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Affaire BAI: ce qu'il faut savoir

1 avril 2015, 21:18

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Affaire BAI: ce qu'il faut savoir

C’est le début de la fin pour la British American Investment (BAI). Le groupe façonné par Dawood Rawat sera démantelé dans les jours à venir. Ses enseignes les plus connues, à l’instar du concessionnaire automobile Iframac, la chaîne de magasins Courts ainsi que l’hôpital privé Apollo Bramwell, seront vendues au plus offrant afin de renflouer les caisses de la British American Insurance, le vaisseau amiral du groupe.

 

Si ce conglomérat vieux de 46 ans et figurant à la 7e place du Top 100 des sociétés locales va s’effondrer, c’est bien à la suite de la décision de l’Hôtel du gouvernement de lui enlever son permis d'opération bancaire «dans l’intérêt public». En effet, la licence d’opération de la Bramer Bank a été révoquée par la Banque centrale dans la nuit de jeudi à vendredi en raison d’un manque de liquidités. Comment en est-on arrivé là ?

 

Dans un communiqué émis hier, la Banque de Maurice (BoM) indique que c'est suite à une on-site examination, effectée entre le 22 janvier et le 20 février 2015, qu'elle a découvert nombre de «deficiencies which go back to 2012».

 

Du coup, la BoM a demandé à la Bramer Bank d’augmenter son capital car elle n’avait pas suffisamment de liquidités. Elle avait ainsi jusqu’au 31 mars pour transférer Rs 350 millions dans ses caisses. Mais «ils ne l’ont pas fait», a indiqué Vishnu Lutchmeenaraidoo, lors d’un point de presse, vendredi.  Le gouvernement, explique-t-il, a ainsi entretenu la crainte que cette banque ne «collapse» si d’importants retraits sont effectués.

 

Ce qui a fragilisé la Bramer Bank

 

C’est une série de transferts d'argent qui ont miné cette banque. Et il semblerait que parmi ces transferts, il y aurait ceux effectués pour le compte de Nandanee Soornack. Il est un fait également que le gouvernement en a retiré plus de Rs 1,5 milliard appartenant à la Sécurité sociale. Mais sur ce point, Vishnu Lutchmeenaraidoo, «irrité», soutient que «la Bramer Bank a voulu faire croire que le gouvernement a effectué de gros retraits et que c’est cela qui est à l’origine de ses problèmes de liquidités. Les institutions gouvernementales ont là, actuellement, Rs 2,3 milliards à la Bramer Bank, dont Rs 800 millions pour la State Insurance Company», souligne le ministre des Finances.  Ce dernier s’est aussi empressé d’ajouter que «nous ne pouvons gouverner dans la vengeance car sinon il n’y aura pas de développement»

 

Ponzi Scheme

 

Par effet domino, le pôle d’assurance du groupe est aussi affecté. Le gouvernement, lui, considère d’autre part, que les activités de la BAI sont, en fait, assimilables à une chaîne de Ponzi. Il est reproché à la BAI d’avoir investi la majeure partie de l’argent placé par 156 000 clients dans ses différentes filiales et de ne pas disposer de fonds nécessaires, soit Rs 25 milliards, pour les rembourser lorsque leurs contrats d’assurance arriveront à maturité.

 

Dans un premier temps, le gouvernement a annoncé qu’il compte garantir les 135 283 clients qui ont souscrit à des polices d’assurance sous un «Regular Payment Policy». Là où le bât blesse : l’Endowment Policy offerte par la BAI à 24 175 souscripteurs. «Nous parlons là d’un montant de Rs 22 milliards», a indiqué Vishnu Lutchmeenaraidoo, en critiquant ces personnes «crédules», qui sont «entrées dans le jeu de croire que si elles prêtent de l’argent, elles obtiendront davantage de return. C’est du Madoff, mais dans le style de l’île Maurice».

 

D’où la décision du gouvernement de placer et la Bramer Bank et le groupe BAI sous le contrôle des conservateurs. De ce fait, Mushtaq Oosman du cabinet Pricewaterhouse Coopers, sera au chevet de la Bramer Bank. Et André Bonieux, nommé par la Financial Service Commission (FSC), s’occupera du pôle assurance de la BAI.

 

Que se passera-t-il pour ceux qui ont souscrit à des Endowment Policies ? Des actuaires sud-africains devraient bientôt venir épauler  André Bonieux d’ici mardi. L’Endowment Policy est garantie par des biens et il importe d'en faire un relevé, a indiqué Roshi Bhadain. En fait, le nombre d'actifs du groupe seront connus mercredi, et les passifs vendredi. 

 

Iframac, Courts et Apollo Bramwell pourraient être liquidées

 

La tâche d’André Bonieux consistera ainsi à effectuer un relevé des biens immobiliers du groupe. Tels que les immeubles, les «bonds» ainsi que les investissements à l’étranger. De même que les 23 % de parts dans une filiale kenyane, qui représentent le joyau de la couronne de l’empire de Dawood Rawat : ces devraient rapporter Rs 5 milliards si elles sont mises en vente sur le marché international.

 

Il n’est également pas exclu que les filiales telles qu’Iframac, Courts et Apollo Bramwell soient liquidées. Bien évidemment aux plus offrants. La concession Iframac - représentant des marques telles que Dodge, Jeep, Mercedes, Mitsubishi et Peugeot - ayant fusionné avec la chaîne de magasin d’électroménager Courts, il faudra les séparer.

 

D’un côté, même si la santé financière d’Iframac ne semble pas être au beau fixe, plusieurs groupes se bousculent au portillon pour se l’approprier. Même chose pour Courts, spécialiste de la vente à tempérament dont le succès n’est plus à faire. Reste Apollo Bramwell : celui-ci  a fait des pertes durant ces quatre dernières années mais il semble avoir fait une bonne progression, pouvant même «break even» à la fin de la présente année financière.

 

 

L’hôpital, qui est la fierté de Dawood Rawat, est également un lot de choix, d’autant qu’il offre des services de qualité et que Maurice se positionne dans le secteur du tourisme médical. Reste Ireko, une filiale qui n’a pas vraiment décollé, sauf son fameux contrat obtenu pour la rénovation de l’hôtel du gouvernement, et la Western Union qui est, elle, profitable. De même que les actions dans certains groupes médias.

 

 

Si ces biens sont proposés à la vente, après le feu vert de la FSC, les appels d’offres devraient être lancés d’ici un délai de six mois.

 

Soupçons de Money Laundering

 

Un autre volet de cette saga porte sur une enquête du CCID sur des soupçons de money laundering. Les protagonistes de cette affaire seront probablement interrogés dans les prochains jours.

 

Dawood Rawat qui serait en Europe pourrait faire l’objet d’un Red Notice d’Interpol. Selon nos recoupements d’information, Adeela Rawat-Feistritzer pourrait bien être la première personne à être interrogée. Tandis que plusieurs Notices of Arrest on Departure ont été émises contre les proches de Dawood Rawat.

 

 

La version de la BAI

 

D’aucuns s’attendent à ce que la BAI vienne expliciter sa position face à ce scandale. Sauf qu’elle ne le peut pas, la Bramer Bank et le groupe même ayant été placés sous le contrôle de deux conservateurs. «Je ne suis plus autorisé à faire des déclarations publiques pour le compte de la BAI et de la Bramer Bank puisqu’elles sont sous le contrôle des deux conservateurs», commente ainsi Javed Bolah qui gérait jusqu’à tout récemment la communication du groupe.

 

«Pendant 45 ans, la BAI a travaillé dans l’intérêt de ses clients et de ses employés. Elle continuera de le faire malgré ces temps difficiles et collaborera pleinement avec les deux conservateurs»,a, lui, commenté Rishi Sookdawoor, CEO de BAI, tandis que Ashraf Esmaël, CEO de la Bramer Bank, confiait ce dimanche qu’il n’est «qu’un employé qui répond au board. Mon rôle, c’est d’assurer que les intérêts des dépositaires et des employés soient sauvegardés».