Publicité

Affaire Gorah Issac: l’indignation des veuves de deux victimes de Liyyakat Polin

5 septembre 2015, 11:19

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Affaire Gorah Issac: l’indignation des veuves de deux victimes de Liyyakat Polin

Choc, écœurement, révolte. Ce sont les sentiments qui animent Thérèse Marchal et Swaleha Joomun depuis la libération prématurée, mais surtout inattendue, de Liyyakat Polin, le mercredi 2 septembre. Ce dernier avait été condamné, le 22 juillet 2004, à 21 ans de prison par la cour d’assises à la suite de la fusillade de la rue Gorah Issac, à Plaine-Verte, survenue le 26 octobre 1996.

 

Il a été relâché au bout de 15 ans d’emprisonnement après avoir bénéficié de la grâce présidentielle. Ces deux veuves, marquées à vie par les coups fatals de l’escadron de la mort, dont faisait partie Liyyakat Polin, se sont confiées à l’express-samedi.

 

«Son pardon, il peut le garder pour lui. Ça ne fera pas revenir mon mari», s’indigne Thérèse Marchal, la veuve de Jacques Marchal. Ce vigile avait reçu cinq balles lors du hold-up de la State Bank de Mesnil, le 4 juillet 1997. Il était alors âgé de 63 ans. Thérèse Marchal raconte que ses deux fils, sa fille et elle-même avaient pu faire leur deuil jusqu’à mercredi. Dix-huit ans après la tragédie, la libération de Liyyakat Polin vient bouleverser leur existence.

 

«Nous avons tellement souffert. Lui, il est en vie»

 

Les Marchal se retrouvent à nouveau hantés par «l’enfer» vécu depuis que le père de famille est tombé sous les balles de six hommes encagoulés et armés de fusils de gros calibre, dont Liyyakat Polin. Le 3 août 2005, ce dernier avait été condamné à huit ans de prison pour au moins trois vols à main armée, dont le hold-up de la State Bank de Mesnil.

 

«J’ai vu son visage à la télé. Ça me dégoûte. Nous avons tellement souffert. Lui, il est en vie. Je sais seulement qu’il y a quelqu’un en haut qui fera le jugement»,confie Thérèse Marchal, la voix emplie d’émotions. Elle fait valoir qu’après ce braquage, son époux a vécu deux ans et six mois avec quatre des cinq balles qu’il avait reçues dans le corps. Jacques Marchal s’est éteint au bout de ces deux ans et demi.

 

Pour Thérèse Marchal, personne ne peut accepter ce que Liyyakat Polin et sa bande ont fait. «Je me demande comment il a pu sortir. On ne sait pas ce qu’il y a dans la tête de ce genre de personne. Demain, il pourrait recommencer», regrette-t-elle.

 

 «La présidente doit nous dire sur quels critères il a été relâché»

 

Pour sa part, Swaleha Joomun n’entend pas rester les bras croisés. La veuve de Babal Joomun, l’un des trois activistes de l’alliance PTr-MMM tués dans la fusillade de la rue Gorah Issac, à Plaine-Verte, compte réclamer des explications officielles de la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim.

 

Début 2015, Liyyakat Polin avait adressé une pétition à la Commission de pourvoi en grâce pour une remise de peine. Sa requête a été acceptée et sa peine est passée de 21 à 17 ans de prison. Il devait être libéré en 2016 mais, depuis la soirée du 2 septembre, cet ancien membre de l’escadron de la mort est un homme libre.

 

Jointe vendredi 4 septembre en Angleterre, où elle a trouvé refuge depuis 2003 avec ses trois filles, Swaleha Joomun, 50 ans aujourd’hui, se demande sur quels critères Liyyakat Polin a été libéré. Cela fera 19 ans, ce 26 octobre, qu’elle a perdu son époux. «C’est choquant que la présidente ait apposé sa signature. C’est une femme comme moi. C’est inadmissible ce qu’elle a fait. Elle doit venir nous dire sur quels critères il a été relâché», s’insurge la veuve de Babal Joomun.

 

«Notre histoire doit être racontée»

 

Les propos tenus par l’ancien membre de l’escadron de la mort la dérangent. «Il ne peut garder la tête haute. Il a admis ses forfaits. Il a le sang de mon mari sur les mains.» Prise de court par la libération de Liyyakat Polin, Swaleha Joomun affirme néanmoins avoir déjà contacté son avocat à Maurice, Me Vikash  Teeluckdharry, pour discuter de la marche à suivre. Elle rentrera au pays avant la fin de l’année pour mener la suite de son combat.

 

Pour Swaleha Joomun, si Liyyakat Polin veut vraiment marcher la tête haute, «qu’il déballe tout car il a beaucoup menti». Elle ajoute : «On le protège. Je ne sais pas qui. Mais on le protège !»

 

Elle confie qu’elle s’est mise à l’écriture de son histoire. «Je suis en train de compiler beaucoup d’archives car notre histoire doit être racontée. Même si je ne suis pas là, mes trois filles reprendront le flambeau», raconte Swaleha Joomun, qui travaille, entre autres, au Birmingham Council, avec les femmes réfugiées comme elle, qui ne parlent pas anglais.