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Le plein-emploi en 2017: des économistes sourcillent

5 octobre 2015, 20:42

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Le plein-emploi en 2017: des économistes sourcillent

La dernière déclaration de Vishnu Lutchmeenaraidoo sur l’emploi est-elle à prendre avec des pincettes? Vendredi 2 octobre, le ministre des Finances a annoncé face à la presse qu’il prévoit le plein-emploi en 2017. Ce, en comptant sur la relance du secteur de la construction dès l’année prochaine. Celui-ci réagissait à la publication des derniers chiffres de l’emploi et du chômage par le bureau national des statistiques.

 

Tombant pourtant sous l’égide du ministère des Finances, Statistics Mauritius est venu jeter un pavé dans la mare la semaine dernière. Outre d’avoir revu à la hausse les prévisions du taux du chômage de 7,8% en 2014 à 8% en 2015, il ne prévoit la création de seulement 5 100 emplois cette année, au lieu des quelque 16 000 annoncés en grande pompe pour l’année financière 2015-2016 lors de l’Economic Mission Statement Vision 2030.

 

Interrogé le dimanche 4 octobre, l’économiste Éric Ng fait comprendre qu’il n’est pas du même avis que le ministre des Finances. Il dit voir mal comment le pays parviendra à réduire le taux de chômage de 8% à 3% en deux ans. «Le plein-emploi signifie avoir un taux de chômage tournant autour de 3%. Je ne pense pas que tous les chômeurs iront travailler sur les chantiers», indique-t-il.

 

«Il ne faut pas non plus oublier que chaque année 10 000 nouveaux arrivants débarquent sur le marché du travail.» Sans compter «l’incertitude qui pèse sur le secteur offshore avec le traité fiscal Inde-Maurice si jamais, demain, nous subissons une grosse perte de la capital gains tax, explique Eric Ng. Si la clause 13 est amendée en ce sens, je pense que le secteur offshore va reculer avec beaucoup de pertes d’emplois».

 

Statistics Mauritius, dont la directrice s’est vu offrir une opportunité d’emploi au Fonds monétaire international, confirme que la tendance depuis 2012 – année du début de la contraction des investissements privés – se maintient, poursuit notre interlocuteur. «Nous créons à peine 6 000 à 7 000 emplois par an au lieu des 10 000 emplois qu’on arrivait à créer dans les années 90 en raison de la croissance très modérée, en dessus de 4%.»

 

Croissance diversifiée

 

Éric Ng ne manque pas de souligner que les prévisions de Statistics Mauritius sur la contraction de l’investissement privé sont passées de 0,9%, il y a trois mois, à un taux plus conséquent de 3,9%. Raison pour laquelle, soutient-il, l’économie mauricienne ne repose pas uniquement sur les chantiers de construction et l’immobilier mais surtout sur une croissance diversifiée avec la manufacture, les TIC, le tourisme, les services financiers et la distribution.

 

Il est important, avance-t-il, que l’investissement privé reparte en attirant les investisseurs étrangers et non pas en envoyant de mauvais signaux. En l’occurrence, par rapport à la main-d’œuvre étrangère, à l’indépendance du judiciaire et aussi à la stabilité de la roupie.

 

L’économiste Pierre Dinan le rejoint dans ses propos. Soutenant dans la foulée que donner confiance aux investisseurs potentiels reste parmi les conditions sine qua non pour les accueillir ici et ainsi espérer atteindre le plein-emploi.

 

L’image de Maurice à l’étranger est-elle donc à refaire, surtout avec l’affaire BAI? À cela, Pierre Dinan n’y va pas par quatre chemins : «Je l’ai déjà dit. On a tellement remué la boue qu’il n’y a pas de place aujourd’hui pour mettre les semences. Ce n’est pas que je sois contre ce qui a été fait, mais constatons les conséquences.»

 

Pour notre interlocuteur, les investisseurs potentiels «ne viendront pas avec leur capital pour nos beaux yeux». Il faut qu’ils soient bien accueillis dans un pays où tout va bien avec le respect des lois et la protection de la cour, ainsi qu’avec une administration qui n’est pas tatillonne.

 

Secteur manufacturier : 1 600 emplois en moins

 

Il faut aussi prendre en considération le fait que le secteur manufacturier se porte mal. Sur un an, soit entre mars 2014 et mars 2015, il y a eu 1 616 emplois en moins, est-il indiqué dans le dernier rapport de Statistics Mauritius, intitulé Survey on employment and earnings in large establishments, et rendu public en septembre.

 

Ainsi, selon ce rapport, s’il y a eu 246 emplois de plus créés entre mars 2014 et mars 2015 au niveau des large establishments*, le secteur manufacturier a été celui où l’emploi a subi la plus forte décroissance. Le secteur agricole a subi la même tendance baissière, avec 684 emplois en moins pour la même période.

 

A contrario, l’emploi au niveau du cluster éducation, Human health and social work activities ainsi que les technologies de l’information et de la communication ont tous connu une croissance. 625, 598 et 397 emplois, respectivement, ont été créés en une année.

 

Le dernier rapport de Statistics Mauritius fait aussi état d’une hausse d’emploi dans le secteur public.

 

Par ailleurs, Statistics Mauritius fait ressortir que l’emploi est passé de 73 023 à 73 799 dans le secteur public grâce à 776 emplois créés en un an. Cette augmentation est due à la création de 1 036 emplois pour les femmes, alors que chez les hommes, 260 postes ont disparu.

 

Au niveau des grandes entreprises tournées vers l’exportation (large export oriented companies), l’emploi a chuté, passant de 54 389 à 53 340 entre mars 2014 et mars 2015. À noter qu’il y a eu 642 travailleurs étrangers de plus pour la même période au niveau des large establishments.

 

D’autre part, le rapport de Statistics Mauritius fait ressortir que la moyenne des salaires mensuels au niveau des large establishments a augmenté de 6,2%. Les plus fortes hausses ont été enregistrées au niveau des segments Electricity, gas, steam and air conditioning supply – suivant une révision salariale –, Agriculture, forestry and fishing et Accommodation and food service activities.

 

Même tendance à la hausse pour la rémunération au niveau des entreprises tournées vers l’exportation. Elle a connu une remontée de 5,9%, passant d’une moyenne de Rs 13 922 à Rs 14 739, en comparaison à la période 2013-14.

 

 


 

*Qu’est-ce qu’un «large establishment»?

 

Le segment «large establishments» est défini par Statistics Mauritius comme les entreprises du cluster agricole qui comprennent plus de 10 hectares de plantation de canne à sucre, plus de 2 hectares de plantation de thé, tous les établissement de tabac (indépendamment de la superficie) ainsi que tout établissement agricole employant un minimum de 10 personnes durant la période de sondage. Ce segment inclut également les secteurs non agricoles qui emploient un minimum de 10 personnes pendant la période de sondage.