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Bras de fer police-ICAC-DPP: lumière sur Sun Tan

20 juillet 2015, 20:20

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Bras de fer police-ICAC-DPP: lumière sur Sun Tan
Comment un projet hôtelier a-t-il fini par éclabousser l’un des hommes les plus respectés de l’exécutif ? En 1987, le gouvernement de sir Anerood Jugnauth décide d’octroyer deux arpents de Pas géométriques, par le biais d’un Industrial Lease, à un proche du Mouvement socialiste militant, à Palmar. Le bénéficiaire s’allie avec un groupe hongkongais pour créer Sun Tan Hotels P.T.Y Ltd.
 
Le bail, accordé le 12 août 1987, s’étend sur une période de 20 ans, avec option de renouvellement dans un intervalle de dix ans, jusqu’en 2047. Le 3 juillet 1989, la société se paie même le luxe de faire modifier le contrat obtenu du ministère du Logement et des terres pour s’approprier une portion supplémentaire d’un arpent, pour les besoins d’un parking et d’un espace détente.
 
Entre-temps, la société, ayant des soucis pour financer son projet hôtelier, revend le terrain à un consortium dont l’actionnaire majoritaire est un certain Beenessreesing. Des appartements censés être destinés à des touristes «high class» y sont construits sans que le ministère du Logement et des terres n’ait donné son aval.
 
Sun Tan n’ayant pas obtenu l’autorisation requise pour vendre ces appartements, comme elle l’a réclamé dans une lettre datée du 24 juillet 1997, l’astuce a été d’avoir recours à de nouveaux actionnaires. Et de leur laisser les appartements grâce à un intelligent tour de passe-passe.

 

LES ACTIONNAIRES SONT…

 
Ces actionnaires sont Urmila Banymandhub-Boolell, l’épouse du DPP ; l’ancien ministre travailliste Kadress Pillay et son épouse ; le couple Rameshchandra Manna ; la firme Nirachel ; la Société Occhiali ; l’opticien proche de la British American Investment Farouk Hossen ; Salil Gokulsingh ainsi que Farhana Farouk Hossen.
 
Passé le délai de 20 ans, Sun Tan informe le ministère du Logement et des terres qu’elle opte de manière irrévocable pour le renouvellement de l’Industrial Lease sur une période de 60 ans. L’on est déjà en 2009. Elle ajoute en outre qu’elle a revendu ses actions aux propriétaires de ses appartements. Le bail pour le projet d’hôtel est donc annulé au profit d’un bloc d’appartements. À ce stade, selon une note confidentielle au ministère du Logement et des terres, la société a déjà violé l’accord passé avec ledit ministère et celui-ci aurait bien pu annuler le bail.
 
Sun Tan aurait alors dû s’acquitter d’indemnités totalisant Rs 1 611 722 pour la période comprise entre le 1er juillet 2007, date de la fin du bail, et le 18 juillet 2008, où elle réclame son renouvellement. Avec l’amendement apporté à la State Lands Act, sa location annuelle aurait dû passer à Rs 1 517 673 au lieu des Rs 45 000 convenues lors de l’allocation du bail en 1987. Sun Tan indique alors que c’est l’ancien montant de la location, basé sur l’ancien accord, qui doit être pris en compte.
 

UNE TEMPÊTE DANS UN VERRE D’EAU ?

 
Au 18 juillet 2014, Sun Tan devait la bagatelle de Rs 10 346 993 à l’État. Là aussi, le ministère du Logement et des terres décide de fermer les yeux après avoir obtenu un avis du Solicitor General. Avec cet accord, d’autres bénéficiaires de baux de terres de l’État auraient pu s’engouffrer dans cette brèche, ce qui équivaudrait à un manque à gagner de Rs 350 millions à l’année pour l’État, selon un document confidentiel.
 
«The way the Ministry has dealt with this issue is unconventional. The Ministry is wrong to treat this issue as a fait accompli», souligne un rapport rédigé à l’issue de la série d’enquêtes initiée sur les passe-droits commis sous les deux précédents gouvernements de Navin Ramgoolam.
 
Si le ministère du Logement et des terres a estimé qu’il y avait matière à poursuite contre Satyajit Boolell, c’est surtout à cause de l’avis qu’il avait donné à celui-ci en octobre 2008 en sa qualité de Parliamentary Counsel. Il avait conseillé au ministère que les nouvelles locations soient réclamées à partir de la date de l’amendement de la State Lands Act et que des indemnités soit réclamées à ceux dont le bail arrive à expiration avant le 19 juillet 2008 et qui sont en attente d’un renouvellement.
 
Quand le cas Sun Tan a été soulevé au ministère et que le bureau du Solicitor General devait de nouveau être sollicité, un haut fonctionnaire a mentionné l’avis de Satyajit Boolell dans une note datée du 10 février 2012, afi n d’exhorter la société à passer à la caisse. Or, cette note a été passablement modifiée dans le dossier, le conseil de Satyajit Boolell ayant été tout bonnement biffé dans une nouvelle lettre adressée au bureau du Solicitor General, 11 jours plus tard.
 
Pour le ministère du Logement et des terres, si le nouveau conseil légal du bureau du Solicitor General avait pris connaissance de l’avis de Satyajit Boolell, il n’aurait jamais permis à Sun Tan de continuer à payer des locations annuelles de Rs 45 000. Pire : son point de vue est contraire à celui d’un de ses prédécesseurs qui a, depuis, été nommé juge.
 
C’est à partir de là que l’alliance Lepep a été divisée sur la décision de saisir le CCID et l’ICAC sur cette affaire. Outre des soupçons de collusions pas encore prouvés, le gouvernement s’est basé sur un mémo faisant mention de la «présence» du DPP à une réunion tenue au ministère du Logement et des terres le 19 juillet 2012 à la demande de Sun Tan. Satyajit Boolell affirme s’y être rendu en tant que représentant de son épouse et qu’il a assisté à cette rencontre aux côtés de Farouk Hossen, président du conseil d’administration de la société. Si l’ICAC n’a pas été prompte à arrêter Satyajit Boolell, c’est aussi parce qu’une seconde note du ministère du Logement et des terres mentionne que le DPP avait assisté à cette réunion «in his own capacity».
 
Un fonctionnaire se serait-il trompé, créant une tempête dans un verre d’eau ? Il revient à l’ICAC, au CCID et au judiciaire de tirer au clair cette affaire, qui jette l’opprobre sur le DPP…