Publicité

Drogues de synthèse: au supermarché des paradis artificiels

27 juin 2015, 21:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Drogues de synthèse: au supermarché des paradis artificiels

«Komié ou bizin ?» Nous sommes au coeur de Rose-Hill, à l’entrée d’une arcade commerciale. Il est 15 heures et des poussières. D.S., le jeune homme qui vient à notre rencontre, doit avoir 16 ou 17 ans. Il n’a pas du tout l’air d’un trafiquant. Il dit être un «jockey» qui exerce hors du Champ-de-Mars. Comme il a le sens de l’humour, on continue la conversation sur un ton badin : «Tu montes combien de courses par jour

 

«Quand je ne suis pas à l’école, c’est-à-dire trois fois par semaine, je fais plus d’une dizaine de livraisons à moto. Depuis le début de l’année, avec les produits synthétiques, les ventes sont en hausse constante. Pratiquement tous mes camarades de classe en consomment tous les jours...» Il nous vend un petit sachet (ou «pocket») de «Volcano», à Rs 300, non sans nous offrir volontairement une recommandation: «Fer tansion, éna maler ladan. Mett enn tigit mem ek riss dé kout mem. Sinon tom dan koma.»

 

 

Pour consommer du «Volcano», il ne faut pas tirer plus de deux taffes,
nous dira le vendeur… Au risque de se retrouver dans le coma.

 

Compatissant, D.S. nous fait une confidence : «Sa mem nou ti apel 114 sa, mé selma akoz vréman dimounn inn bizin Samu, lerla boss inn dir sanz so non.» L’ami qui nous a mis en contact avec le «jockey» nous explique que le «boss» en question est un infirmier qui a une vie bien rangée et qui vit dans un quartier résidentiel de Rose-Hill.

 

Un infirmier qui a compris qu’il y a un vide juridique autour de certains produits. Avec un ami chimiste, ils en fabriquent dans un atelier clandestin. Ils se sont déjà fait des millions en misant sur une clientèle jeune. «Dès que la loi sera amendée, ils vont arrêter. C’est ce qu’ils ont dit…» On se dirige ensuite vers Beau-Bassin et on entre dans une zone résidentielle.

 

«C’est pas bien», mais c’est pas difficile à trouver

 

On va s’approvisionner en «C’est pas bien». Le chauffeur de taxi nous affirme que c’est le «craze» du moment. Il arrête sa voiture devant une tabagie et en ressort avec un sachet contenant des herbes hachées. «Il y en a pour Rs 2 000, vous en voulez encore ?» Non, c’est bon...

 

Le lendemain, on va à Port-Louis. Direction : une banlieue au nord de la capitale. On est à la recherche d’un nouveau produit mortel, le «také tengn». Celui qui nous en parle suit un traitement à la méthadone.

 

«Avant je consommais de l’héroïne, maintenant je le fais occasionnellement. Le také teingn est puissant, même ceux qui sont habitués à l’héroïne et au Brown Sugar tombent comme des mouches après deux taffes. Kouma dir ou teingn lalimier... Bizin gard enn dé boutey délo pou réanim ou... La aussi ou na pa révinn normal avan 45 minit omwin.» De quoi nous laisser bouche bée !

 

Mélange pas très savant

 

Pour conclure nos «achats», on va rencontrer un fabricant autodidacte qui s’est documenté sur Internet. Il faut savoir que la plupart des drogues, qu’elles soient synthétiques ou d’origine végétale, sont fabriquées à partir de produits chimiques. Et à Maurice aussi, Internet est utilisé pour le trafic de drogues et le commerce illicite de précurseurs, qui arrivent chez nous par La Poste.

 

Les précurseurs sont une des composantes requises pour la fabrication illicite de drogues. Il s’agit de produits licites qui, une fois mélangés avec d’autres substances, deviennent des drogues.

 

Vingt fois plus de «nissa»

 

Celui qui nous reçoit  habite les Plaines-Wilhems. Il fabrique une version du «Spice» en utilisant des herbes de Provence qu’on trouve en supermarché et en les vaporisant avec son mélange. «Je ne peux pas vous en dire plus, sinon les autres vont faire pareil», lâche-t-il sous sa moustache.

 

Avare d’information, il restera muet, même après avoir consommé sa dope devant nous... «Payez une fois, parce qu’après, je ne pourrai pas bouger les jambes. Et si vous ne payez pas, je serai incapable de courir après vous...»

 

Tous ceux qui nous ont vendu ces drogues de synthèse ne vendent ni ne consomment plus le gandia traditionnel – trop faible, trop cher et introuvable. Et puis, «avec le p’tit papier qui est en vente libre, et une pincée de Spice, vous avez 20 fois plus de... nissa», avoue-t-il

 

 

Les drogues les plus prisées sur le marché mauricien et leurs compositions suspectées by L'express Maurice