Publicité

Bruxelles propose 500 millions d'euros d'aide aux agriculteurs, mais sans convaincre

8 septembre 2015, 09:14

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Bruxelles propose 500 millions d'euros d'aide aux agriculteurs, mais sans convaincre
La Commission européenne a proposé lundi 500 millions d'euros pour tenter de régler la crise actuelle qui touche particulièrement les marchés du lait et du porc, loin de satisfaire les milliers d'agriculteurs qui ont manifesté, parfois violemment, sous ses fenêtres à Bruxelles.
 
"La Commission va proposer que la partie la plus significative" de ce montant soit "fournie à tous les Etats membres sous forme d'enveloppes pour soutenir le secteur laitier", a précisé l'exécutif bruxellois. Aucune clé de répartition selon les Etats et/ou les secteurs n'a toutefois été précisée.
 
La Commission promet que les Etats membres les plus touchés auront droit à un "égard particulier". Sa réponse veut avoir un impact à trois niveaux: répondre aux difficultés de trésorerie des agriculteurs, stabiliser les marchés et s'attaquer au fonctionnement de la chaîne de production.
 
Le principal syndicat européen, le Copa-Cogeca, a immédiatement déploré une proposition "bien loin du compte" pour indemniser les agriculteurs de la perte de leur principal marché à l'exportation, la Russie, "qui vaut 5,5 milliards d'euros par an", selon son secrétaire-général, Pekka Pesonen.
 
Le syndicat a organisé lundi une manifestation géante à Bruxelles, paralysant le quartier européen alors que les ministres européens de l'Agriculture étaient réunis pour écouter les propositions de la Commission.

- "Mépris" -

Entre 6.000 et 7.000 agriculteurs, 1.400 à 2.000 tracteurs, venus de toute l'Europe, ont fait le déplacement lundi à Bruxelles pour crier leur colère, au milieu des pétards, des fusées, des gaz lacrymogènes et des canons à eau.
 
"Quelle nourriture donnerez-vous à vos enfants?" "Europe veux-tu encore de nous?", pouvait-on lire sur des pancartes et bannières. "On vous nourrit, nous on crève". "Passant, souviens-toi de l'agriculture équitable et nourricière aujourd'hui décimée par la mondialisation", lisait-on sur d'autres.
 
"Je considère qu'il y a une forme de mépris", a réagi Xavier Beulin, chef de file des agriculteurs français, qui s'attendaient à des mesures plus fortes.
 
La France, qui avait expressément demandé la tenue d'une réunion extraordinaire sur la crise agricole, a elle aussi fait part de sa frustration lundi soir. Il y a des "insuffisances de précisions de la Commission européenne sur les mesures et les financements", a estimé le ministre, Stephane Le Foll, lors d'une conférence de presse.
 
La nouvelle manne proposée par Bruxelles est à répartir entre aides directes - avec notamment la possibilité pour chaque pays de payer les aides prévues dès le mois d'octobre, une mesure destinée à résoudre au plus vite les problèmes de trésorerie des agriculteurs - et mesures de soutien aux marchés.
 
La Commission met ainsi l'accent sur l'aide au stockage privé, à la fois dans le secteur laitier avec un fonctionnement amélioré et aussi pour la viande de porc avec le lancement d'un nouveau programme, qui devrait permettre de retirer du volume du marché.
 
La Commission va également intensifier la promotion des produits du terroir à l'exportation, en augmentant le budget qui y est consacré en 2016, et plancher sur de nouveaux accords commerciaux bilatéraux, à l'image de ceux récemment conclus avec le Canada et le Vietnam.
 
Un soutien à l'exportation était souhaité par les agriculteurs comme par l'Allemagne et son ministre, Christian Schmidt, qui voit encore "trop d'obstacles, de barrières, et de bureaucratie".

- Embargo russe -

Fidèle à une approche libérale de la politique agricole commune (PAC), Jyrki Katainen, vice-président chargé de l'Investissement, qui présentait les mesures en lieu et place de son confrère chargé de l'Agriculture, souffrant, a écarté l'idée de relever le prix d'intervention.
 
"Cela pèserait sur la compétitivité de l'Union pour les 10% (ou plus) de la production laitière qui doivent être exportés", a-t-il souligné, précisant que cela ne jouerait de toute façon pas en faveur d'un retour à l'équilibre.
 
La mesure est pourtant réclamée par plusieurs pays, dont la France, et par certains producteurs.
 
"Le lait est payé moins cher qu'il nous coûte à produire, il nous faudrait un prix de base de 350 à 400 euros (pour 1.000 litres) alors qu'on est payé 280 euros actuellement", déplorait ainsi un producteur laitier français présent à la manifestation bruxelloise.
 
Ce sujet risque de revenir sur le tapis lors de la prochaine réunion des ministres de l'Agriculture mardi à Luxembourg. En l'état, "on est assez loin" d'une décision sur ce point, a reconnu M. Le Foll.
 
Actuellement, le mécanisme de soutien a été activé au cours de l'été dans plusieurs pays, notamment la Lituanie et la Finlande, voisins de la Russie et particulièrement touchés par l'effondrement des marchés.
 
L'embargo russe sur les produits agricoles, décrété par Moscou en rétorsion aux sanctions prises par les Européens à la suite de la crise ukrainienne, pèse lourd sur les marchés, la Russie ayant été la destination de 10% des exportations agricoles de l'UE.
 
Le marché du lait en particulier souffre d'une surproduction au niveau mondial qui, outre le manque de débouchés en Russie, est liée à une chute de la demande chinoise et à une augmentation de la production, notamment en Europe depuis la fin des quotas au mois de mars.