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Russie: début du procès de la pilote ukrainienne jugée pour le meurtre de journalistes

22 septembre 2015, 15:54

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Russie: début du procès de la pilote ukrainienne jugée pour le meurtre de journalistes
La pilote militaire ukrainienne Nadia Savtchenko, accusée du meurtre de deux journalistes dans l'est séparatiste de l'Ukraine, a dénoncé mardi l'"hypocrisie" de la Russie lors de son procès à Donetsk, petite ville russe à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne.
 
La cour devrait se pencher sur les "preuves irréfutables" que le Comité d'enquête russe affirme avoir réunies, prouvant qu'elle est la "co-exécutrice du meurtre prémédité" en juin 2014 de deux journalistes dans l'est de l'Ukraine, un chef d'accusation passible de 25 ans de prison.
 
Les journalistes sont morts "à la guerre", a déclaré Mme Savtchenko, vêtue d'un chemisier brodé de motifs ukrainiens traditionnels et enfermée dans une cage, comme c'est la pratique en Russie.
 
"La Russie agit depuis longtemps de façon hypocrite et avec une politique de deux poids, deux mesures", a-t-elle lancé en ukrainien d'une voix vibrante, qui devenait un simple murmure dès que son discours était traduit en russe.
 
"Chacun dans cette salle comprend bien qu'il ne s'agit pas d'un procès mais de galimatias", a-t-elle lancé à la cour.
 
Escortée par des dizaines de cosaques en uniforme militaire, Nadia Savtchenko avait pénétré dans la matinée dans le tribunal entouré de forces anti-émeute, armes au poing, et sous les yeux des tireurs d'élite sur les toits environnants.
 
Son procès s'était ouvert le 30 juillet mais avait été ajourné au bout de quelques heures: les avocats de Mme Savtchenko exigeaient qu'elle soit jugée à Moscou, ce que la cour a refusé.
 
La pilote de 34 ans est donc finalement jugée à Donetsk, dans le sud-ouest de la Russie, à quelques kilomètres de la frontière avec l'Ukraine, une zone où les journalistes étrangers ne peuvent se rendre qu'avec une permission des services secrets russes (FSB, ex-KGB).
 
Le procès a "été créé de toutes pièces", a martelé à la cour un de ses avocats, qualifiant l'enquête et le procès de "simulacres".
 
Au premier rang de la salle d'audience se tenait la soeur de Nadia, Vera, également habillée en costume ukrainien, tandis que les autres bancs étaient occupés par les cosaques en habits militaires.
 
Les journalistes, venus nombreux, ont été interdits d'entrée dans la salle d'audience: le procès était retransmis sur un écran dans une autre salle.
 
Trois représentants de l'Union européenne ainsi que le consul de l'Ukraine à Rostov, ville du sud-ouest de la Russie, ont également fait le déplacement.
 
Devant le tribunal, quelques militants russes ultra-nationalistes brandissaient des pancartes contre la pilote ukrainienne. L'un d'eux, Alexeï Mikhaïlovitch, disait espérer qu'elle "soit envoyée à Magadan", ville en Extrême-Orient et ancienne terre des goulags à l'époque soviétique.
 
- Peu d'espoir -
 
Les avocats de la pilote ne cachaient pas leur pessimisme quant à l'issue du procès. "Nadia Savtchenko peut s'attendre à être condamnée à n'importe quelle peine", a déclaré à la presse son avocat Mark Feïguine, ajoutant que "s'il y a une chance, ne serait-ce qu'une, de l'acquitter grâce à sa célébrité, alors nous la saisirons".
 
Déjà connue en Ukraine pour sa réputation de soldate aguerrie, Mme Savtchenko est devenue encore plus célèbre après son arrestation en juillet 2014 par les autorités russes, suivie d'une longue grève de la faim et de la publication d'un livre.
 
Sa popularité lui a permis d'être élue symboliquement députée en octobre. Kiev ainsi que Bruxelles et Washington ont plusieurs fois appelé Moscou à libérer la pilote.
 
Il s'agit du premier procès en Russie d'un militaire ukrainien depuis le début de la crise ukrainienne et une éventuelle condamnation de la pilote pourrait devenir un point de friction supplémentaire entre Moscou et Kiev, dont les relations sont au plus bas.
 
Un ressortissant ukrainien, le réalisateur Oleg Sentsov, a déjà été condamné à 20 ans de prison en août par la justice russe pour "terrorisme", au terme d'un procès dénoncé par Kiev, par les Occidentaux et par des cinéastes européens.