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Surf : pourquoi risquent-ils leur vie?

13 avril 2015, 21:12

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Surf : pourquoi risquent-ils leur vie?
Il existe certains surfeurs que rien n’arrête. Récifs acérés, courants violents, vagues énormes, manque de fond, rochers, froid glacial… Ils sont prêts à faire face à de nombreux risques pour prendre quelques vagues. Le plus grand de tous est sans doute le requin. Elio Canestri, jeune surfer réunionnais âgé de 13 ans, a malheureusement été victime du prédateur marin hier, dimanche 12 avril. 
 
L’horreur de la scène et l’âge de la victime ont alarmé l’opinion publique, surtout à La Réunion où la question requin est sur toutes les lèvres depuis quelques années. L’attaque d’hier est en effet la 15e depuis 2011 à l’île sœur, et la 7e mortelle. La tragédie n’a pas manqué de faire ressurgir les conflits entre surfeurs, écologistes et autorités autour de cette question épineuse qui a poussé le Conseil général à interdire la baignade et les activités nautiques.  

Pour quelques vagues de plus

Cette interdiction a certes mis un frein à l’industrie du surf, jusqu’ici florissante, de La Réunion. Cependant, comme Elio, ils sont des dizaines à continuer à pratiquer leur sport favori et à consentir à risquer la blessure ou la mort pour quelques vagues de plus. Le jeune garçon ayant bravé les interdits en allant à l’eau, beaucoup ont exprimé leur incompréhension face à ce drame, qui aurait selon eux pu être évité. 
 
Mais pourquoi continuent-ils à prendre tant de risques ? La question a été posée à quelques surfeurs locaux, qui apportent un début d’explication : le surf est une activité hautement addictive. Ils sont en effet nombreux à ressentir un «manque» lorsque les vagues se font rares, ou s’ils n’ont pas surfé depuis un moment. 
 
«A partir de la deuxième semaine, je commence à devenir très agité. Je suis anxieux, irritable, malheureux. Il faut absolument que je surfe pour faire retomber la pression», affirme Antoine, jeune adepte de 17 ans. 
 
Epargnés jusqu’ici par le risque requin, les surfeurs mauriciens réalisent qu’ils ont beaucoup de chance par rapport à leurs cousins réunionnais. «Je n’aimerais pas être à leur place», précise Antoine. Le jeune homme confie qu’il ne sait pas ce qu’il ferait dans une telle situation. «Ça doit être un dilemme pour eux à chaque fois qu’il y a de jolies vagues», pense-t-il. 

Une drogue douce

Des symptômes de manque chez le surfeur ne sont pas sans rappeler ceux causés par certaines drogues. Le besoin est d’ailleurs parfois si fort chez certains mordus qu’il peut affecter leur vie sociale, familiale ou professionnelle. C’est le cas de Vishal, 30 ans, qui raconte avoir eu «du mal à garder un job stable, parce que ça me forçait à manquer beaucoup de sessions». Pour être plus disponibles et se synchroniser avec les houles et les marées, certains n’hésitent par exemple pas à travailler le soir ou à se choisir un emploi dans le milieu du surf.
 
«C’est vrai que le surf est un peu comme une drogue douce. En fait, il y a une réaction chimique, car le cerveau relâche beaucoup d’endorphine après une session de surf. C’est une sensation extraordinaire que seuls les surfeurs connaissent et qui est très difficile à expliquer», raconte un vétéran du surf mauricien qui a beaucoup surfé à la Réunion. 
 
«On est bercé par la mer, par les vagues, on est au milieu d’un environnement magnifique, on se sent vivant. Rien sur terre ne peut remplacer la sensation de glisser sur une vague ou d’être dans un tube», ajoute-t-il. 

Tout cela vaut-il réellement la peine de risquer sa vie ?

Lien avec la nature, relaxation, sensations indescriptibles… Tout cela vaut-il réellement la peine de risquer sa vie ? «Il y a toujours eu des requins à la Réunion et ailleurs. On le sait, mais on essaye en général de ne pas trop y penser», répond un surfeur de longue date établi à Tamarin. 
 
D’autres prennent la chose avec philosophie. «Je peux aussi mourir écrasé par une voiture ou frappé par la foudre. On ne va pas arrêter de vivre sous prétexte que certaines choses peuvent vous tuer», argue Vishal. Notre vétéran, de son côté, souhaite mettre un bémol. Il estime en effet que les risques pris par les surfeurs sont la plupart du temps «calculés».  

Risques calculés

Beaucoup affirment en effet choisir de ne pas aller à l’eau si les éléments ne sont pas favorables ou si les dangers sont trop grands. A La Réunion, par exemple, il est courant de surfer lorsque l’eau est claire et d’éviter les sessions très matinales ou très tardives. Les requins sont en effet plus actifs la nuit ou lorsque l’eau est trouble. 
 
Attaqué lors d’une matinée ensoleillée dans une eau claire, Elio Canestri est l’exception qui confirme la règle. Un drame qui rappelle aux membres de cette tribu singulière qu’en mer, ils ne sont pas les maîtres du jeu…