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Tensions dans le Sud : le jour d’après

13 septembre 2015, 11:52

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Tensions dans le Sud : le jour d’après

Pas besoin d’aller «lot kote dilo» pour remplir son carnet de voyage. Un parcours physique, au premier degré, au vu du coaltar avalé. Physique aussi dans cette façon qu’ont eue tous ces inconnus, rencontrés au détour d’une route, de nous indiquer très volontiers celle à suivre. Avant de nous livrer sans détour une partie de leur quotidien. Voyage intérieur aussi, dans des lieux dont on  a oublié la portée. Mais dont  le silence apaise. Et guérit.  Après les agitations  du week-end dernier, désormais reléguées au passé.

Au bord de la rivière, à Souillac, des «lavandières» d’un autre type. Ces hommes frottent, étendent et plient des toiles utilisées comme éléments de décoration lors des mariages. 

 

Si on tire une ligne du nord au sud, en partant de  Cap- Malheureux, on tombe à un jet de pierre de Camp-Diable. Voilà qui vient à pic. C’est là que nous allons. Pour faire silence un instant au temple Amma Tookay.

 

Dérogeant à la règle, cette année, ce lieu de culte n’a pas fait parler de lui à l’ouverture de la coupe. Mais parce que des «têtes brûlées» – qualificatif qui revient à chaque fois chez les personnes rencontrées – y ont fait un passage fracassant. «Ayo bliyé sa», dit un dévot en secouant la tête. «Bizin viv korek ar tou dimounn. Fodré pa ena sa ankor.»

 

Quiétude retrouvée sur place. Une voiture de police, garée discrètement en retrait, veille. Des personnes venues faire des prières vous jettent un de ces regards qui vous identifient comme n’étant pas «enn figir landrwa». Mais rien ne trouble le flot de paroles de l’officiant, en ce jeudi matin.

Le temple Amma Tookay, à Camp-Diable, a retrouvé sa sérénité.

 

Le temple Amma Tookay rayonne sur ces vastes étendues du Sud qui sentent bon le sucre chaud. Univers cannier où on ne compte plus les cheminées d’anciennes usines, croisées en route. Tiens, ces cheminées pourraient faire un parcours thématique. Mais trêve de bonnes idées.

 

Voici celle de Bénarès. Quand on veut savoir quand est-ce que l’usine – aujourd’hui propriété d’Omnicane – a fermé, Seeven Adapen, Field Supervisor, nous renseigne spontanément. Il nous invite à entrer dans un petit bureau. Au mur, une photo de l’ancienne sucrerie est épinglée. On peut y lire les dates de roulaison : 1863-1968.

 

Mais parlons du présent. Dans une phrase, il glisse qu’il est de Rivière-des-Anguilles. «Nou tou viv trankil isi.» Il  insiste : ce ne sont pas des gens de la localité qui sont impliqués dans les incidents. Un point de vue largement partagé par d’autres habitants que nous avons rencontrés. «Nou finn dir lapolis pran sa bann dimounn la alé, pa less zot vinn ankor.»

À deux pas du radier de Macondé, une pirogue baptisée… Macondé, prend forme.

 

On ne peut pas voir Bénarès sans se désoler du sort de son «château». Le Sud a de larges pans d’histoire et de patrimoine, parfois en décrépitude. Le «château» est l’ancienne demeure de la famille Naz, qui subit les outrages du temps. Moyto Nirsimloo, 59 ans, se souvient d’y avoir fait ses classes primaires. Il nous assure que, «vyé dimounn dir» que beaucoup de pierres ont été enlevées pour servir à la construction de l’église Sainte-Hélène. «Seki ou trouvé la sé zis enn memwar. Nou landrwa apel sato, me get nou sato kouma pé koulé. Bann dimounn isi get sa zot sagrin.» Nous nous hasarderons à «looker» à l’intérieur. De très vieux pupitres silencieux y dorment en attendant des jours meilleurs…

Au «view point» de Macondé, tous ces Mauriciens regardent dans la même direction : l’avenir. Sans oublier la vue à couper le souffle. 

 

Vous avez dit histoire ? C’est dans le Sud que l’on trouve le plus grand nombre de musées. Celui de Mahébourg évidemment. Celui plus rustique et émouvant de La Nef, la maison de corail du poète Robert Edward Hart. Le berceau des colonisations hollandaise et française à Fort Hendrik, Vieux-Grand -Port. Celui de Tyack, qui perpétue la mémoire de Basdeo Bissoondoyal. En dehors des «zanfan lekol» et des touristes, nous gagnerions tous à nous y rendre, pour une piqûre de rappel. Pour ne pas oublier d’où nous venons, ce que le pays a traversé. Ce que nos aïeux ont construit.

 

Comment suivre la boussole qui indique le sud sans aller au bord de mer ? Connaissez-vous ce petit coin de sable appelé Mamzel Naz ? Un bout de plage qui se mérite. Moyto Nirsimloo raconte que c’est celle qu’aimait fréquenter l’une des habitantes du «château».

 

Pour y aller, oubliez la voiture. Descendez du véhicule, traversez un sentier rocailleux dans un «karo» de palmiers, puis de bananiers. Descendez un terrain en pente couvert d’un tapis de branches de filao, et marchez sur du gazon mousseux. Le déchaînement de la mer sur les rochers en vaut amplement la peine. Cela rappelle  Gris-Gris et sa roche qui pleure. Souillac, en mieux. Pas âme qui vive en chemin. C’est le privilège des coins méconnus.

La salade de fruits de Raj Rama, à Macondé, met tout le monde d’accord. 

 

En route, d’autres plages nous feront de grands signes : Blue-Bay, Saint-Félix, Riambel, Bel-Ombre. Mais ce sera pour les jours de service décommandé…