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Prisons: aucun détenu violenté depuis neuf mois

30 mars 2015, 18:53

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Prisons: aucun détenu violenté depuis neuf mois

Ils sont chargés de visiter les lieux de détention pour en vérifier l’état, l’entretien, la ventilation, bref, tout facteur qui peut amener à un traitement inhumain ou dégradant du détenu. L’avocat Hervé Lassémillante, le psychologue clinicien Vijay Ramanjooloo et la légiste Anishta Babooram-Seeruttun s’assurent depuis neuf mois que les conditions de détention des prisonniers mauriciens soient acceptables.

 

Ils font partie d’une nouvelle division de la Commission nationale des droits de l’homme : la National Preventive Mechanism Division. Depuis son lancement, aucun détenu ne s’est plaint d’avoir été violenté par des gardiens. Un vrai progrès, quand on sait que les plaintes étaient régulières auparavant.  Mais il s’agit également d’un constat rassurant. En effet, depuis le décès d’Iqbal Toofany, de nombreuses questions ont été soulevées sur la sécurité de ceux qui sont en détention.

 

La National Preventive Mechanism Division veille sur le respect des droits des prisonniers. Elle a été créée en juin 2014 à la suite de la signature de Maurice du protocole facultatif des Nations unies sur la convention contre la torture. Hervé Lassémillante en est le vice-président, tandis que Vijay Ramanjooloo et Anishta Babooram-Seeruttun y travaillent à temps partiel.

 

 «Nous pouvons interviewer n’importe quel détenu»

 

 Leur responsabilité consiste à visiter tous les lieux de détention, à savoir les prisons, les centres de correction juvénile, les centres de réhabilitation juvénile, les hôpitaux des prisons, les prisons dans les hôpitaux, comme la salle 01 de l’hôpital Nehru, et l’hôpital psychiatrique de Brown-Séquard.

 

Maître Lassémillante explique que les membres de la division ont été investis du droit de visiter ces endroits de fond en comble et d’avoir accès à tous les documents concernant les déténus : «Nous pouvons interviewer n’importe quel détenu et avoir accès aux dossiers confidentiels, et même convoquer les enquêteurs, des médecins ou des panels médicaux dans le cadre de notre travail. Naturellement, nous avons un devoir de confidentialité aussi.»

 

Douze visites à Melrose

 

L’équipe insiste sur le fait que le travail ne se fait pas qu’en s’asseyant derrière un bureau. Ses membres disent être sur le terrain chaque semaine. Depuis l’intégration de la division, ils ont effectué douze visites à la prison de Melrose.

 

Un  rapport sur chaque visite est ensuite envoyé aux autorités, notamment le ministère de la Sécurité sociale, celui de la Santé, celui des Affaires étrangères, les commissaires de police et des prisons. L’un des résultats de ces exercices a été le réaménagement de la cour de la prison pour rendre le lieu plus décent et avenant.

 

Changer la mentalité mauricienne

 

Faire des prisons des lieux décents, n’est-ce pas rendre agréable le séjour des détenus ? Maître Lassémillante est catégorique sur ce point : «C’est une grossière erreur que de dire que les prisons sont des hôtels 5-étoiles. La prison, c’est le droit fondamental à la liberté qui est nié. Il faut changer cette notion des Mauriciens qui disent que ces personnes-là sont en train d’être logées et blanchies aux frais de l’Etat. Il nous faut voir le problème non pas d’un point de vue social, mais d’un point de vue humain.»

 

Le psychologue Vijay Ramanjooloo ajoute que c’est l’acte commis par un individu qui doit être sanctionné, pas l’homme. «L’article 7 de notre Constitution nous dit qu’aucun être humain ne doit être soumis à la torture. L’acte doit être sanctionné, mais la sanction fait partie de la réhabilitation, qui est la motivation principale d’une peine carcérale. Pour réhabiliter une personne, il faut la traiter en tant qu’être humain.» La division veille donc à ce qu’un condamné soit sanctionné, mais que ses droits soient bien respectés.

 

Humaniser le système carcéral

 

Les hommes et femmes des prisons sont coupés du reste de la société. Ce facteur rend ces personnes plus vulnérables à la torture, pas nécessairement physique, mais aussi psychologique ou morale. «Nous travaillons avec les autorités carcérales et les welfare officers des prisons pour comprendre le système carcéral et l’humaniser davantage», précise Vijay Ramanjooloo. La division insiste sur le fait que l’humain doit être au centre du système.

 

Les détenus comme les autorités carcérales savent que la division est là pour assurer le respect des droits de ceux qui sont incarcérés. Celle-ci reçoit de plus en plus de lettres des détenus, des lettres classées confidentielles et qui arrivent cachetées. Mais Me Lassémillante précise : «Nous n’attendons pas toujours des lettres, nous allons nous-mêmes vérifier de quoi il en est sur le terrain périodiquement».