Publicité

L’avenir amer d’une «casseuse» de sel

23 août 2015, 13:20

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

L’avenir amer d’une «casseuse» de sel

Sur les 38 familles qui vivent de l’extraction de sel pour le compte des salines de Mont Calme appartenant à la famille  De Ravel et qui ont été logées par le propriétaire à Carré d’As juste après le supermarché London à Tamarin, seules quatre sont encore engagées dans ce métier. Toutes ces familles habitent ce «Tablisman De Ravel» depuis plus d’une cinquantaine d’années. Aujourd’hui, ces habitations en béton sont lézardées et leur toiture fuit comme une passoire. 

 

Marilyn Olivia, 50 ans, est une de ces «casseuses» de sel. Elle exerce ce métier depuis 35 ans. Avant elle, sa mère et son père l’ont aussi pratiqué dans les salines de La Preneuse qui se trouvaient autrefois en face du Carré d’As. En contrepartie, ses parents ont pu disposer gratuitement d’une de ces maisonnées en béton. Ils n’avaient qu’à payer la facture d’électricité. 

 

Marilyn n’a pas choisi ce métier. Il s’est imposé à elle alors qu’elle n’avait que 15 ans. Son père ayant eu une congestion sur son lieu de travail et ne pouvant plus travailler, le «gran missyé» est venu trouver sa mère. «Linn dir mama fer enn zanfan vinn remplas papa akoz nou ress dan so lakaz. Si enn dan nou pa ti alé, nou ti pou perdi nou lakaz.» Son frère aîné était maçon, il ramenait de l’argent à la maison. Il ne restait plus qu’elle. «Monn oblizé aret lekol. Samem zordi mo pa tro koné ki pou fer…»

 

Remplir 35 paniers de sel

 

Elle se souvient de son premier jour dans les salines de La Preneuse comme si c’était hier. À  7 heures, elle y était déjà. Hormis une solution verte censée protéger la peau et dans laquelle elle a dû patauger avant de commencer, c’est pieds et mains nus qu’elle s’est activée dans un bassin, le soleil lui dardant ses rayons sur la tête. 

 

Sa tâche consistait à remplir  35 paniers en rotin de sel. «Ou rant dan basin ek ou kas disel ar enn bross. Si li red, ou pass lapel pou dékol li, ou met li an ta avan met dan panye». Un panier, qui une fois rempli, affirme-t-elle, pèse plus de 18 kilos. 

 

Un sirdar veille à ce que la tâche soit effectuée correctement. Au début, les «casseuses» de sel sont payées à la semaine. Elle perçoit Rs 200. «Sa lepok la ti enn bel larzan.» En temps de coupe, elle gagne davantage. «Wi, dan disel ousi ou ena lakoup. Disel pli fourni ant août ek zanvye, kan ena plis soley ek labriz.» 

 

De d’huile de moteur pour atténuer les douleurs

 

Pendant la coupe donc, elle se lève plus tôt pour se rendre aux salines et elle remplit des paniers jusqu’à ce que le sel soit épuisé. Le plus de paniers que Marilyn ait rempli en un jour de coupe est de 80. La coupe lui fait des journées plus longues, soit de 7 heures à  13 heures au lieu de l’habituel  7 à 11. Elle rentre fourbue. «Abé fatigan mem sa travay-la. Kouma ou ariv lakaz, ou gagn douler ek ou zet lor lili. Ler ou levé, kouma enn dimounn tap ar ou, ou tombé. Kouma dir ou mars ar pil». Sans compter que le sel lui brûle les mains et les pieds. Elle les enduit alors d’huile de moteur pour atténuer les douleurs… 

 

L’extraction de sel s’est grandement améliorée depuis qu’elle est syndiquée, avoue-telle. Marilyn dispose de bottes, de gants, d’un uniforme et d’un chapeau. «Bisin dir kontan travay la parski finn vieilli ladan.»  Et depuis qu’elle a été mutée aux salines de Mont Calme à la fermeture de celles de La Preneuse en l’an 2000, un tracteur vient la chercher tous les matins pour l’emmener au travail. Elles sont 17 «casseuses» sur l’engin. Leur salaire  est mensuel. «Ler ou tir kontribisyon pension tousala, res ziss Rs 6 000 kitsoz.» 

 

Si autrefois Marilyn, dont le mari est aussi affecté aux salines, arrivait à nourrir les siens, depuis sept mois, elle a été obligée de prendre un deuxième emploi à mi-temps. Ainsi, trois fois la semaine, elle travaille comme bonne chez une étrangère.  Ce qui fait une injection  de Rs 4 000 dans le  budget familial. 

 

Marilyn ne sait pas si ses jours en tant que «casseuse» de sel sont comptés ou pas mais elle est résignée.  «Si aret nou, nou pa pou kapav dir nanié.» Elle sait qu’elle recevra une compensation pour ses années de service et qu’elle pourra même trouver un nouvel emploi «dans lakour. Isi lor lakot travay pas miser. Se lakaz ki difisil», avoue-t-elle. 

 

Depuis une dizaine d’années, le fils du «gran missyé» parle de les reloger. Elle attend cela avec impatience car «lakaz pe gréné lor nou latet». Elle appréhende les grosses pluies en raison des fuites dans la toiture. Sans compter l’eau qui descend de la montagne et qui inonde les cours. «Tanto tann dir nou pou reloge St Esprit. Tanto dans Gorges. Tanto akot reservoir. Pankor koné. Mais mem si li lwin pou gagn bis, ki pou fer ? Enn bon lakaz pou reste, sa ki mo bisin…»