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Hollande cherche une fin heureuse à la tragédie grecque

23 juin 2015, 14:46

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Hollande cherche une fin heureuse à la tragédie grecque

Dans le Falcon qui l'emmène lundi vers Bruxelles, François Hollande annote à petites touches d'encre noire les feuilles volantes de son dossier préparatoire du sommet extraordinaire des pays de la zone euro sur la Grèce. Assis face à lui, ses conseillers pour l'Economie et l'Europe, Laurence Boone et Philippe Léglise-Costa, veillent au moindre détail.

 

Etalée le long des hublots, la presse de ce 22 juin donne le ton : "L'Europe prête à se séparer de la Grèce", annonce le Parisien. "Grèce : l'Europe sur le fil du rasoir", écrit le Figaro. "Grèce en faillite ?" s'interroge Libération.

 

Pour grave qu'elle soit, l'affaire n'est pas nouvelle pour le président français, confronté au spectre d'un "Grexit" dès son arrivée au pouvoir à l'été 2012, en pleine crise de l'euro.

 

"Je souhaite que le travail réalisé ces derniers jours entre la Grèce et les institutions pose les bases d'un accord qui doit être trouvé le plus vite possible", dit-il dans l'avion, saluant les "améliorations" dans les propositions grecques, "même s'il reste du travail à faire".

 

Une réaction en phase avec les déclarations à l'issue du sommet, où les pays membres de la zone ont estimé que les nouvelles propositions d'Athènes pourraient servir de base à un accord à la fin de la semaine pour permettre au pays d'obtenir une aide financière et éviter un défaut.

En coulisses, les choses semblent plus compliquées et surtout moins souriantes. Un diplomate allemand a ainsi parlé mardi d'un climat plutôt "mauvais" et d'une présentation trop optimiste des choses, à 48 heures d'une nouvelle réunion de l'Eurogroupe où un accord est selon lui loin d'être acquis.

 

PARIS ET BERLIN ENSEMBLE

 

Si l'Eurogroupe accouche mercredi d'un accord précis "réformes contre argent frais" tant attendu par une opinion grecque qui retire par milliards ses économies des banques, il pourra être validé par les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis jeudi et vendredi pour un Conseil européen.

 

Même s'il ne participe pas directement aux négociations, François Hollande pourra alors se targuer d'avoir ÷uvré en ce sens, de concert avec Berlin, dans une initiative commune engagée par ailleurs depuis un an sur le dossier ukrainien.

 

Dimanche, comme régulièrement depuis l'arrivée de l'extrême gauche au pouvoir à Athènes, Il a eu Angela Merkel et Alexis Tsipras au téléphone. Un entretien plutôt politique.

 

"Ce ne sont pas des conférences techniques, c'est du conseil, de la méthode", raconte un témoin de ces conversations dont le climat n'est "jamais tendu".

 

"Tsipras fait part de ses contraintes, Merkel évoque les siennes. Le président et la chancelière donnent un avis politique sur la situation et font avec Tsipras le tour des têtes de chapitres : retraites, fonctionnaires, compétitivité, marché du travail, etc."

 

A la tête d'une France plutôt favorable à la cause grecque, François Hollande a plus de marges de man÷uvre qu'Angela Merkel, confrontée à une opinion publique très hostile à toute marque de bienveillance envers un pays dont les Allemands attribuent les déboires à une certaine désinvolture.

 

Si Paris et Berlin ne sont pas dans la même situation, tout le monde a intérêt à s'entendre, souligne un diplomate français.

 

UN MORT A LA FIN

 

"L'Allemagne n'a pas envie d'être dans un face-à-face avec la Grèce qui la placerait en situation d'être responsable en cas de désaccord, et la Grèce a intérêt à avoir un autre partenaire comme Paris, jugé plus ouvert. Et nous-mêmes, ça ne servirait à rien d'être dans un face-à-face avec la Grèce si l'Allemagne ne suivait pas", dit-il.

 

Une répartition des rôles confirmée mardi matin par le ministre des Finances, Michel Sapin.

 

"L'Allemagne est dans le sérieux qu'on lui connaît, la France est dans ce rôle de trait d'union que nous avons souhaité dès le début (...) en accord avec Angela Merkel", a-t-il dit lors d'une conférence de presse. "Chacun est dans son rôle, chacun a envie qu'on aboutisse."

 

Avec, parfois, des propos qui tendent à démontrer que Paris force un peu la main de Berlin comme lundi soir, lorsque François Hollande déclare à son arrivée au sommet que le gouvernement grec "a pris ses responsabilités" et que cet état d'esprit doit être partagé. "Ça vaut pour tous", a-t-il dit.

 

Un diplomate français souligne que les colloques Hollande-Merkel-Tsipras ne sont "pas un lieu de négociation. La France et l'Allemagne ne peuvent pas se substituer aux institutions".

 

Les responsables français affirment qu'Alexis Tsipras est un homme avec qui l'on peut traiter, malgré son intransigeance de joueur de poker au sang-froid effrayant pour les marchés.

 

"Il a toujours eu une démarche de recherche de dialogue, il ne s'est jamais enfermé dans un refus", dit la présidence française. "Il a toujours pensé que cela se réglerait d'abord politiquement et pas techniquement. Or c'est l'inverse. Donc il y eu un peu de temps perdu".

 

A Paris, on affirme n'avoir jamais vraiment envisagé le Grexit, idée qu'un haut diplomate met sur le compte d'une mise en scène d'un "drame en plusieurs actes ou comédie dramatique, c'est selon", dont l'Europe a depuis toujours le secret.

 

"La dramaturgie européenne a son sens : c'est toujours au dernier moment qu'on trouve des solutions qui apparaissaient difficiles à imaginer au départ. Elle a son risque, c'est qu'à un moment on soit vraiment dans la tragédie grecque : un mort à la fin. Et peut-être plusieurs d'ailleurs", dit-il.

 

Un acte s'est joué lundi soir. Un autre se prépare pour la fin de la semaine. "Sans coup de théâtre, espérons-le, mais une fin heureuse".