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Drogues: frustration des travailleurs sociaux face au statu quo du gouvernement

24 juillet 2015, 06:30

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Drogues: frustration des travailleurs sociaux face au statu quo du gouvernement
Allons-nous rester en retrait d’un monde qui évolue? C’est la question que se posent des membres de la société civile engagés dans la lutte contre la prolifération des drogues, notamment les nouvelles drogues de synthèse.
 
Danny Philippe, l’un des porte-parole du regroupement des travailleurs sociaux et des ONG sur la question des drogues, n’a pas caché sa déception en prenant connaissance des positions arrêtées du ministère de la Santé Anil Gayan et de Sam Lauthan, membre désigné de la Commission sur la drogue, qui refusent de considérer toute recherche sur le gandia local ou à revoir la classification de celui-ci sous le Dangerous Drugs Act. «Le cannabis est une drogue comme une autre et je ne suis pas d’accord qu’il faille le dépénaliser.»
 
 Sam Lauthan a aussi abondé dans le même sens. «C’est un produit très mal connu (…) j’ai vu ses effets et comment le gandia déforme les perceptions et ralentit le temps de réactivité. C’est un produit dangereux.» Donc il ne faudrait pas s’attendre à une révision de notre relation par rapport au cannabis.

Revoir la stratégie de lutte pour contrer les drogues

Pourtant, la présidente de la République, elle-même une spécialiste de la flore locale, avait, dans notre enquête sur la prolifération des drogues de synthèse dans l’express-samedi et l’express-dimanche (28 & 29 juin derniers), suscité pas mal d’espoir que le gouvernement allait assouplir sa position sur la question du cannabis local eu égard aux nouvelles réalités et habitudes des consommateurs qui rajeunissent de plus en plus. «Il n’y a jamais eu de recherches scientifiques sur le gandia local. Sans de telles données, il est impossible de redéfinir une politique sur cette drogue», nous avait déclaré Ameenah Gurib-Fakim. Cette position relativement progressiste a résonné avec le cri d’alarme des travailleurs sociaux face à la montée en puissance des drogues de synthèse dans les collèges.
 
Notre enquête avait révélé que le C’est-pas-bien et consorts sont surtout prisés car ils sont moins chers que le gandia local, alors même que bien plus nocifs. Leurs compositions demeurent d’ailleurs inconnues. Le décès d’un jeune, qui serait dû à une «overdose», a relancé cette semaine la débat sur les besoins d’une stratégie pour contrer les drogues synthétiques, qui sont pour la plupart des cannabinoïdes. Le médecin légiste, qui a conclu à un œdème pulmonaire, a réclamé une analyse détaillée afin de cerner la dangerosité des nouvelles drogues disponibles sur le marché, dont plusieurs sont fabriquées localement par des apprentis-sorciers qui veulent se faire de l’argent facile sur le cadavre de nos jeunes.
 
Toujours dans le cadre de notre enquête sur la prolifération des drogues de synthèse (en date du 28 et 29 juin), beaucoup d’espoir avait été mis sur le rôle crucial de la commission Lam Shang Leen afin de revoir la stratégie de lutte pour contrer les drogues. Car les méthodes d’hier ne fonctionnent plus aujourd’hui, selon un constat généralisé des travailleurs sociaux et de la police qui s’en retrouvent dépassés.

«Ici aussi, nous devons garder l’esprit ouvert sur la chose»

Entre-temps, alors qu’on reste figé sur la question à Maurice, d’autres récents changements ont eu lieu aux Etats-Unis. Ainsi, le 22 juin la Maison Blanche a annoncé que «cannabis researchers will no longer have to submit proposals to the US Public Health Service (…) Scientists need to be part of making policies and the only way we can achieve that is through fast research so that we can answer questions that the public is asking». Le TIME Magazine a salué cette évolution: «Despite the challenges, pot researchers have turned up some interesting recent findings in terms of 1) buyer beware, 2) mixed verdict on medical use, 3) can adults drive safely after using soft drugs?»
 
Toujours aux Etats-Unis, le Delaware est récemment devenu le 19e Etat à décriminaliser la possession d’une petite quantité de cannabis pour consommation personnelle et ce, même si le cannabis demeure illégal sous la loi fédérale des Etats-Unis. Sauf que les Américains ont compris que le gandia mobilisait trop de leurs ressources anti-drogue et qu’il est mieux de repenser le cannabis, par ailleurs source importante de revenus pour les Etats, comme le Colorado, et le gouvernement US.
 
«Ici aussi, nous devons garder l’esprit ouvert sur la chose. Des jeunes devront eux-mêmes expliquer pourquoi l’on devrait ou ne devrait pas, plutôt qu’un ancien ministre et ancien travailleur social déconnecté de la réalité d’aujourd’hui», résume Danny Philippe…