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Entretien avec Yogida Sawmynaden, ministre de la Jeunesse et des Sports: « Nous ferons du sport mauricien une institution pérenne »

8 janvier 2015, 09:11

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Entretien avec Yogida Sawmynaden, ministre de la Jeunesse et des Sports:  « Nous ferons du sport mauricien une institution pérenne »
Le nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, Yogida Sawmynaden, déborde d’énergie et d’enthousiasme. Il a entamé un audit dans le but de savoir « ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas afin de pouvoir traiter le mal à sa source et d’y apporter le ou les remèdes efficaces et durables ». Son objectif : créer les conditions devant permettre l’émergence de nouveaux talents, convaincu que Maurice est une île sportive mais endormie comme ses volcans. 
 
Avant d’accéder aux fonctions de ministre de la Jeunesse et des Sports, vous intéressiez-vous à la chose sportive, à la pratique du sport sur le plan national ?
Bien avant de prendre mes fonctions, le sport a toujours fait partie intégrante de ma vie, étant un ancien du collège Saint-Esprit et ayant vécu les heures de gloire des Jeux intercollèges. Je pense que personne ne peut être indifférent à cet enthousiasme général. A l’époque, je pratiquais le lancer du poids et aujourd’hui, dès que mon emploi du temps me le permet, je pratique la natation et je fais de la « gym ». J’ai été formé par les écoles de natation de l’époque à la piscine Serge-Alfred.
 
Quel regard portiez-vous alors sur ce secteur d’activités ?
Un regard triste et critique en voyant le déclin du sport en général qui, par ricochet, a entraîné dans son sillage notre jeunesse mauricienne dans un état d’apathie et de léthargie avec les problèmes sociétaux que l’on connaît : la délinquance, la violence, la consommation en croissance de cigarettes, d’alcool et de drogues, les grossesses précoces et une perte totale de repères avec le manque de modèle à suivre.
 
Et maintenant que vous occupez le fauteuil de ministre de la Jeunesse et des Sports, quel constat faites-vous de la situation ?
Le constat est consternant car notre jeunesse, source de l’avenir, ne retrouve plus dans le sport et dans sa pratique cet amour et cette passion car les conditions ne sont plus réunies pour permettre l’émergence de nombreux talents. Nous devons impérativement redonner ses lettres de noblesse au sport mauricien.
 
Quels sont nos atouts ? Quelles sont nos faiblesses ? Où avons-nous failli ?
Notre diversité culturelle. Nous avons l’unique chance au monde d’avoir sur une si petite île un concentré de trois continents, l’Asie, l’Afrique et l’Europe, qui dominent plusieurs disciplines en sport. Pourquoi ne pas être capable de reproduire cela à notre niveau ?
 
Les décisionnaires de l’époque, avec leurs belles paroles et leurs promesses, jamais tenues, ont  donné de faux espoirs à la jeunesse mauricienne.
 
La faillite a été de croire qu’on pouvait guérir le cancer avec du panadol. Il nous faut résoudre le problème à la racine - l’athlète est au centre du sport - et non pas traiter juste le fruit, les performances et médailles. Nous vivons dans une ère de transition mondiale et nationale. Nous passons de l’ère de la révolution industrielle à l’ère de l’information ou digitale, il nous faut penser et adapter nos actions et décisions en fonction de cela. Notre avenir national en dépend.
 
Plus encore en sport que dans d’autres domaines, le travail ininterrompu a toute sa raison d’être. Lui seul peut prétendre passer le témoin de génération en génération. Ne devrait-on pas s’assurer de cela ?
Le travail ininterrompu et le passage de témoin de génération en génération sont précieux. L’exemple vivant de ce concept est le collège Saint-Esprit où, pendant 28 ans, le flambeau a été transmis de génération en génération pour maintenir et conserver le graal du champion. Mais il ne faut jamais oublier l’adaptation dans un monde en perpétuel changement. Les méthodes d’entraînement changent, les équipements, la détection d’athlètes, la formation des entraîneurs et l’avancée prodigieuse de la science en matière de détection du dopage et de la médecine du sport. Pour s’assurer de cela, nous devons faire notre devoir de patriote et garantir l’avenir de notre jeunesse mauricienne malgré nos différences politiques.
 
Osons une comparaison : la jeunesse est le vivier sportif. C’est comme un grand barachois composé de plusieurs bassins qui alimentent d’autres bassins jusqu’à ce que la maturité soit atteinte. Or, le sport mauricien est incapable de maintenir ce processus dans la durée…
Pour rebondir sur ce que vous venez de décrire concernant la jeunesse comme un grand barachois, un vivier sportif, nous avons constaté durant ces dernières années un tarissement de cette source à cause d’une sécheresse dans la volonté politique qui a conduit à une coupure drastique d’approvisionnement de la jeunesse dans le sport dans son ensemble.
 
Peut-on imaginer une refonte totale qui garantirait à ce processus une durée indéterminée ?
Aujourd’hui la volonté politique et les moyens sont là. Je veillerai personnellement, sous la supervision du Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth, à ce que l’athlète soit fier de son choix de carrière et qu’il soit encadré dans une structure en trois phases : la détection, la carrière et l’après carrière avec en sus une formation régulière des entraîneurs et une assistance de l’unité médicale comprenant aussi des nutritionnistes. Nous ferons du sport mauricien une institution pérenne.
 
N’est-il pas temps aussi d’envisager, comme c’est le cas dans le système français, l’association sportive à l’école en sus des classes d’éducation physique et sportive ?
Nous travaillons actuellement sur un projet mais je suis navré de ne pouvoir vous en dire plus pour le moment. Le sport mauricien en sortira grandi à tous les niveaux.
 
En créant des centres multisports dans tous les districts regroupant les disciplines les plus pratiquées à Maurice, en mettant de l’ordre et en assurant une meilleure coordination entre le sport scolaire et les clubs dans le sport civil, on parviendrait à un joli maillage sur tout le territoire…
Pour une île Maurice ambitieuse, qui veut être au sommet, ce maillage est vital et le projet sur lequel nous travaillons sera l’élément unificateur et la cerise sur le gâteau.
 
Elite, si élite il y aura, sortira de cette masse de pratiquants…
Bien sûr, je n’en doute pas. J’ai entière confiance en la jeunesse mauricienne et si on lui donne sa chance, elle nous prouvera toute l’étendue de son talent et de sa volonté de réussir et aussi sa fierté de défendre les couleurs mauriciennes.
 
Avez-vous déjà défini un schéma de cohérence pour relancer le sport mauricien ?
La cohérence veut que la racine nourrisse l’arbre pour que ce dernier puisse donner des fruits. Avec ma collègue du ministère de l’Education, madame Dookun, nous travaillons actuellement sur le concept du sport à l’école primaire. Nous souhaitons aussi mettre à la disposition des écoles primaires les équipements et adapter des salles disponibles en gymnase, cela afin d’initier les élèves dès le plus jeune âge à la pratique du sport et de les aider dans leur épanouissement sportif et intellectuel.
 
Etes-vous inquiet face à la sédentarité, face aux facilités qu’offre le monde moderne, ses illusions aussi, qui rendent l’homme partisan du moindre effort ?
Non, je ne suis pas inquiet car comme mentionné plus haut la volonté politique est là et nous devons aussi nous adapter à cette nouvelle ère afin de pouvoir sensibiliser la jeunesse mauricienne sur les bienfaits et l’apport du sport dans sa vie au quotidien.
 
Et cette jeunesse, y a-t-il moyen de l’orienter ne serait-ce que vers les salles de sport ?
Notre jeunesse ne demande qu’une chose : qu’on lui donne les moyens de s’exprimer et si nous leur donnons les infrastructures, la jeunesse mauricienne en fera bon usage et s’orientera d’elle-même vers le sport choisi. Nous avons une jeunesse autonome et qui s’assume dès son jeune âge alors pourquoi ne pas la responsabiliser?
 
Si le sport d’élite est en déclin, il y a un secteur en revanche qui a connu une croissance exponentielle et offert à Maurice une visibilité internationale : c’est le tourisme sportif et son fer de lance, le trail…
Quand vous avez des gens responsables, dévoués et dédiés au sport, le résultat est garanti. Je félicite toutes ces personnes pour avoir mis notre pays sur la carte mondiale du tourisme sportif et je pense qu’elles sont des exemples.
 
C’est un exploit réalisé par un groupe de passionnés, amoureux de l’effort vert…
Oui, je réalise que c’est un exploit et je suis fier de la contribution que ce groupe de passionnés a apportée au sport mauricien et au pays. Je le répète, quand vous avez la volonté et de bonnes intentions, les bonnes et grandes choses se réalisent.
 
En y regardant de plus près, nous avons tous les ingrédients, tous les atouts, pour devenir une île sportive. Il faut juste un fil conducteur, un sens, une direction…
Nous sommes une île sportive mais nous sommes actuellement comme nos volcans, endormis. Nous avons une source de jeunes athlètes à Maurice comme à l’île Rodrigues qui ne demandent qu’on leur accorde de l’attention et qu’on les encadre convenablement pour qu’ils puissent ainsi faire étalage de leur talent et faire flotter haut le quadricolore mauricien.
 
En 2011, lors des 8es Jeux des îles, Maurice, avec ses 1,2 million d’habitants, a été devancé par les Seychelles, 89 000 habitants seulement et quelque 5000 licenciés. Etre incapable de mettre de l’ordre dans le système, c’est prendre le risque d’essuyer une nouvelle raclée dans huit mois à La Réunion…
Je me répète peut-être mais quand il y a un manque de volonté politique, une incapacité de traiter le problème à la racine et de s’adapter à son temps, rien n’est plus normal que nous essuyions une raclée. Mais je tiens à faire ressortir que malgré tous ces manquements, nos athlètes accomplissent des miracles de par leur volonté, leur ténacité, leurs sacrifices et leur patriotisme. J’en suis fier et cela nous prouve que le vivier de sportifs, avec un meilleur encadrement et une volonté politique, se relèvera tel un phénix.
 
Pour résumer, quelles actions comptez-vous initier à court terme ?
A court terme, la mise en place du sport dans les écoles primaires et la relance du sport de masse tel le foot, le basket, le volley avec des événements sportifs les week-ends.
 
Comptez-vous faire un audit du sport mauricien avant d’envisager la mise en œuvre de votre politique sportive ?
Bien sûr, je veux une analyse approfondie, complète et détaillée de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas afin de pouvoir traiter le mal à sa source et d’y apporter le ou les remèdes efficaces et durables. L’audit a d’ailleurs déjà commencé à travers les rencontres avec les différents « stakeholders » et les visites des infrastructures sportives.  
 
Comment entrevoyez-vous les relations entre les trois grands acteurs du sport mauricien, le ministère de la Jeunesse et des Sports, le Comité Olympique Mauricien et les fédérations ?
J’ai déjà rencontré le président du Comité Olympique Mauricien et les présidents de toutes les fédérations. Nous savons tous les responsabilités que nous avons à assumer. Nous sommes responsables devant le peuple mauricien et surtout devant la jeunesse mauricienne. Nous devons travailler en étroite collaboration dans une même direction et avec la même volonté afin que le sport et l’athlète en sortent gagnants. Car le sport a le pouvoir de guérir les blessures d’une nation, de l’unir et de la faire transcender les frontières vers l’avenir. Je profite de l’occasion pour adresser mes meilleurs vœux 2015 à toute la nation mauricienne et aux sportifs, je dirai : « Ensemble, nous réussirons ! » 
 
« Le vivier de sportifs, avec un meilleur encadrement et une volonté politique, se relèvera tel un phénix. »