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Questions à Philippe Hao Thyn Voon, président du COM: « Nous sommes encore à la case départ »

26 janvier 2015, 14:16

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Questions à Philippe Hao Thyn Voon, président du COM: « Nous sommes encore à la case départ »
Les 9es Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) se dérouleront à La Réunion du 1er au 8 août prochain. Nous vous proposons d’aller à la rencontre des quatorze fédérations qui préparent le rendez-vous réunionnais par le biais d’une série d’articles qui seront échelonnés du 27 courant au 13 mars. En guise d’introduction, la parole est donnée à Philippe Hao Thyn Voon, président du Comité olympique mauricien (COM), la fédération des fédérations. Mais son constat de la situation qui prévaut à moins de huit mois de l’échéance réunionnaise n’est pas encourageant du tout. Le triste sort qu’a connu le sport mauricien aux Seychelles en 2011 pourrait bien se répéter.
 
 
Comment se présente cette dernière ligne droite menant aux 9es Jeux des îles de l’océan Indien ?
Il ne reste que huit mois avant le rendez-vous réunionnais. Nous abordons cette dernière ligne droite avec les moyens du bord. Nous ne pouvons faire de miracle. Entre les derniers Jeux des îles et maintenant, rien n’a été fait. Nous sommes encore à la case départ.
 
Avez-vous eu l’occasion de prendre le pouls des fédérations engagées dans la présente campagne indianocéanique ?
Je ne veux pas être pessimiste mais des rencontres que j’ai eues avec les fédérations, il ressort que certaines d’entre elles sont encore à la recherche d’un DTN ou d’un entraîneur. Jugez-en vous-même. Certaines fédérations n’ont rien fait. Il y a beaucoup trop de problèmes à l’intérieur. Le MJS n’a pas fait grand-chose non plus. Il aurait fallu que la préparation des 9es Jeux débute au lendemain de la fin des 8es Jeux. Malgré le comité de suivi constitué avec l’aide du COM, il n’y a rien eu non plus.
 
Je l’ai toujours dit : les JIOI se préparent en quatre ans. C’est le temps qu’il faut pour corriger les erreurs. Les résultats n’étaient pas bons aux Seychelles mais nous n’avons rien fait pour y remédier.
 
La préparation s’est-elle déroulée comme vous le souhaitiez ? A-t-elle pris du retard ? A-t-elle souffert d’un manque de moyens ou de moyens arrivés trop tard comme c’est souvent le cas ?
La responsabilité de préparer les JIOI incombe au ministère de la Jeunesse et des Sports. Les JIOI sont des Jeux d’Etat. C’est le gouvernement qui finance tout. Nous parlons des JIOI comme des Jeux olympiques de la région, c’est au gouvernement donc d’investir. Malheureusement, ces investissements n’arrivent pas à temps.
 
A huit mois des Jeux, la plupart des fédérations n’ont rien reçu en plus pour la préparation de l’événement. Rien n’a été fait à ce jour. Je l’ai toujours dit : il faut un budget spécial pour les JIOI et il doit être alloué quatre ans avant l’échéance.
 
Si un tel budget sera approuvé, cela se fera à la veille des JIOI. Comment réussir une préparation sans budget ? Sans argent ? Les fédérations n’ont que leur budget de fonctionnement. Comment y puiser pour préparer les Jeux ?
 
Les disciplines qui ont le plus souffert sont les disciplines collectives. Ce sont les enfants pauvres comparés aux autres disciplines. Les disciplines collectives ont besoin d’un budget spécial car elles reposent sur une quinzaine, une vingtaine d’individus. Dans les sports individuels, on en compte six, sept ou huit. Il faut un budget spécial pour les sports collectifs.
 
Il y a aussi trop de zones d’ombre concernant les entraîneurs, les DTN. Il y a beaucoup de problèmes aussi tels que le transport des présélectionnés ou la libération des employés sportifs. L’Etat doit intervenir et s’il le faut promulguer une loi obligeant les patrons à libérer leurs employés afin qu’ils puissent s’entraîner et préparer les grandes compétitions. Autrement, il faudra professionnaliser tous les sports, comme le football. 
 
Craignez-vous de revivre la douloureuse expérience qui a traumatisé le sport mauricien aux Seychelles en 2011 ?
Oui, j’ai très peur. J’ai de bons contacts avec les îles de la région. A l’exception de pays traversant des difficultés, les autres se battent pour les médailles, pour les premières et deuxièmes places. Maurice se bat, elle, pour les troisièmes et quatrièmes places. J’ai bien peur que nous ne soyons pas sur le podium.
 
Avez-vous le sentiment que le sport mauricien a tiré toutes les leçons qui s’imposaient de cette débâcle inimaginable à l’époque ?
Non, pas du tout !
 
A votre niveau, quelles sont les leçons que vous en avez tirées ? 
Que les Jeux ont été mal préparés ! En tennis de table il y a quatre ans, les joueurs avaient reçu leurs équipements deux jours avant le départ après que j’aie annoncé que j’allais tenir une conférence de presse pour dénoncer cet état de fait. Des équipements de Rs 60 000 ! En voile, les barreurs ont reçu leurs bateaux une semaine avant les Jeux. En fait, tous les équipements ont été livrés à la dernière minute.
 
Comment avez-vous remédié aux lacunes que vous aviez notées et qui ont conduit à cette descente aux enfers ?
C’est un coup d’épée dans l’eau. Rien n’a été fait ! Il aurait fallu depuis 2011 envoyer six basketteurs, six ou sept volleyeurs en France pour un stage de six ou neuf mois. Les Seychelles l’ont fait et elles ont fait table rase. Elles peuvent même battre La Réunion. Nos meilleurs éléments doivent être envoyés dans des dynamiques à l’extérieur.
 
Deux mois après que j’ai fait ce constat, Vivian Gungaram a dit la même chose. Ceux qui auront une médaille aux 9es JIOI sont les expatriés qui ont effectué un long séjour à l’extérieur.
 
Pourquoi est-ce que le sport mauricien n’est jamais en mesure de débuter la préparation d’une édition des Jeux des îles au début du cycle de quatre ans ? Pourquoi piétine-t-il toujours jusqu’à accuser des années de retard au final ?
En raison des finances ! Il faut un fonds spécial au début du cycle de quatre ans et non une enveloppe spéciale qui est distribuée dans l’année des Jeux. Le Club Maurice est toujours en train d’essayer de récolter de l’argent. Quand est-ce que les athlètes recevront un pain à l’entraînement ? Et un moyen de transport ? Ritoo avait promis du pain et un système de transport, il n’y a rien eu à ce jour.
 
Cette dernière ligne droite menant à l’édition réunionnaise des JIOI coïncide avec l’entrée en fonctions d’un nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports en la personne de Yogida Sawmynaden. Avez-vous eu l’occasion de vous entretenir avec lui ?
Oui, il m’a semblé très enthousiaste. Il veut tout faire pour que Maurice réussisse aux 9es JIOI mais c’est trop tard. Il reste huit mois. Il peut mettre le paquet mais nous ne récolterons qu’une ou deux médailles en plus. Nous en avions eu 37 en 2011, nous en aurons peut-être 40.
 
Les relations entre le MJS et le COM seront-elles placées sous de meilleurs auspices ?
Oui, elles sont meilleures et se doivent de l’être. Ce sont deux institutions qui doivent travailler ensemble. Nous devons pouvoir ensemble penser aux amendements à apporter au Sport Act pour garantir l’autonomie des fédérations par exemple.
 
Elles ne pourront être pires qu’elles n’ont été durant le mandat du prédécesseur de l’actuel titulaire au MJS ?
Il ne vaut mieux pas ! Le sport mauricien a trop souffert. Nous devons pouvoir travailler ensemble.
 
La sérénité nécessaire au développement du sport, la bonne entente qui doit régner entre tous les partenaires pour l’avancement de ce secteur sont-elles au rendez-vous cette fois ?
Je ferai tout pour cela quitte à mettre de l’eau dans mon vin.
 
En ce début d’année, quels souhaits formulez-vous pour le sport mauricien ?
Je souhaite que le nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports puisse transformer le sport mauricien. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit que son ministère arrive en septième position dans la hiérarchie gouvernementale et qu’il en est fier. Il a dit qu’il fera beaucoup pour le sport. Le Premier Ministre Sir Anerood Jugnauth a toujours aimé le sport. Je suis sûr qu’il donnera beaucoup au sport.
 
Outre les 9es Jeux des îles, de quoi sera faite cette année 2015 ? Quelles sont les autres grandes échéances pour le COM ?
Après les Jeux des îles, il y aura les Jeux d’Afrique au Congo. L’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports avait écrit à l’ACNOA (Ndlr : Association des Comités nationaux olympiques africains) et au pays organisateur pour dire que Maurice participerait aux Jeux finalement. Maurice sera bien présente. C’est un passage obligé car plusieurs disciplines peuvent y obtenir leur qualification olympique.
 
Progrès, stagnation, recul : que faut-il attendre selon vous de cette année 2015, vous qui êtes en contact avec tous les acteurs du sport mauricien ? 
Je crois qu’avec ce gouvernement, le sport progressera davantage. J’espère que les secteurs Jeunesse et Sport recevront des dotations plus importantes dans le prochain budget. Il faut savoir que pour s’offrir les services d’un bon DTN de nos jours, Rs 100 000 ne sont plus suffisantes. Il faut mettre le prix si nous voulons de bons résultats.
 
En votre qualité de président du Conseil international des Jeux (CIJ) êtes-vous satisfait de la situation qui prévaut à huit mois des 9es JIOI ?
Je suis satisfait dans l’ensemble mais il y a une décision importante à prendre au sujet de la natation suite à la requête des Seychelles. Les dates des mondiaux de natation coïncident avec celles des 9es JIOI. Les Seychellois souhaitent de ce fait que les Jeux des îles soient reportés d’une semaine et qu’ils aient lieu du 8 au 16 août au lieu du 1er au 8 août.
 
Il faut savoir que les petits pays tels que Maurice, les Seychelles, les Maldives ou encore Madagascar ne comptent que cinq ou six nageurs vedettes. Ils doivent obligatoirement aller aux mondiaux s’ils veulent obtenir une invitation pour les Jeux Olympiques de Rio. S’ils prennent part aux Jeux des îles, ils ne pourront être aux mondiaux. 
 
Notre priorité demeure les Jeux des îles, nous avons des chances de médailles en natation, mais il ne faut pas oublier non plus les Jeux Olympiques. Nous soutenons la demande des Seychelles, nous avons demandé aux Comores et à Madagascar d’en faire autant. Nous attendons leur réponse suite au courrier qui leur a été adressé en décembre. Nous avons besoin du soutien d’un quatrième pays pour convoquer une assemblée générale spéciale lors de laquelle sera évoqué ce problème. La Réunion n’est pas concernée par ce conflit entre les dates et ne souhaite pas de report. Si report il y aura, il faut que la décision soit prise avant la prochaine réunion du CIJ prévue en mai.
                                                                 
Ces dates conflictuelles sont-elles le seul grain de sable dans l’engrenage ?
Non, il y a aussi quelques petits détails à régler dans plusieurs disciplines, détails sur lesquels les divers comités techniques devront se pencher. A titre d’exemple, il reste à finaliser le nombre de médailles qui seront attribuées en haltérophilie : trois ou une ? Le COJI est en faveur d’une médaille, les Seychelles en veulent trois car ses chances sont grandes en haltérophilie. Il y a des points techniques à revoir aussi en natation, voile et tennis de table.
 
 
« Ceux qui auront une médaille aux 9es JIOI sont les expatriés qui ont effectué un long séjour à l’extérieur. »