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Hadj : l’ultime voyage

26 septembre 2015, 21:25

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Hadj : l’ultime voyage

Dans la plupart des mosquées de Maurice, le prêche de la grande prière du vendredi a fait allusion, vendredi 25 septembre, au drame qui a endeuillé le hadj, la veille. Nos compatriotes sont partagés entre tristesse et satisfaction. Car pour beaucoup, mourir à La Mecque n’est pas une fatalité.

 

«C’est un cadeau du ciel», se consolait vendredi Nausheen Saib. Cette Curepipienne ne verra pas rentrer sa belle-mère Aziza Mungur parmi les 1 162 Mauriciens qui sont partis en pèlerinage. «Éna dimounn ki pé rod sa sans-la, pa pé gagné», ajoute la jeune femme. Aziza Mungur, 65 ans, a rendu l’âme mercredi après avoir accompli le hadj. «Après avoir terminé sa prière, elle s’est sentie faible. Elle a demandé à sa fille Noureza de lui donner un peu d’eau et après l’avoir avalée, elle s’est éteinte», raconte Nausheen Saib. Il n’y avait, selon elle, pas de plus beau cadeau que Dieu puisse lui faire que celui de mourir en Terre sainte. C’est d’ailleurs là-bas qu’elle a été inhumée.

 

Même réflexion chez les Beeharry, à Plaine-Magnien. Ils pleurent la disparition d’Abdool Raffick, 62 ans, mort durant le pèlerinage. «Nous sommes tristes parce que nous n’allons pas le revoir. Mais contents pour lui, car il est mort à La Mecque», résume un membre de la famille. Le sexagénaire est décédé jeudi. Il était en compagnie de sa femme lorsqu’il a été pris d’un malaise. De prime abord, ses proches pensaient qu’il avait été tué lors de la bousculade. «C’est l’agent qui nous a ensuite appelés pour nous expliquer», raconte Salim, le gendre d’Abdool Raffick. Cela faisait des années que cet ancien jardinier de l’hôtel Shandrani préparait ce voyage.

 

Se rendre à La Mecque est l’accomplissement d’une vie, le sacrifice ultime que beaucoup de nos compatriotes sont prêts à réaliser peu importe leur âge. Les plus modestes économisent toute une vie pour pouvoir s’y rendre, même lorsqu’ils ne sont plus de la première jeunesse. «Certains y vont plusieurs fois en espérant mourir là-bas», explique Imraan dont le frère n’est pas rentré après le hadj en 2009.

 

«Mourir là-bas, ce n’est pas une fatalité»

 

«Mais on y va surtout pour répondre à l’appel du Créateur. Pour accomplir la plus grande prière qui puisse exister pour le croyant en islam. Mourir là-bas, ce n’est pas une fatalité. Mais attention, on se rend à La Mecque avant tout pour accomplir un devoir spirituel», précise Shenaz, qui a étudié la jurisprudence islamique.

 

L’appel de La Mecque est irrésistible pour le fervent croyant. Le pèlerinage représente un tournant dans sa vie. Les bousculades, les accidents meurtriers, le gigantisme de l’événement et ses corollaires n’estompent en rien l’envie d’y être, au moins une fois dans sa vie.

 

Dans ce lieu, il est dit que toutes les prières des pèlerins sont exaucées. «Après avoir accompli le pèlerinage, un croyant n’a plus de péchés. Mais il faut garder en tête que la personne doit continuer sur la voie de Dieu. Il n’est pas question de retourner à la vie antérieure», explique l’imam Arshad Joomun, représentant musulman au Conseil des religions.

 

Dans un récit intitulé The Road to Mecca, Muhammad Assad raconte son expérience: «Je n’arrêtais pas de marcher. Le temps passait et tout ce qu’il y avait d’amer dans mon cœur commençait à me quitter. Je suis emporté dans un flot circulaire. Ah, quel est le sens de tout cela ? Est-ce prendre conscience que nous sommes une part d’un mouvement en orbite ? (...) Le temps s’arrête et c’est le centre de l’univers...» On comprend pourquoi, pour beaucoup de nos compatriotes de foi musulmane, le pèlerinage symbolise l’ultime voyage, au sens multiple.

 

Journalistes : Yasin DENMAMODE, Abdoollah EARALLY, Shelby EMILIEN, Priya LUCKOO et Selvanee VENCATAREDDY