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Swaley Kasenally: Baisse de 50% du prix à la pompe si le contrat de Betamax est résilié

17 janvier 2015, 01:36

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Swaley Kasenally: Baisse de 50% du prix à la pompe si le contrat de Betamax est résilié

Le contrat alloué à Betamax serait pire que le scandale de «hedging» qui avait retenu l’attention du pays dans le passé. Selon l’ancien ministre de l’Énergie, ceux qui l’ont rédigé n’ont pas bien interprété les chiffres que tout le monde dénonce aujourd’hui

 

Quel serait le meilleur deal que l’État pourrait obtenir de Betamax dans le cadre de la renégociation du contrat signé en 2009 ?

 

Il n’y a pas lieu de renégocier ce contrat, il est rempli d’irrégularités ! Le gouvernement doit le résilier au plus vite. Comme le dit sir Anerood Jugnauth, c’est un jackpot qui a été décerné à Betamax. S’il y a des gens au gouvernement qui veulent modifier le contrat, c’est sans doute qu’ils faisaient partie de ceux qui l’ont signé en 2009.

 

Ce contrat s’étale sur une période de 15 ans et permet à Betamax d’engranger USD 17,4 millions, soit un demi-milliard de roupies, par an. Il contient aussi une escalation clause dont j’ignore les détails. Mais cela signifie que chaque année, la note grimpe aux dépens des contribuables. Il ne faut également pas oublier que la State Trading Corporation (STC) doit s’acquitter d’autres frais tels que le carburant et les charges portuaires.

 

Lorsque l’accord a été signé, le coût de la location d’un tanker était de USD 16 500 par jour. Pour le Red Eagle, le gouvernement de Navin Ramgoolam a consenti à débourser le triple, soit USD 48 000 (environ Rs 1,5 million). Et aujourd’hui, avec la chute du prix du pétrole sur le marché mondial, on peut louer un pétrolier pour la somme de USD 8 000 (Rs 248 000) par jour, incluant tous les frais annexes.

 

C’est donc un autre scandale similaire à celui du «hedging» ?

 

C’est bien pire que le hedging. Car ce contrat est censé s’échelonner sur une période de 15 ans. Le plus grave, c’est que Maurice s’appuie sur un seul tanker pour  l’approvisionnement en carburant. Si jamais il tombe en panne ou a un accident, le pays risque une pénurie. On n’aura aucun recours immédiat pour pallier une telle situation et l’État devra encore mettre la main à la poche pour affréter un autre pétrolier. Pour un tel secteur d’activité, l’État aurait dû se tourner vers une société spécialisée possédant une flotte de pétroliers. Dans le cas du Red Eagle, il y a un autre point de discorde : différents types de carburant sont transportés en même temps, ce qui fait courir le risque que les produits se mélangent. Cela a déjà été le cas dans un passé récent et l’État a préféré ne pas réclamer un remboursement car Mangalore avait déjà averti Port-Louis de ce risque.

 

Le gouvernement de Ramgoolam n’aurait-il pas été plus inspiré d’acheter un tanker ?

 

En trois ans d’opération, Betamax a récolté USD 52,2 millions (Rs 1,6 milliard), somme qui représente son investissement dans la construction du Red Eagle. C’est le ministère du Transport maritime, alors dirigé par Anil Bachoo, qui a eu la brillante idée d’accorder ce contrat à la famille Bhunjun en ordonnant à la STC de signer le contrat sans attendre l’aval du ministère des Finances et du State Law Office (SLO).

 

Comment interprétez-vous le montant du transfèrement de carburant en faveur de Betamax ?

 

C’est un contrat qui a été rédigé par des pseudo spécialistes opérant au ministère du Transport maritime. Ils semblent n’avoir pas bien interprété les chiffres  que tout le monde dénonce aujourd’hui. En 2011, j’avais déjà tiré la sonnette d’alarme dans une tribune parue dans l’express. Mais c’était comme un coup d’épée dans l’eau. Jusqu’à ce que sir Anerood Jugnauth revienne au pouvoir.

 

Résilier le contrat n’est-il pas un mauvais signal lancé aux institutions bancaires internationales qui ont financé cette société ?

 

La bonne gouvernance exige la résiliation d’un tel contrat. Je ne pense pas que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international vont sanctionner Maurice pour une telle décision.

 

Pourquoi le SLO ou le ministère des Finances n’ont-ils pas réagi devant une telle énormité ?

 

Le SLO n’avait pas été informé de la signature. Quand son représentant s’en est rendu compte, il a laissé entendre qu’il avait pensé que ce projet avait été mis au frigo. Le ministère des Finances a tout simplement été ignoré. Aujourd’hui, le Grand argentier compte bien se défaire de ce contrat. Il avait dénoncé ce scandale lorsqu’il était à la tête de la Commission économique du MMM.

 

Si le contrat de Betamax est mis à la poubelle, est-ce que le prix du carburant va baisser ?

 

Évidemment. Avec la chute des prix sur le marché mondial, le carburant à la pompe aurait dû être 50% moins cher aujourd’hui. Malheureusement cette baisse n’est pas répercutée ici à cause du montant du transfèrement de carburant  accordé à Betamax. Le fret fausse la facture.

 

Showkutally Soodhun avait évoqué un projet de raffinerie en 2010. Est-ce viable ?

 

Une raffinerie exige beaucoup de financements et de technologies avancées. Elle comporte aussi des risques environnementaux. Celle de Mombasa, qui alimentait le Burundi, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie, vient de cesser ses activités pour faire du bunkering car elle n’est plus viable. C’est ce qu’on devrait faire à Maurice.

 

Notre pays devrait il se concentrer sur les énergies propres pour la production d’électricité ou miser sur l’huile lourde ?

 

Produire de l’électricité pour les besoins du pays uniquement grâce au vent, au soleil relève de l’utopie. Je suis d’accord pour que le Central Electricity Board (CEB) encourage le développement de l’éolienne à Plaine-Sophie et la ferme photovoltaïque de Sarako à Bambous. Mais leur contribution reste minime et nous allons dépendre encore longtemps de la bagasse, du charbon et de l’huile lourde. 

 

Même les pays avancés comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont réduit leurs activités dans la production d’énergie renouvelable. Ces deux pays ont remis en marche leurs anciennes centrales opérant au charbon.

 

Quand pensez-vous que nous allons atteindre une phase critique ?

 

Tous les rapports d’experts,dont celui de la National Energy Commission présidée par Dev Manraj, indiquent que si on n’a pas les quatre moteurs de 15 mégawatts chacun à la centrale de St-Louis, on risque d’avoir un délestage d’ici février 2016. Cette possibilité sera réelle si ces moteurs ne sont pas installés d’ici le début de l’année prochaine et si un moteur existant tombe en panne pendant la maintenance des autres moteurs des producteurs indépendants ou du CEB.

 

Un pays moderne comme le nôtre, dont un des secteurs d’activité est le BPO, ne peut se permettre de courir un tel risque. Ce serait un très mauvais message aux investisseurs. Il y a ce souci en Afrique du Sud, où le délestage arrive fréquemment.

 

Le projet CT Power a-t-il une raison d’être ?

 

Cette saga n’a que trop duré. Une décision ferme doit être prise au plus vite. Moi, j’aurais souhaité qu’un appel d’offres international ait été lancé pour donner au pays une variété de choix. Des experts ont estimé qu’Albion est le site idéal pour une centrale à charbon mais je comprends parfaitement les appréhensions des riverains. Albion ou pas, il y aura toujours des protestations. La question clé, c’est de savoir si on a besoin de l’électricité ou non pour le pays. Il n’y a pas de solution facile. Il y a des décisions difficiles à prendre.

 

En tant qu’ancien ministre de l’Énergie, comment expliquez-vous que nos réservoirs ne captent plus autant d’eau ?

 

Il faut prendre en compte plusieurs éléments. Est-ce que l’eau de pluie est bien canalisée vers les principaux réservoirs? Y a-t-il eu une étude sérieuse sur la question? On peut construire d’autres réservoirs mais on risque de les retrouver à moitié vides.

 

La situation de l’eau va empirer avec l’évolution démographique et les nouvelles activités économiques. Il faut une approche novatrice. Je suggère que l’eau du Sans-Souci Dam, qui est utilisée pour produire de l’électricité pour la centrale de Rivière-Champagne, soit distribuée aux habitants de l’Est. L’eau utilisée pour la production électrique représente six fois le volume du réservoir de Mare-aux-Vacoas.