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Éducation: les collèges d’État «pas prêts pour la mixité»

26 avril 2015, 14:56

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Éducation: les collèges d’État «pas prêts pour la mixité»

C’est le ministère de l’Éducation qui le dit : l’éducation sexuelle sera désormais enseignée dans les écoles primaires. Une annonce qui a reçu un accueil mitigé. En effet, si certains estiment que les classes d’éducation sexuelle seront favorables aux élèves, d’autres, plus conservateurs, soulignent que ce genre d’enseignement devrait venir des parents. Cependant, au cœur de ce débat, demeure une question essentielle : qu’en est-il de la mixité dans les collèges? L’île Maurice est-elle prête pour la mixité scolaire ? L’express a essayé de répondre à la question.

 

 

«Non je ne serais jamais d’accord pour envoyer mes enfants dans un collège mixte. Pou ena bann move zafer ki kapav dérouler dan twalet lékol tou sa la». Voici la réaction sans filtre d’une mère de famille dont les deux enfants sont encore au primaire. Son fils est en Standard II et sa fille en Standard V.

 

 

Source de problèmes

 

 

Comme de nombreux parents, cette maman ne veut en aucun cas envisager la scolarité mixte pour ses enfants. À ses yeux, cela ne pourra qu’être une source de problèmes comme la découverte précoce de la sexualité et, dans le pire des cas, une grossesse précoce.

 

 

 

Le père d’une collégienne de 16 ans, lui, a pris le taureau par les cornes. «J’ai préféré faire transférer ma fille dans un établissement secondaire pour filles. Elle fréquentait auparavant un collège privé mixte. Des garçons plus âgés qu’elle lui tournaient autour. Un jour, elle a même fait l’école buissonnière pour les accompagner à la plage. Ils ont bu du vin», relate le père, qui ne s’est visiblement pas remis de cet épisode.

 

 

Quid des leçons particulières ?

 

 

Toutefois, s’ils choisissent de tourner le dos à la mixité, les parents sont désarmés lorsqu’il s’agit des leçons particulières ? Celles-ci, constituant une école parallèle, permettent aux filles et garçons de se côtoyer, soit avant, pendant et après les leçons. «C’est ironique quand on y pense. Les parents ne veulent pas entendre parler de collèges mixtes, mais les leçons particulières, ça, ils adorent !» lâche Ally Yearoo, président de l’Education Officers’ Union (EOU).

 

 

Il n’y va pas par quatre chemins : la mentalité des parents devrait changer. «Ils sont conservateurs et refusent de voir les choses en face. Même quand il y a des problèmes à l’école, ce n’est jamais la faute de leurs enfants, c’est la faute aux amis», s’indigne t-il. Il estime, lui, qu’avant de lancer la mixité dans les écoles, il faudrait au préalable mettre en place des infrastructures appropriées, comme des ateliers séparés ou encore des blocs de toilettes adéquats.

 

 

«Filles et garçons se respectent»

 

 

«Cela fait des années que j’enseigne ici et tout se passe très bien. Nous n’avons jamais eu de problème. Au contraire, filles et garçons se respectent», explique une enseignante d’un des établissements du Mahatma Gandhi Institute. Elle dit même être témoin de «belles amitiés» entre les deux sexes et affirme que filles et garçons se comprennent mutuellement. «Je pense quec’est mieux que les deux sexes se côtoient dès l’adolescence. Cela réduit les risques d’écarts de conduite par la suite ; il y a une vraie compréhension qui s’installe», avance notre interlocutrice.

 

 

 

C’est aussi l’opinion de Basheer Taleb, le président de la Fédération des managers des collèges privés. Il est aussi à préciser que la mixité est plus courante dans les établissements privés que dans les collèges d’État – le seul collège mixte est La Gaulette SSS. «Au secondaire, la mixité est source de problèmes, contrairement au primaire, car pour les adolescents, c’est l’éveil de la sexualité. Ils sont à un stade de développement différent. Nombre de parents me disent qu’ils préfèrent ne pas envoyer leurs enfants dans un collège mixte. Le côté conservateur perdure», fait valoir Basheer Taleb.

 

 

 

Il indique toutefois avoir noté que cette mentalité serait quelque peu liée peu à la classe sociale des parents. «Ceux qui viennent d’une classe sociale plus aisée ont davantage tendance à être libéraux. Ce sont les parents issus de la Lower Middle Class et de la Working Class qui tendent à rester conservateurs », relève-t-il. D’où l’importance, pour Basheer Taleb, de préparer les parents car, dit-il, la majorité d'entre  eux n’est pas prête. «Il faut adopter une approche plus pédagogique, voire scientifique, avant d’instaurer l’éducation mixte», laisse-t-il entendre. Et d’ajouter que durant les leçons particulières, le contexte est différent– les élèves ne se voient que pendant une heure ou deux. C’est la raison pour laquelle les parents n’en font pas grand cas.

 

 

Cotoyer le sexe opposé

 

 

Faizal Jeeroburkhan, pédagogue, est, lui, catégorique. «La société n’est pas prête pour la mixité parce que le cursus, en ce moment, est trop académique. Il ne donne pas l’occasion aux enfants de réfléchir aux sujets tabous, comme le sexe», laisse-t-il entendre. Le pédagogue estime ainsi que les élèves devraient avoir la possibilité de discuter ouvertement de cas de grossesses précoces, par exemple. «La méthode utilisée dans le secondaire consiste à faire un bourrage de crâne. Aucune recherche n’a été faite sur le terrain pour encourager une meilleure compréhension des deux sexes et leur donner le moyen de se côtoyer en groupe mixte», dit-il.

 

 

Faizal Jeeroburkhan soutient qu’il faut préparer les jeunes à côtoyer le sexe opposé sinon ce sera «encore pire» dans leur vie d’adulte. «La mixité est une bonne chose du moment qu’elle est bien gérée», conclut-il.