Publicité

Kailash Satyawan Trilochun : le droit, une évidence

24 juillet 2015, 00:20

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Kailash Satyawan Trilochun : le droit, une évidence

Cet avocat de 45 ans, qui est un des rares à ne pas avoir un cabinet à Port-Louis, précise que ce n’est pas la première fois qu’une personne occupant un poste constitutionnel contourne le Parquet et prenne un avocat du privé. Kailash Satyawan Trilochun cite le cas de Dev Hurnam contre le Directeur des poursuites publiques (DPP) d’alors, la juge Ah Foon Chui Yew Cheong, où cette dernière a eu recours à deux avocats du privé.

 

De plus, souligne-t-il, le CP occupe un poste constitutionnel tout comme le DPP et, à un moment ou à un autre, tous les avocats du Parquet ont conseillé l’un comme l’autre. Dans la pratique générale, c’est un avocat du Parquet qui représente le CP. «À cela, je vous cite lord Wilson, juge du Privy Council, dans le cas de Pigagniol qui était mon client, contre Smegth. Il a dit : But there is no logic behind a conclusion that what usually happens equates to what is always required. En d’autres termes, ce n’est pas parce que c’est dans la pratique courante que c’est bon.»

 

«Si demain il y a un possible conflit d’intérêts entre moi et le CP, je me récuserai»

 

Et quid de la perception qu’il a été choisi en raison de ses liens avec le ministre Bodha ? «Nous ne pouvons pas maîtriser la perception des autres qui est subjective et qui appartient à chaque personne. Si cette perception était vraie, après les élections générales de décembre dernier, je n’aurais pas paru contre l’Attorney General, ni contre l’État comme je l’ai fait. Mes clients n’ont pas épousé cette perception. Je suis un avocat indépendant. Le droit de tout individu est de retenir l’avocat de son choix et, en tant qu’avocat, je n’ai pas le droit de refuser un cas. Mais je peux vous assurer que si demain il y a un possible conflit d’intérêts entre moi et le CP, je me récuserai.

 

«Vous évoquez mes liens avec Nando Bodha mais est-ce que cela signifie-t-il que all lawyers close to power or government should not be instructed et que ce sont des lawyers not close to power qui devraient l’être? Le facteur le plus important dans la relation entre un client et son avocat repose sur la confiance et la confidence. And who is more trustworthy is a matter which is for you alone to decide. Cela dit, Nando ne m’a jamais envoyé de client

 

Pour soutenir financièrement les siens, il exerce plusieurs petits boulots

 

Kailash Satyawan Trilochun pourrait parler du droit pendant des heures tant le sujet le passionne. Un choix de carrière qu’il décide d’embrasser alors qu’il est encore enfant. Quatrième des sept enfants d’un chauffeur d’autobus et d’une modiste vivant à Solférino, Vacoas, il est outré lorsque la voiture de son père – pour laquelle ce dernier a contracté un emprunt – est emboutie à l’arrière et que l’affaire met 12 ans à être réglée. Elle aboutit à un règlement à l’amiable qui n’arrange pas son géniteur.

 

«Cette attente nous a plongés dans une misère noire», raconte-t-il. «Nous étions tellement pauvres que lorsque ma mère me donnait Rs 7,50 pour acheter un quart de livre de travers de mouton pour toute la famille, le boutiquier ne savait que faire. Il disait qu’il avait du mal à découper un quart de livre de mutton flaps».

 

Il est sauvé par un développement de la petite enfance très structuré. En effet, jusqu’à l’âge de 11 ans, il fréquente le Joint Child Health and Education Project de Save The Children, financé par des gouvernements étrangers. Dans chaque classe, ils sont cinq élèves pour deux instituteurs.

 

Sauf qu’à un moment, le gouvernement mauricien, qui est censé contribuer au projet, ne le fait pas. Le projet est stoppé en cours de route. Il se retrouve au SSS de Bambous. Il devient alors rebelle et échoue à son examen de Form V à deux reprises.

 

«À part les mathématiques et les langues, j’ai échoué partout. La déception était totale pour mon entourage et moi vu les bons résultats que j’avais apportés jusque-là.» Pour soutenir financièrement les siens, il exerce plusieurs petits boulots : docker, maçon, tôlier, menuisier, vendeur tantôt de jouets, tantôt de légumes qu’il plantait dans sa cour. Pendant plusieurs années, il travaille comme plongeur au restaurant Café National, à Vacoas.

 

Sa mère étant très pieuse – elle a une dévotion particulière pour la divinité Shiva et ne l’autorise pas à se couper les cheveux, d’où l’éternelle queue-de-cheval qu’il arbore jusqu’à présent – il fréquente le centre ISKON et les Hare Krishna et se documente sur la spiritualité et la philosophie. Sa vie prend un autre tournant lorsqu’il y croise un prêtre sud-africain, qui était autrefois un homme d’affaires à succès et qui l’introduit dans un réseau d’intermédiaires de peintures. «J’allais en Asie et en Europe acheter des toiles que je revendais à Maurice et en Afrique du Sud. Cela m’a permis d’amasser une coquette somme.»

 

Il aurait pu continuer sur cette voie mais c’était sans compter son désir de faire des études supérieures. Et le rôle de l’avocat défenseur des opprimés, campé par l’acteur Anil Kapoor dans le film «Meri Jung», achève de le convaincre qu’il fait le bon choix en étudiant le droit.

 

«Je voulais préserver mon indépendance»

 

Le voilà embarqué pour la Grande-Bretagne où il trouve un emploi bien rétribué de cireur de chaussures de nuit dans un grand palace. Renseignements pris, il n’a pas les 4 000 livres nécessaires pour pouvoir reprendre ses matières d’études en A Level. Un de ses collègues cireurs de chaussures n’est autre qu’un étudiant en droit malais qui fait en simultané son barreau. «Il m’a offert un livre sur le A Level Law de Smith, : For some of us, it dawns late but when it dawns, the light stays forever.» Il ne lui en faut pas davantage pour étudier et ne dormir que trois heures. Il se fait examiner par l’Associated Examination Board en deux matières ; droit et droit constitutionnel. Ayant réussi l’examen, il est autorisé à étudier la loi.

 

C’est à l’université de Hertfordshire, qui est la seule université publique à offrir la possibilité de faire un LLB en deux ans au lieu de trois, qu’il se fait inscrire. Il réussit cet examen et fait son Bar au Inn’s of Court School of Law de Londres. Pour survivre, il se fait chauffeur de taxi. Dans l’univers concurrentiel londonien, il a du mal à trouver un avocat ou un avoué disposé à le prendre en stage.

 

Jusqu’à ce qu’il effectue une course pour un client qui voit un livre de droit sur sa banquette avant et qu’une conversation s’engage alors entre client et chauffeur. «C’était Richard Keogh, un avocat. Lorsqu’il a su que je faisais mon Bar et que je ne trouvais pas de cabinet où faire mon pupillage, il m’a pris sous son aile et j’ai fait beaucoup de cas de droit du travail et d’immigration.» Il en profite aussi pour obtenir un diplôme en informatique auprès de CISCO System.

 

Lorsque l’alliance Mouvement socialiste militant/Mouvement militant mauricien arrive au pouvoir en l’an 2000, Showkutally Soodhun, qui était alors ministre du Travail, lui offre l’opportunité de mettre ses connaissances en pratique en devenant son conseiller. Il participe à la réforme des lois du travail et est nommé président de l’Industrial Relations Commission. Deux mois après sa nomination il démissionne. Il ouvre alors son cabinet dans la maison de sa mère, à Solférino, qu’il déménage par la suite à Bonne-Terre. Kailash Satyawan Trilochun déclare s’être alors «totalement éloigné de la politique et des politiciens, y compris de Nando Bodha. Pendant trois à quatre ans, nous avons eu très peu de contacts car je voulais préserver mon indépendance».

 

Il se souvient de quelques cas en particulier, notamment celui des Health Care Assistants recrutés et renvoyés après les élections ; il a été les représenter jusqu’au conseil privé de la reine. «J’ai perdu le cas mais gagné les coûts.» Il cite aussi le cas Rummuncontre l’État, où il était question d’un très long délai entre l’arrestation et le procès et qui a fait jurisprudence. «C’est le premier cas dans tout le Commonwealth où il a été dit que si la défense n’avance pas un point de droit constitutionnel en faveur de l’accusé, il est du devoir de la cour de le faire

 

Si ramasser une cartouche vide n’est plus un délit passible de six mois d’emprisonnement, c’est grâce à lui. Tout comme il n’est pas peu fier d’avoir saisi le conseil privé de la reine dans le cas d’un retraité mauricien vivant à Londres qui avait été arrêté sous une accusation de blanchiment d’argent alors qu’il échangeait l’argent de sa retraite et voulait vivre à Maurice.

 

«Comme c’était des livres et que la somme échangée était supérieure à Rs 500 000, il a été arrêté. C’est un des rares jugements où le Privy Council donne un dissenting judgement, c’est-à-dire que quatre juges étaient contre moi et un m’a soutenu. Si l’homme s’en est tiré avec une amende de Rs 10 000, la stigmatisation d’avoir été arrêté pèse encore sur lui. J’ai été très surpris d’apprendre que David Addington, conseil légal et Chief of Staff du vice-président Dick Cheney, que je ne connais pas, a adressé une pétition à la présidence de la République pour demander que ce monsieur, aujourd’hui âgé de 80 ans et malade, soit gracié. Nous attendons de voir ce que fera la Commission de pourvoi en grâce

 

Ce père de trois enfants, marié à Savitree, qui s’occupe de l’administration de son bureau, ne veut qu’une chose: travailler en toute indépendance et servir la loi, et surtout la justice, without fear or favour.