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Se faire avorter: un jeu d’enfant

19 juillet 2015, 17:27

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Se faire avorter: un jeu d’enfant

Baleine de parapluie ? Rayon d’une roue de bicyclette ? Tous ces instruments de torture sont has been. C’est la science – plus précisément la chimie – qui aide désormais femmes et jeunes filles à se débarrasser d’un fœtus indésirable. 

 

Si la réputation du Cytotec n’est plus à faire, ce médicament désigné normalement pour traiter les ulcères d’estomac peut, depuis quelque temps, compter sur un camarade, un anticancéreux au nom barbare: Méthotrexate. Et s’en procurer se révèle être simple comme bonjour. 

 

Jessica (prénom modifié) en a d’ailleurs reçu une dose il y a trois mois. À 22 ans, la jeune femme fraîchement diplômée n’avait «pas envie de devenir maman tout de suite. Je veux poursuivre mes études, trouver un travail, vivre ma vie. La maternité, je ne suis pas prête à l’assumer». Raison pour laquelle la future enseignante s’est rendue dans une clinique privée. «J’avais peur, je ne savais pas comment annoncer au gynécologue que je voulais faire partir le bébé.» 

 

«Ou demann missyé ki fer allé la»

 

Elle n’a pas eu à le faire. Une échographie et quelques questions indiscrètes plus tard, l’as de l’utérus a «senti» sa réticence et lui a expliqué comment faire pour que son copain ne succombe pas à un infarctus. Et pendant que Jessica lui remettait Rs 1 500 pour la consultation, le médecin lui a refilé l’adresse d’une pharmacie située à Port-Louis, «ou demann missyé ki fer allé la». 

 

Pour un diagnostic, direction les faubourgs de la capitale. À l’accueil de ladite pharmacie, le patron des lieux, qui arbore une mine farouche. Écrit à l’encre invisible sur son front: «Je ne tolère pas les enfantillages.» Dans un coin de l’officine, plusieurs clientes à l’IVG, de 7 à 47 ans, s’agitent sur un banc, en attendant et en appréhendant la suite. La caisse enregistreuse, elle, se laisse volontiers engrosser par les liasses de billets. 

 

Arrive ensuite le pharmacien, avorteur à ses heures perdues. Il enfile ses gants en latex, trifouille dans sa mallette. Dans l’enceinte de cette salle d’attente pas comme les autres, entre deux bouts de bois qui font office de cloison, derrière une imitation de rideau qui ne dissimule rien, les femmes se font planter une seringue dans le bas du dos. 

 

Elles sont ensuite priées de passer au comptoir, où elles doivent récupérer huit comprimés de Cytotec, ni plus ni moins. Nausée du côté du porte-monnaie car l’addition est salée: Rs 3 500. «C’est après le sixième comprimé que j’ai commencé à saigner. Heureusement, je n’ai pas eu de complications…» souligne Jessica. 

 

«Ça n’a pas marché»

 

Ce qui n’est pas le cas de Tanuja, 28 ans. «Le bébé n’est pas parti, j’ai finalement décidé de le garder…» La première fois, la jeune comptable s’est également rendue dans une clinique privée. Le gynécologue lui a donné l’adresse d’une pharmacie, à Beau-Bassin cette fois. «Ça n’a pas marché, je suis allée voir un autre médecin.» Qui lui a alors remis une ordonnance. «Il m’a prescrit du Cytotec, j’ai trouvé ça bizarre qu’un gynécologue le fasse aussi ouvertement. Il y avait quand même son nom sur le papier à en-tête.» 

 

Foetus résistant

 

Il n’a pas fallu forcer pour que les pilules abortives atterrissent dans son cabas. Toutefois, les choses ne se sont pas passées comme prévu, le fœtus a décidé de rester, opération avortée. Insistant, persistant, le gynécologue lui alors fait savoir qu’elle allait devoir subir un curetage, en clinique. «Il m’a dit qu’il allait aspirer le fœtus. Il m’a demandé Rs 10 000, frais médicaux inclus.» 

 

Traumatisée par les événements, elle a finalement décidé de garder l’enfant qui naîtra dans deux mois, souligne la jeune femme, le sourire aux lèvres. «J’ai fait des tests qu’il fallait et, physiquement, en principe, tout va bien. J’espère que les tentatives d’avortement ne laisseront pas de séquelle

 

 

2012 accouchait d’une loi

 

Cela fait presque trois ans, soit en octobre 2012, que la loi autorisant l’avortement, dans certains cas, a été promulguée. Ainsi, selon le Criminal Code Amendment Act de 2012, une femme peut avoir recours à une IVG si: 

 

• La grossesse met sa vie en danger 

 

• Sa santé physique ou mentale risque de subir de graves problèmes

 

• Il y a des risques considérables que le fœtus développe une malformation ou une anormalité physique ou mentale qui le rendrait incompatible à la vie.

 

• La grossesse est le fruit d’un viol ou d’un inceste, ou d’une relation sexuelle avec une mineure de moins de 16 ans (tous ces cas doivent d’abord être rapportés à la police).

 

Dans tous les cas, pour qu’un avortement soit pratiqué, il ne faut pas avoir dépassé le stade de 14 semaines de grossesse.