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En Chine, les cérémonies d'accueil des dignitaires étrangers sont un jeu d'enfants

17 septembre 2015, 17:03

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En Chine, les cérémonies d'accueil des dignitaires étrangers sont un jeu d'enfants

Dai fait partie des élèves chinois sélectionnés dans les écoles de la capitale pour participer aux cérémonies d'accueil des dignitaires étrangers, aux côtés d'un détachement spécial de l'Armée populaire de libération (APL) et de hauts responsables du régime.

Organisé au millimètre, le rituel est invariablement retransmis au journal télévisé du soir, montrant Xi Jinping accompagné de son hôte passant en revue la garde d'honneur dans le Palais du peuple sur la place Tiananmen.

Arrivés ensuite à hauteur de la quarantaine d'enfants mobilisés, ces derniers, au signal, s'époumonent en ch?ur aux cris de "Bienvenue en Chine !" --en chinois et en anglais-- en sautillant sur place tout en agitant le drapeau national d'une main et celui du pays invité de l'autre.

"J'adore venir ici accueillir les étrangers. Comme ça, on ne va pas en classe et parfois je me vois le soir à la télévision", raconte la petite Dai, en attendant sagement au soleil que la cérémonie commence.

Elle espère accueillir un jour le président américain Barack Obama, car "c'est celui que j'ai le plus envie de voir", dit-elle.

L'imposant cérémonial d'accueil des chefs d'État étranger a ici une longue histoire. Mais les enfants n'y sont réapparus qu'après l'arrivée au pouvoir en 2012 de Xi Jinping, après un intermède de 23 ans.

- 'Comme un empereur' -

En 1954, le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru avait été le premier dirigeant non communiste à se rendre en Chine populaire. Un geste de reconnaissance crucial pour Mao Zedong, à l'époque des décolonisations et des poussées révolutionnaires.

Mao avait alors commandé une cérémonie d'une ampleur jamais vue, comme seul un autocrate le pouvait.

Quelque 300.000 Chinois avaient été mobilisés sur les dix kilomètres de route empruntés par la limousine de Nehru, de l'aéroport au centre de la capitale, avait rapporté à l'époque l'envoyé du journal britannique News Chronicle.

"Un mur humain de dix kilomètres, applaudissant, acclamant et pleurant" d'émotion, racontait alors James Cameron.

Toujours fiers et souriants, foulard rouge noué autour du cou, les jeunes "Pionniers", l'une des organisations de jeunesse du Parti communiste, étaient régulièrement appelés sous Mao pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs étrangers.

Après sa mort en 1976, qui sonna la fin de la Révolution culturelle, le cérémonial a été déplacé de l'aéroport au Palais du peuple.

Deux ans plus tard, sous Deng Xiaoping, les citoyens chinois étaient dispensés d'accourir le long des routes pour les "bienvenues" officielles.

Et finalement en 1989, sous Jiang Zemin, le protocole en exemptait les écoles primaires et secondaires.

Mais Xi Jinping --réputé avoir amassé plus de pouvoir et plus rapidement qu'aucun autre successeur de Mao-- a renoué avec cette tradition, non exempte d'un relent de culte de la personnalité.

"Comme quand la Chine avait un empereur", juge Ines Pires, fondatrice de l?École internationale de protocole et de diplomatie, basée à Bruxelles.

"La Chine a une façon plus collectiviste de penser et ces cérémonies sont censées être une représentation de l?État et de toute la Chine", dit-elle à l'AFP.

- 'Un grand moment' -

Il arrive dans d'autres pays que les écoliers soient enrôlés pour des cérémonies similaires, mais rarement avec une telle importance.

Les enseignants se chargent des entraînements: au coup de sifflet, on lance les "Bienvenue!". Au coup de sifflet suivant, silence.

Trop excité, un gamin se fait tancer par son maître: "Ceci est un grand moment! Ne sois pas ridicule et n'humilie pas la classe en faisant quelque chose qui embarrasse les dirigeants!"

Quand le président Xi apparaît, les enseignants doivent se reculer plus loin, eux aussi fiers et nerveux: ils prennent des photos avec leurs téléphones portables tout en croisant les doigts pour que leurs petits protégés ne commettent aucune "boulette" devant les grands de ce monde.

Parfois, ils ont droit à un sourire du président et à un petit bonjour de la main, comme lors de la venue de son homologue de Singapour. Seul petit signe de détente sur un visage présidentiel généralement impassible dans ces moments-là.

Une fois les dirigeants sortis, les bambins se précipitent vers les toilettes, chacun assurant qu'il n'a pas eu peur du président... et tous raillant l'unique malheureux qui avoue avoir été un peu effrayé.

En attendant l'arrivée du président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, l?excitation des gamins était vive... même si bien sûr aucun n'avait la moindre idée de son terrible bilan en matière de droits de l'Homme durant ses 30 ans d'exercice du pouvoir.

A huit ans, le petit You Ziniu en était à sa deuxième cérémonie: l'an dernier, il était du comité de réception du président Obama.

"J'ai préféré la visite d'Obama", dit-il. "La Guinée équatoriale ? Je n'ai jamais entendu parler de ce pays-là".