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Affaire BAI: le rôle de la FSC et KPMG fait sourciller

1 avril 2015, 22:02

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Affaire BAI: le rôle de la FSC et KPMG fait sourciller

Depuis que l’affaire Bramer-BAI a éclaté, enclenchant la chute du groupe BA Investment, chacun cherche à comprendre les raisons de ce séisme financier. Spécialistes, observateurs économiques, politiciens, syndicalistes ou hommes d’affaires s’interrogent sur le rôle joué par la Financial Services Commission (FSC) et KPMG, auditeur interne du groupe.

 

Le Managing Partner de KPMG Jean Claude Liong est sorti de son silence cette semaine pour rejeter toute «connivence» avec le groupe. «Non, il n’y a jamais eu d’exception ou de dérogation à l’application de nos principes professionnels», explique-t-il. Tant mieux. Mais une question reste posée: comment se fait-il que KPMG soit l’auditeur externe depuis 2003, soit pendant une période de 12 ans? Ce qui est contraire aux pratiques de bonne gouvernance au sein des entreprises, le Financial Reporting Council exigeant qu’un auditeur externe ne reste pas au service d’un client pendant une aussi longue période.

 

Le patron de KPMG rappelle qu’il a été mandaté par le groupe au fil des ans, pour auditer d’autres filiales. Il soutient que dans le cas présent, tout a été fait «selon les normes et les principes de transparence et de bonne gouvernance. La méthodologie KPMG, qui a été appliquée dans ce cas précis, est reconnue mondialement pour toute sa rigueur et en conformité avec les normes d’audit internationales».

 

Rien d’anormal

 

Et quid du Financial Reporting Council dans toute cette affaire, celui qui est habilité à sanctionner des cabinets ne respectant pas les normes bancaires? Sa directrice, Selvida Naiken, affirme que jusqu’ici, l’institution qu’elle dirige n’a rien détecté d’anormal dans l’audit des comptes de certaines filiales de ce groupe par KPMG. Et d’ajouter qu’avec ce nouveau développement, le FRC devra à présent examiner en profondeur les comptes de cette compagnie et déterminer s’il y a eu quelque exemple de laxisme. Le cas échéant, ajoute-t-elle, des sanctions seront prises à l’encontre de KPMG qui est détenteur d’une licence délivrée par le FRC.

 

La directrice s’interroge aussi sur le rôle de l’Insolvency Bureau dans cette affaire. «Cette instance aurait dû agir sur la base des rapports soumis par les deux filiales du Groupe BA Investment. S’il y avait des problèmes de trésorerie, les officiels de ce bureau auraient dû prendre des sanctions contre ce cabinet d’audit.»

 

Jean Claude Liong récuse l’idée que son cabinet ait pris un sérieux coup après la déroute du groupe. «Nous sommes souvent amenés à faire face à des situations qui ont un impact sur nos clients. Dans ce cadre purement professionnel, notre image se rattache surtout à nos principes. Or, venir dire aujourd’hui que notre cabinet a pris un coup relève de la spéculation.»

 

La FSC clouée au pilori

 

Par ailleurs, pour de nombreux acteurs socio-économiques, la Financial Services Commission aurait failli à sa tâche comme organisme régulateur du secteur des services financiers par rapport à la BA Insurance.

 

Depuis l’éclatement de l’affaire, le ministre de la Bonne gouvernance Roshi Bhadain a été parmi les premiers à dénoncer le rôle joué par la FSC. «Concernant le régulateur, nous ne sommes pas du tout satisfaits de la façon dont ces assurances ont été mises sur le marché. La FSC n’a rien pu faire pour empêcher que cela ne se produise», a-t-il martelé en présence de la Chief Executive de la FSC, Clairette Ah-Hen.

 

Ingérence politique

 

Son collègue Vishnu Lutchmeenaraidoo, responsable du portefeuille des Finances, a également égratigné cette instance régulatrice. Il a néanmoins tenté de la dédouaner. Si la FSC n’a pu jouer son rôle correctement, a-t-il souligné, c’est en raison de l’intervention personnelle de Navin Ramgoolam à chaque fois que des interrogations sur le groupe BAI se faisaient entendre.

 

L’ingérence politique dans le fonctionnement des instances régulatrices est également décriée par l’avocat d’affaires Penny Hack. Les régulateurs, soutient-il, doivent pouvoir travailler en toute indépendance. Or, la FSC se serait discréditée en cédant à la pression politique dans cette affaire.

 

Me Penny Hack critique également l’inefficacité de la FSC à contrôler les secteurs d’activités de la BAI. «Ce qui différencie le Groupe BAI des autres compagnies c’est qu’il avait des activités qui s’étendaient au-delà des services financiers. Donc, la responsabilité de la FSC de réguler ce groupe était beaucoup plus grande», déclare-t-il. Tâche à laquelle la FSC n’a pu s’atteler correctement, précise-t-il.

 

«Pas à la hauteur»

 

Selon un autre avocat d’affaires, qui a voulu garder l’anonymat, les prises de risques calculées et mesurées sont inévitables dans le monde des affaires. Il incombe toutefois aux instances régulatrices de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus. Dans ce cas précis, la FSC ne s’était pas montrée à la hauteur de son rôle, avance-t-il. «Il y avait bien des indications qu’il y avait des irrégularités au sein du Groupe BAI. Mais la FSC n’a pu prendre les décisions qui s’imposent pour éviter que la situation n’en arrive là», dit-il.

 

L’avocat d’affaires va plus loin. Il accuse le gouvernement de confondre, très souvent, son rôle avec celui des régulateurs. Ces derniers se retrouvent alors comme les dindons de la farce.

 

Le syndicaliste Jack Bizlall trouve, lui, inacceptable que la FSC ait permis au Groupe BAI d’opérer dans un circuit fermé. «Toutes les entreprises du clan Rawat dépendaient les unes des autres pour leur survie. Elles opéraient sur une base triangulaire dans un circuit fermé. Et quand une entreprise est secouée, c’est tout le groupe qui est ébranlé.» Au lieu de se montrer plus vigilante et en dépit des avertissements du Fonds monétaire international en ce sens, la FSC a préféré fermer les yeux, ajoute-t-il.