Publicité

Chuy, l'homme «loup-garou» mexicain qui voulait se sentir heureux

1 octobre 2015, 10:10

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Chuy, l'homme «loup-garou» mexicain qui voulait se sentir heureux
Jesus Aceves, surnommé Chuy, souffre d'une maladie très rare, l'hypertrichose ou "syndrome du loup-garou": son visage est recouvert de poils. 
 
"Pourquoi Dieu m'a fait ainsi? Pourquoi je ne suis pas comme les autres?", se demande depuis l'enfance ce Mexicain.   
 
A l'école, il a enduré les moqueries, les coups, certains lui tiraient les poils du visage pour s'amuser.
 
A l'âge de 13 ans, il s'est réfugié dans l'alcool et a commencé à travailler dans un cirque avec deux de ses cousins qui souffrent de cette même mutation génétique.
 
Seulement une cinquantaine de cas d'hypertrichose auraient été répertoriés dans le monde au cours de l'histoire. 
 
Treize de ces cas - sept hommes et six femmes - appartiennent à une même famille, originaire de Loreto, dans l'Etat de Zacatecas (centre du Mexique).
 
Ils ne souffrent d'aucun autre symptôme que cette pilosité qui recouvre leur visage, mais pour eux, faire les courses, aller au travail, se faire des amis ou trouver l'âme sœur s'avère très difficile.
 
"Cela ne devrait pas être comme ça, mais hélas, c'est la réalité. On ne te donne pas d'opportunités, simplement parce que tu es différent", explique à l'AFP cet homme à la voix chaude.

- Une vie de cirque -

Sans diplôme et avec un visage qui lui fermait les portes, Chuy n'a trouvé d'autre issue que de s'employer dans des cirques, payé à peine 8 dollars par jour.
 
Il a ainsi notamment travaillé au "Cirque des horreurs" à Londres.
 
Cette vie de cirque, durant plus de vingt ans, lui a porté préjudice, sapant toute estime de soi, selon lui, "mais je ne m'en suis rendu compte que plus tard parce qu'au début c'était bien". 
 
C'est là qu'il a rencontré sa femme, qui ne souffre pas de la même maladie, avec laquelle il a eu une fille de 13 ans qui, elle, a hérité de cette hypertrichose.   
 
"J'ai eu de la chance, nous sommes bien ensemble", dit Chuy, qui depuis plusieurs mois ramasse des bouteilles et des cartons dans la rue.
 
Pour les hommes, cette maladie est un problème, mais pour les femmes, c'est encore pire.
 
Sans doute face à la difficulté d'assumer leur paternité, leur conjoint les abandonne lorsqu'elles tombent enceintes, comme le montre le documentaire "Chuy, el hombre lobo" ("Chuy, l'homme-loup") de la réalisatrice mexicaine Eva Aridjis, qui a passé une année et demi à suivre cette famille, espérant ainsi faire évoluer les consciences. 
 
Pour les Mexicains, le cas de Chuy rappelle inévitablement la triste histoire de Julia Pastrana, une femme d'une ethnie indigène de Sinaloa (nord) souffrant de cette maladie génétique et aux traits simiesques, qui fut exhibée en Europe au 19e siècle comme la "femme singe" ou la "femme la plus laide du monde". 
 
Son corps fut embaumé et exposé en Norvège dans une exposition de "cas étranges". Ce n'est qu'en 2013 que son corps a pu être enterré dans sa terre natale.

- 'Je veux me sentir heureux' -

Assis sur un banc dans un quartier à la mode de Mexico, Chuy semble aujourd'hui indifférent aux regards des joggers qui ralentissent pour l'observer.
 
Fatigué des moqueries et de la discrimination, il a décidé d'assumer sa condition et laisser de côté l'alcool. 
 
Il avait pour habitude de marcher en se cachant le visage avec les mains. Aujourd'hui il affronte les regards, sans complexe.
 
"J'en ai eu assez de me sentir mal. Je suis l'égal des autres et je veux me sentir heureux". 
 
"Si Dieu nous a fait tous différents, c'est pour une bonne raison", conclut-il.