ? Je ne suis pas allé uniquement là-bas, je faisais une tournée.
 
Paul Bérenger dit que vous n’avez pas été consulté avant que les «guidelines» pour le CSR soient annulés par le ministre des Finances… Il dit vrai ? Il faut comprendre le contexte. Les guidelines ont été annulées dans le sillage de la présentation du Budget. Les entreprises ont fait comprendre qu’il y avait trop de lourdeurs administratives. Ces plaintes sont venues jusqu’à moi et je leur ai demandé de me faire des suggestions mais personne n’est venu. Mais le ministre des Finances en a eu…
 
 Les entreprises ont préféré se confier aux Finances… Elles l’ont dit lors des consultations prébudgétaires. Je dois avouer que je n’étais pas au courant avant la présentation du Budget que les guidelines allaient être enlevées, ça c’est vrai ! Mais je comprends la philosophie. Il y a une certaine confidentialité à respecter lors de la préparation d’un Budget. 
 
Vous pensez quoi du Lovebridge Project ? C’est une noble initiative. En gros, c’est une famille qui accompagne une famille défavorisée. Ce projet devrait séduire tout le monde ! Et le ministre des Finances veut donner un coup de main. Même le leader de l’opposition a dit bonne chance au Lovebridge. 
 
 Le ministre des Finances a dit qu’il s’intéresse à votre ministère. Seriez-vous prêt à lui céder votre place ? Là n’est pas la question. Je suis en politique depuis 1995. On est là pour servir. Tous les ministères travaillent pour le développement du pays. Je me sens béni d’être le ministre de l’Intégration sociale. Quoi de mieux que d’aider les plus démunis ? 
 
Et vous vous voyez dans le fauteuil de Grand argentier ? Je ne me vois pas ailleurs qu’à mon ministère. J’ai toujours été très humble. Même en politique. Je connais  mes capacités.
 
Y a-t-il un autre ministère qui vous intéresse ? S’il y avait des ministères qui m’intéressaient, je n’aurais pas été au MSM. Vous savez combien d’offres j’ai eu sous l’ancien régime ? Mais ce n’est pas ce qui compte…
 
 Vous avez eu 3,2 sur 10 à l’évaluation de la rédaction de «l’express», une réaction ? Je suis très méthodique. Et pour moi, cet exercice est purement commercial, c’est du marketing ! Ça n’a rien de scientifique. Sur quoi les journalistes se sont basés ? Pour moi, c’est du vent. Et ce que les autres pensent, ça ne compte pas !