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Raj Dayal: «Le style Dayal ne se résume pas»

24 janvier 2015, 00:21

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Raj Dayal: «Le style Dayal ne se résume pas»

Il rabroue le photographe, passe devant la glace, se coiffe, enfile sa veste et rajuste sa cravate. «Aster to kapav tir foto!» C’est parti pour une heure de Raj Dayal dans la plus pure des traditions: port de tête royal, «moi-je» en verve et colère tonitruante.

 

 

C’est quoi ces grands journaux dans votre dos ?

(Il va les chercher) Ce sont les deux interviews les plus likées du pays (les siennes, qu’il a fait agrandir et plastifier). Au moins 10 000 likes, du jamais vu à Maurice.

 

Maintenant que Bansi est parti, vous vous occupez en comptant les «likes»?

Raj Dayal, c’est connu, travaille beaucoup, et pas seulement par temps de cyclone. Rien qu’aujourd’hui, avant de vous recevoir, j’ai traité une centaine de dossiers d’intérêt national. Ce matin, j’étais à un workshop avec des experts en provenance des Pays-Bas. Ils vont nous aider à mettre en place un système d’alerte des storm surges. J’ai dû livrer un discours de huit pages parce que c’était vital.

 

On vous sent quand même plus à l’aise dans l’action...

(Souriant) C’est très rare qu’un bon professionnel soit aussi un bon politicien. C’est rare mais ça arrive, puisque je possède cette double qualité. Si vous regardez bien, Dayal, quelle est sa force? C’est sa capacité à répondre aux attentes des gens. Vous dites que je suis à l’aise dans l’action, c’est vrai, mais l’action sans planification, sans réflexion stratégique, sans sagesse, ça n’aboutit à rien.

 

C’est un mélange de tout cela, le «style Dayal»?

On ne peut pas définir le style Dayal en quelques phrases.

 

Essayez en quelques mots-clés...

Le style Dayal ne se résume pas.

 

Et pourquoi ça ?

Parce que le style Dayal est une symbiose de philosophies et de concepts qui se matérialisent en actions, avec des résultats sans faille, toujours. Le style Dayal, c’est l’exigence, c’est le sens du service, le professionnalisme, avec une maîtrise toujours très pointue des dossiers.

 

Il en a, de la chance, le Premier ministre...

(Sourire approbateur)

 

Il vous a félicité pour la gestion de Bansi ?

Ça coule de source. SAJ dit toujours de vive voix ce qu’il faut dire. Il m’a connu comme commandant de la SMF, puis comme commissaire de police, nous avons bien travaillé ensemble. Maintenant, il découvre le ministre. Peut-être est-il impressionné, je ne sais pas, mais je sais qu’il se réjouit de l’efficacité de ses ministres, au pluriel, parce que je ne peux pas tout gérer tout seul.

 

Un homme, en ce moment, ne gère plus grand-chose: c’est M. Ramgoolam. Ses soucis vous inspirent quoi?

Il y a une philosophie française qui dit: fais ce que tu fais, mais pense aux conséquences...

 

C’est français, ça ?

Monsieur, je sais de quoi je parle, j’ai été formé en France! Et aux Indes! Et aux Amériques. J’ai eu le privilège d’être formé sur quasiment les cinq continents. 

 

M. Ramgoolam, donc...

Nous sommes tous appelés, un jour ou l’autre, à répondre de nos actes. Parfois, celui qui fait de bonnes actions, comme dans mon cas, est vilement et bassement attaqué. Je dois vous dire que ma famille a beaucoup souffert des persécutions du régime de Navin Ramgoolam.

 

Persécution, le mot n’est-il pas un peu fort ?

Pas du tout ! (Il crie) On a révoqué un commissaire de police sur des mensonges ! Des mensonges qui ont été démontés par la justice de ce pays ! J’ai perdu... (on coupe)

 

Dix-huit ans après, ce n’est pas digéré ?

(Il entre dans une colère impressionnante, le buste en avant, agrippé à son fauteuil) Silence ! Tu dois me laisser répondre ! J’ai perdu mon père à la suite de ma destitution !Tous les jours, il me demandait si j’allais retravailler. J’ai perdu ma mère qui n’était jamais allée à l’école. Elle ne comprenait pas le langage de l’esprit, seulement le langage du cœur. J’ai dû subir les attaques calomnieuses de la MBC ! (Il ne crie plus, il hurle) Un commissaire de police qui a tant donné à son pays ! Un professionnel qui a sauvé des vies humaines par centaines ! Un homme qui ne dormait pas pendant deux semaines pour gérer des situations de crise ! (Sa voix se brise, submergée par l’émotion) Qu’est-ce qu’il a eu en retour, cet homme ? Vous qui êtes journaliste, je vous pose la question ! Ce n’est pas de la persécution, ça ? Allez consulter le dictionnaire ! 

 

Pourquoi cette agression, d’un coup ?

(Il se calme) Je ne vous agresse pas. Je veux que vous compreniez le sentiment d’un innocent, et pour ça il faut y mettre le ton. Je vous parle de mes années de souffrance. Le dieu Ram a été contraint à l’exil en forêt pendant 14 ans. Eh bien moi, mon exil a duré 17 ans. Pendant 17 ans, le commissaire de police (NdlR, il l’a été de 1994 à 1997) s’est retrouvé dans le box des accusés, au vu et au su de tous, à la merci des piques des journalistes.

 

Est-ce une raison pour péter les plombs ?

Je ne pète pas les plombs, j’explique les choses avec force. Je suis professionnellement et spirituellement entraîné à ne pas perdre mon sang-froid. 

 

Parlez-moi donc de cette formation...

Monsieur, lorsqu’on apprend le métier d’officier militaire, on est entraîné à gérer toutes sortes de situations via des exercices de simulation. Au Parlement européen, j’étais responsable de la sécurité de l’homme qui possédait les codes nucléaires. Il avait la capacité, à tout moment, d’ordonner une frappe nucléaire si l’Europe était attaquée... (on coupe)


Vous dites que...

(Il coupe) Attendez, je n’ai pas fini ! Une autre fois, à Southampton, j’ai dû gérer l’évacuation d’un navire en feu, du vrai feu Monsieur. Troisième cas, votre hélicoptère se crashe au-dessus de la mer. On vous immerge dans un bassin à 50 pieds de profondeur, votre ceinture est attachée, il faut s’extraire et remonter à la surface. Vous voyez, j’ai appris à garder mon sang-froid en toutes circonstances. Mais je ne peux pas tout vous raconter...


Maintenant qu’on y est, allez-y...

Si je devais vous raconter tout ce que j’ai fait, ce n’est pas une interview qu’il faudrait, c’est une encyclopédie.

 

Et votre «entraînement spirituel», ça consiste en quoi ?

La prière. Je prie beaucoup, à mon bureau, partout. Je prie parce que pour moi la prière est sacrée. Regardez dans ce bureau, là-bas Shiva, ici Ganesha... 

 

Vous priez pour qui ?

Je prie pour autrui... y compris pour vous.

 

C’est gentil.

Non, c’est normal. Si vous êtes dans mon bureau, c’est parce que votre professionnalisme vous a poussé vers moi. Je prie pour les journalistes, les planteurs, les maçons, pour tout le monde, parce que je ne vis pas en isolement, et parce que la clé de mon succès, c’est ma foi. 

 

La foi en quoi?

En moi. Ce n’est ni de l’égocentrisme ni de la mégalomanie, c’est juste que Dieu est en moi. Mais Il est en vous aussi. 

 

Êtes-vous sûr de ça ?

Si vous n’y croyez pas, je ne suis pas contre votre pensée, mais on est ici pour parler de ma (il appuie) pensée. Et moi, je pense que l’homme a Dieu en lui, donc j’ai foi en l’homme.

 


Même en Anil Bachoo ?

Pas dans le politicien mais dans l’homme oui. Je prie pour Anil Bachoo. Je prie pour qu’il ait la sagesse de ne plus prendre les décisions qu’il a prises. Vous avez vu les fissures sur la route Terre-Rouge–Verdun ? Vous ne trouverez aucune fissure dans ma carrière, pas une seule.

 

Même cette phrase de M. Bérenger: «Je suis très inquiet pour le pays, surtout avec la présence de Raj Dayal au gouvernement» ?

M. Bérenger ferait bien de faire sa propre introspection avant de se soucier des autres. S’il a essuyé une telle défaite, c’est à cause de ce genre de petites phrases. Il était membre du gouvernement quand j’étais commissaire de police et il ne m’a jamais fait aucun reproche.

 

Vous avez été élu en tête de liste (à Flacq–Bon-Accueil) avec pratiquement 60% des voix...

(Il coupe) J’ai reçu une bénédiction électorale, c’est vrai. 

 

Seuls trois candidats ont fait mieux...

(Il coupe) Non, ne rentrons pas dans ce genre de calculs. Les gens m’aiment parce qu’ils savent que je ne les décevrai pas. Le 17 janvier, c’était mon premier mois comme ministre. Le bilan est bon, j’ai répondu aux attentes.


Vous avez annoncé la création d’une Beach Patrol. C’en est où ?

Lundi, j’annoncerai la philosophie de ce projet. On va le lancer avec le commissaire de police, la Special Mobile Force et la National Coast Guard.

 


Ce n’est pas un peu militaire comme philosophie?

Non, pourquoi ? En Amérique ils font pareil.

 


Puisqu’on est sur la plage, savez- vous si le pandit Sungkur compte faire ses cartons ?

Le permis a été alloué par le ministère des Terres et du Logement, posez-leur la question.

 


Mais vous, vous pensez quoi de cette affaire ?

Je n’ai pas le droit de penser.

 

C’est embêtant, ça...

Je ne suis pas censé penser avant qu’il y ait une décision du ministre titulaire.

 


Le pandit Sungkur est un ami ?

(Agacé) Puisque je vous dis que c’est au ministre de tutelle de se prononcer ! 

 

Vous avez lancé un audit sur les baux d’État dans les zones dites des «Pas géométriques». Ça donne quoi?

Je vous en parlerai quand l’audit sera complété. Pour l’instant, je n’ai aucune information.

 


Vous êtes aussi ministre du Développement durable...

Certes.

 

Allez-vous travailler avec Joël de Rosnay ?

C’est à SAJ de se prononcer sur ce genre de chose. Je n’ai pas le droit de répondre à cette question.

 


En fait, vous souhaitez parler de vous et uniquement de vous...

Ce n’est pas que j’aime parler de moi mais comprenez-moi : j’ai un devoir de vérité envers le peuple. Quand je parle de moi, de mes succès, je le fais par pur souci de transparence.

 

Qu’est-ce qui sera le plus difficile à gérer dans votre ministère ?

Rien ne sera difficile. Quand vous avez foi en vous et dans le Tout-Puissant, l’impossible n’existe pas. Mes limites ne dépendent pas de moi, elles dépendent de Dieu.

 


«Je réussirai mon mandat si ...». Terminez cette phrase.

Impossible.

 

Pourquoi ?

Le «si» est de trop.