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Le Vietnam dope sa production de riz mais aussi ses problèmes environnementaux

30 mars 2015, 07:06

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Le Vietnam dope sa production de riz mais aussi ses problèmes environnementaux
Cultiver toujours plus de riz est l'obsession des autorités du Vietnam communiste, déjà deuxième exportateur mondial. Mais le régime continue d'exiger davantage des agriculteurs du fertile delta du Mékong, au mépris de l'environnement.
 
Nguyen Hien Thien est riziculteur comme l'étaient ses parents. Et sa vie se résume à des milliers d'heures passées dans les rizières. A tel point qu'il n'a même jamais visité Can Tho, une ville située à seulement 10 kilomètres de sa ferme dans la région du delta du Mékong.
 
"Quand j'étais enfant, nous produisions une récolte de riz paran, aujourd'hui c'est trois. C'est beaucoup de travail", confie-t-il, au bord de son petit champ de riz.
 
Une grande famine en 1945 et des pénuries alimentaires dans les années d'après-guerre ont conduit le gouvernement à adopter une politique du "riz avant tout".
 
Le pays produit aujourd'hui beaucoup plus que nécessaire pour nourrir sa population de 90 millions d'habitants, ce qui dope ses exportations.
 
Depuis les années 1970, les rendements de riz ont quasiment quadruplé, grâce à une variété à haut rendement et à la construction d'un réseau de digues. Par ailleurs, de plus en plus de terres sont cultivées et des quotas sont en place pour empêcher les agriculteurs de passer à d'autres cultures.
 
Mais les experts s'inquiètent car ce développement de la culture intensive, en particulier le passage à trois récoltes par an, fait des ravages.

- Difficultés croissantes -

"Les politiciens veulent que le pays soit le premier ou le deuxième exportateur de riz au monde. En tant que scientifique, j'aimerais qu'on en fasse plus pour protéger les agriculteurs et l'environnement", explique Vo Tong Xuan, expert en agriculture.
 
Selon lui, en produisant trois récoltes par an, le Vietnam n'a qu'un riz de faible qualité et les riziculteurs doivent utiliser davantage de pesticides et d'engrais.
 
Il plaide pour que les agriculteurs se diversifient, des noix de coco aux fermes de crevettes, et pour que le pays se concentre sur l'amélioration de la qualité et cherche à vendre son riz plus cher.
 
Actuellement, la majeure partie du riz vietnamien est exportée à des prix très bas en vertu de contrats conclus entre gouvernements et gérés par de grandes entreprises d'Etat comme la Southern Food Corporation, connue sous le nom de Vinafood 2.
 
"Au cours des cinq dernières années, la tendance a plutôt été au riz de qualité inférieure", admet Le Huu Trang, de Vinafood 2.
 
Certains observateurs affirment que les entreprises publiques touchent des commissions occultes sur ces énormes contrats et ont donc intérêt à maintenir le statu quo.
 
Par ailleurs, malgré les difficultés croissantes - intrusion d'eau salée, sécheresse, augmentation des inondations dans le delta, pollution chimique agricole...-, il est difficile de convaincre les agriculteurs de changer leurs pratiques.
 
"L'état d'esprit qui prévaut est de cultiver trois récoltes... nous devons expliquer qu'il serait préférable d'en produire seulement deux", explique Nguyen Tuan Hiep de la société Co Do Agriculture.
 
Au cours des vingt dernières années, Co Do, gérée par l'Etat, a identifié les meilleures terres pour la culture du riz dans le delta et aidé les agriculteurs à développer leurs fermes. Ces derniers travaillent aujourd'hui avec 2.500 familles sur 5.900 hectares de terres (contre moins d'un hectare en moyenne pour les exploitations rizicoles dans le delta).
 
L'entreprise investit massivement dans les semences de haute qualité et ?uvre à l'amélioration de l'irrigation et de l'usage des pesticides et engrais.

- La menace du changement climatique -

Autre problème: le système actuel de digues pour prévenir les inondations est néfaste à la fertilité du sol, explique Tran Ngoc Thac, directeur adjoint de l'Institut de recherche sur le riz du Vietnam.
 
Et le changement climatique est aussi un facteur qui menace le delta, selon la vice-présidente du groupe de la Banque mondiale et envoyée spéciale pour le changement climatique, Rachel Kyte. Elle plaide pour des aides à la reconversion à d'autres cultures comme l'aquaculture.
 
De leur côté, les scientifiques tentent de créer de nouvelles variétés de riz nécessitant moins d'engrais et pouvant survivre dans des conditions météorologiques extrêmes.
 
"Si les agriculteurs ne changent pas et si nous ne trouvons pas une nouvelle variété appropriée de riz, la pollution continuera et les revenus baisseront", prédit Tran Ngoc Thac, en insistant sur l'urgence de prendre des mesures pour sauver le delta.