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Stephan Jauffret Rezannah: « La passion ne nourrit pas l’homme si elle n’est pas rentable»

1 mars 2015, 10:22

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Stephan Jauffret Rezannah: « La passion ne nourrit pas l’homme si elle n’est pas rentable»

Les artistes sont de plus en plus encouragés à se professionnaliser. Qu’est-ce que cela signifie ?

Se professionnaliser veut dire avoir une structure. Auparavant l’artiste fonctionnait de manière artisanale, c’est-à-dire qu’il se contentait de jouer sans encadrement, sans direction. Il faisait de «l’entertainment».

Avec la professionnalisation, l’artiste est appelé à prendre une direction concise, à se dessiner un plan de carrière, à faire les choses comme le mot l’indique de manière professionnelle. La professionnalisation demande à l’artiste d’avoir un sens et un objectif précis à toutes les étapes de sa carrière. Rigueur et discipline sont primordiales. L’artiste est un produit musical et il faut le rendre le plus vendable possible.

 

Avoir une structure, qu’est-ce cela veut dire ?

Il faut que l’artiste soit encadré, c’està-dire à la base avoir un producteur ou même s’il s’autoproduit, un ingénieur du son et une équipe qui travaillerait sur sa communication visuelle. L’artiste devra aussi disposer d’une biographie et d’un explicatif de ses projets, un press kit, des outils de communication en terme de photos, de vidéos et de sons. Cela demande à l’artiste une démarche financière.

 

Qu’est-ce que cela apporte à l’artiste d’être au sein d’une structure ?

L’artiste peut aspirer à vivre de sa profession. Quand une structure est mise en place autour de l’artiste il n’a pas à se soucier de rien d’autre que de sa musique. Où il va jouer ? Comment faire pour avoir de nouvelles dates où aller en tournée? Voir si en tournée, le contrat respecte ses droits… L’artiste n’a pas à se soucier de ces détails. Quand il doit s’occuper de tout comme c’est le cas pour beaucoup d’artiste, son énergie se dissipe et c’est sa musique qui s’en ressent. Avec une structure la création reste son unique préoccupation. Pour qu’un artiste puise évoluer dans le circuit professionnel à l’étranger, je ne parle pas ici des bals communautaires, mais la participation dans des festivals ou encore des marchés de musique par exemple, il est obligatoire d’avoir une structure, sans cela il est éliminé d’office par les organisateurs.

 

Vous êtes aujourd’hui manager de plusieurs artistes dont Eric Triton. Avec la nouvelle tendance,  plusieurs s’improvisent managers. Quel est le bagage nécessaire pour faire ce métier ? 

A Maurice, où nous n’avons pas de formations pour faire ce métier, nous sommes des amateurs. Nous sommes les champions du monde de l’improvisation. Cela changera le jour où le statut des artistes sera reconnu.

Ni l’artiste ni le manager d’artiste n’ont de statut. Mais je pense qu’il faut bien commencer quelque part. Toutefois il est important d’avoir une certaine notion musicale et du fonctionnement du marché de la musique pour faire ce métier.

 

Vous même avez été journaliste avant …

Oui, je ne suis pas musicien. Je ne m’y connais pas en accord mais je me suis beaucoup documenté sur le management des artistes et j’ai eu l’occasion de participer à des marchés de musique, suivre des ateliers et des conférences sur le sujet. J’ai également eu la chance de rencontrer des managers étrangers qui sont dans le métier depuis longtemps.

 

 Finalement le manager d’artiste, il est plus artiste ou businessman ?

Businessman. Le rôle du manager consiste à tout mettre en oeuvre pour que l’artiste soit rentable. Et ceci que ce soit à travers des concerts, des albums ou des tournées. Le manager c’est le marchand la musique et l’artiste sur scène ce sont des produits.

Il n’est pas nécessaire pour lui de savoir comment faire le produit mais il lui est impératif de savoir le vendre. Certains artistes sont frustrés quand on parle de produit et disent qu’ils font la musique par passion, mais la passion ne nourrit pas l’homme si elle n’est pas rentable. Un architecte fait également son métier par passion et on le paie pour cela.

 

Certains artistes ont peur de s’engager dans la voie de la professionnalisation pensant qu’ils se font arnaquer en devant payer les services du manager et autre ingénieur du son. Qu’en est-il au juste ?

Se professionnaliser devient obligatoire pour pouvoir fonctionner dans de meilleures conditions. Mais il est vrai que les frais peuvent parfois être conséquents. Ceci est souvent vu comme une contrainte financière par les artistes mais d’un autre côté il en bénéficie de par la qualité des services offerts. Un ingénieur du son avec du potentiel apportera un plus à la prestation de l’artiste ce qui le fera certainement remarquer. Se professionnaliser est un investissement, l’artiste a tout à gagner en retour.

 

Comment les gains sont partagés entre artiste et manager ?

Ceci est à la discrétion des groupes. En discussion avec l’artistes les gains peuvent être divisés à part égale ou sur un système de pourcentage. Mais la transparence doit prévaloir.

 

L’artiste est-il libre de créer. Est-ce que le manager n’impose pas ses choix à l’artiste ?

Le manager doit faire de sorte à ce que l’artiste soit à l’aise tout en le canalisant dans des projets. Que ce dernier soit un artiste commercial ou fasse de la world music qui est une musique de création, le rôle du manager n’est pas d’imposer un style mais de faire en sorte que le ou les styles de l’artiste soient en phase avec luimême et assurer que ce style à un marché exploitable.