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Affaire Ramgoolam: Le lion est-il mort ce soir ?

2 février 2015, 21:00

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Affaire Ramgoolam: Le lion est-il mort ce soir ?
La scène restera sans doute dans les annales du pays. Le Dr Navin Ramgoolam, Grand Commander of the Star and  Key of the Indian Ocean, Fellow of the Royal College of Physicians, ancien Premier ministre de la République de Maurice dont la décennie de règne vient de s’achever, sort de la demeure de son père, le Père de la Nation, à la rue Desforges, un certain vendredi soir. Entouré d’une escorte de policiers. 
 
Souriant timidement, en ce 6 février, il est accueilli par une foule hostile qui lui balance des injures et des projectiles à la figure. «Voleur !», hurle-t-on. Les membres de la Special Mobile Force et de la Special Supporting Unit présents ont du mal à contenir la foule. Bousculé, celui dont l’autorité était incontestée il y a encore peu est enfourné à la va-vite dans un véhicule de police. La foule ne se calme pas pour autant, et s’en prend désormais à la voiture, frappant les vitres et vociférant sa colère.
 
Ce n’est que lorsque la voiture parvient enfin à s’éloigner péniblement en direction des Casernes centrales que l’on prend la mesure de ce qui vient de se passer. Le fin stratège, le maître du jeu, le «lion» de la politique mauricienne, le leader tout-puissant, vient-il de mourir ce soir ? «Non !», semblent répondre ses partisans, qui se rassemblent déjà au square Guy Rozemont, siège historique du parti, pour réaffirmer leur allégeance au roi blessé. 
 
Ils dénoncent une «vendetta politique», annoncent des manifestations, s’en prennent à la légitimité et à l’indépendance de la police. Et là, on se dit que ce n’est pas possible. Qu’il renaîtra de ses cendres, comme il l’a déjà fait par le passé. Que cet homme, qui s’est patiemment forgé l’image d’un politicien invincible, imprévisible, intouchable, idolâtré depuis des années par ses partisans, ne peut avoir été terrassé aussi soudainement. Mais surtout, qu’il ne pourra que profiter de cette mésaventure en s’auréolant du statut de martyr jeté en pâture à la foule, s’offrant une légitimité inattendue, et qu’il reviendra encore plus fort qu’avant.   
Jusqu’au second coup de massue. Comme sortis d’un mauvais remake du Parrain, d’énormes coffres-forts remplis de billets sont extirpés de la demeure du Big Boss. La somme, qui n’a pas fini d’être comptée, est monumentale. Des grosses coupures, des devises étrangères, des dollars américains sont sortis un à un de leur réceptacle inviolable. Le décompte prendra au moins deux jours, annonce la police. 
 
S’il est encore possible de tergiverser quant au sort du PM déchu, la question de son avenir politique semble être définitivement scellée. Déjà malmenée à coups de Rolex, de Rolls Royce et Aston Martin personnalisées, d’affaires extraconjugales et de politique de petits copains ces dernières années, il semble que son image ait pris un coup mortel. Et l’image, c’est tout ce qui compte en politique.    
 
Si, pour l’heure, il semble jouir encore d’un certain soutien dans les rangs travaillistes, nul doute que son leadership sera bien vite remis en cause. Reza Issack lui demande déjà de démissionner le temps de se sortir de ce pétrin juridique. Ajoutez à cela que la défaite aux dernières élections avait déjà sérieusement entamé sa légitimité de leader, et vous obtenez l’enterrement en bonne et due forme du politicien Ramgoolam.
 
Mais c’est compter sans l’amnésie de l’électorat mauricien…