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Shakeel Mohamed: «Je ne suis pas en danger»

20 octobre 2014, 09:17

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Shakeel Mohamed: «Je ne suis pas en danger»

On le dit menacé, lui ne s’en fait pas. Sans oser le clamer trop fort, Shakeel Mohamed laisse entendre qu’il sera candidat au n°15 lors des prochaines élections. Il s’en réjouit d’avance – «Soodhun, ça va être fun» –, annonce qu’il «travaillera» pour Aadil Ameer Meea dans la circonscription n°3 et explique quel sera son rôle dans la campagne.

 

■ Un ministre du Travail qui perd le sien, ce serait un comble vous ne trouvez pas ?

Pourquoi voulez-vous que je perde mon travail ?

 

■ Je ne sais pas, on dirait que vous faites la tête ces derniers temps. Vous êtes plus discret, moins enjoué…

(Détendu et souriant) Naaan, tout va bien ! C’est juste que je suis un papa très occupé. Depuis la naissance de mon troisième fils, il y a trois mois, je passe plus de temps avec mes enfants et moins avec les journalistes. Cela me convient très bien… et à ma femme aussi. Elle ne pensait pas qu’un homme politique serait autant disponible pour  sa famille.

 

■ Ce déménagement vous chiffonne ?

Quel déménagement ?

 

■ De la circonscription n° 3 à la circonscription n° 15…

Les déménagements, j’adore !

 

■ C’est donc confirmé, vous serez candidat à La Caverne-Phoenix avec Patrick Assirvaden ?

Je ne confirme rien, c’est aux leaders de l’alliance de le faire. J’ai de bonnes raisons de croire que je serai candidat aux prochaines élections, mais où, je préfère ne pas m’avancer à ce stade.

 

■ Vous auriez préféré rester au n° 3 ?

Je n’ai pas de préférence. J’ai été candidat au n° 13 (Rivière-des-Anguilles–Souillac, NdlR) pour faire mon apprentissage. Ensuite au n° 3 (Port-Louis maritime–Port-Louis est, NdlR) pour l’héritage paternel. Maintenant au n° 15 pour l’héritage maternel. Toute la famille de ma mère vient de cette région.

 

■ On a donc bien compris… Ce sera au n° 15.

Ce n’est pas ce que j’ai dit. On n’est jamais sûr de rien dans la vie et encore moins en politique. Si – et je dis bien si – c’est au n° 15, j’aurai Soodhun comme adversaire, ça va être fun, good fun. (Sur un ton ironique) Ça vole toujours très haut avec Soodhun, on va parler de choses intelligentes.

 

■ Le comité régional du MMM au n° 15 ne vous attend pas à bras ouverts. Vous êtes au courant ?

Non, dites-moi…

 

Si Shakeel Mohamed entre, Raffick Sorefan sort. En gros, vous l’éjectez.

Si on va par-là, je pourrais dire qu’on m’a piqué ma place au n° 3. Je ne vois pas les choses comme ça, personne n’est propriétaire d’une circonscription.

 

■ Ça, c’est du verbiage pour la galerie.

Pas du tout ! C’est ma philosophie.

 

■ Dans ce cas, pourquoi vos agents s’activent-ils autant pour votre maintien dans la circonscription n° 3?

Parce qu’ils ont apprécié mon travail. Je le prends comme un signe de reconnaissance. Vous n’allez quand même pas me reprocher d’être apprécié de mes agents, si ?

 

■ De là à faire du lobbying nocturne auprès de Kalyanee Juggoo…

Kalyanee travaille très dur à recevoir beaucoup de monde jusqu’à très tard…

 

■ Vous n’avez pas honte de troubler les nuits de cette brave dame ?

(Rire) Là-dessus, je vais être très clair : l’initiative de mes agents m’a à la fois touché et agacé. Je n’aime pas que l’on fasse les choses derrière mon dos. Je n’étais pas au courant, j’ai appris cet épisode le lendemain matin à la radio.

 

■ Les lecteurs sont censés gober ça ?

C’est la vérité ! Mes agents connaissent très bien Kalyanee, ils sont allés la voir sans m’en informer. (Sur un ton grave) Jamais, je dis bien jamais, je ne me suis servi de qui que ce soit pour demander un ticket. Si on me dit «tu n’as pas de ticket ici» ou «tu n’as pas de ticket du tout», eh bien je n’ai pas de ticket, je déteste quémander. Vous savez, j’appartiens à la troisième génération d’une lignée de ministres. J’ai appris de mes aïeux que l’on n’est pas politicien à vie. Si tu t’accroches à la politique, comme papa m’a dit, tu deviens blasé. Il a raison. Si je devais arrêter la politique demain, honnêtement, je n’en ferais pas une maladie.

 

■ Ça sent le discours de celui qui se sent en danger.

Je sais que je ne le suis pas.

 

■ Pourriez-vous argumenter ?

Non. Je sais que je ne suis pas en danger, point.

 

■ En parlant de papa, une rumeur fait de lui le candidat mystère de l’alliance Lepep pour la présidence…

No way ! Jamais de la vie, c’est impensable ! Ma famille, notre histoire politique, c’est le Parti travailliste. Le reste, ce sont des palabres.

 

■ «On n’est pas politicien à vie», dites-vous. En avez-vous touché un mot aux dirigeants de l’alliance PTr-MMM ?

Eux, c’est différent, ce sont des leaders. Pour moi, politics is not everything. Je suis un père de famille, un mari, ce rôle est très (il appuie) important pour moi. Ma vie, c’est ma famille, pas la politique.

 

■ Revenons à votre parachutage au n°15. On peut voir le bon côté des choses, vous n’aurez pas à travailler avec Aadil Ameer Meea. On imagine que c’est pour vous un soulagement, n’est-ce pas ?

Pas du tout. Je vais même vous faire une confidence : à présent, je vais travailler pour Aadil. Je me suis engagé à lui donner un coup de main pour qu’il soit élu au n° 3. Il me l’a demandé, j’ai accepté.

 

■ Après tout ce que vous vous êtes balancé à la figure pendant quatre ans, cette confidence pose question…

Nous étions dans des rôles d’adversaires, c’était de bonne guerre. Aadil n’a jamais frappé sous la ceinture, il ne m’a jamais attaqué personnellement, donc je n’ai pas de problème à lui tendre la main aujourd’hui.

 

■ Quel fin visionnaire votre nouveau copain, vous ne trouvez pas ?

(Rire sarcastique)

 

■ Vous vous souvenez de ce que déclarait M. Ameer Meea en septembre 2012 ? «Je mets au défi Shakeel Mohamed d’être à nouveau candidat au n°3. Il a trop peur de prendre une rouste. Qu’il n’essaie pas de fuir au n° 15.» Étonnant de clairvoyance, non ?

Peut-être pensait-il m’aider en disant cela…

 

■ Vous avez mangé du clown récemment ?

(Rire sonore)

 

■ «Il pensait m’aider», sérieusement, votre parler-vrai est-il soluble dans le Nomination Day ?

Écoutez, Aadil Ameer Meea et moi, on se parle souvent, on l’a fait il y a encore quelques jours. Désormais, je vais l’aider, cela ne veut pas dire que je cherche à plaire. Mon principal défaut reste ma grande gueule, I call a spade a spade, tant pis si cela doit me coûter un ticket. Quand vous avez quelque chose à dire, dites-le: c’est ce que j’apprends à mes enfants. Mon fils de quatre ans l’a déjà compris.

 

■ Avec le recul, pensez-vous que vos prises de position sur le «Best Loser System» ou l’avortement ont braqué votre électorat au n° 3 ?

Certainement pas.

 

■ Vous disiez le contraire à l’époque : «Je sais que ma position entraîne du rejet. Des musulmans ne se retrouvent pas dans mes propos.»

C’était une infime minorité. Depuis, j’ai pris le temps d’expliquer ma position, ils ont très bien compris. Mon électorat au n° 3 a toujours été sincère et loyal, et il a grandi, je le sais.

 

■ Sur quoi vous basez-vous ?

J’ai mes chiffres. Je commande des sondages très régulièrement.

 

■ Est-ce que vos sondages mesurent votre cote de popularité auprès de M. Bérenger ? Vous semblez l’insupporter.

Je ne crois pas que je l’insupporte. Paul Bérenger a autre chose à penser que Shakeel Mohamed, je ne suis rien dans l’équation. Certaines personnes essaient de créer une animosité entre nous, mais ce n’est ni dans son intérêt, ni dans le mien.

 

■ «Créer», dites-vous ? M. Bérenger n’a pas besoin d’aide pour vous descendre publiquement. Il y a encore quelques semaines, il vous trouvait «insultant», «lamentable» et «honteux».

Écoutez, M. Bérenger était dans son rôle de leader de l’opposition. S’il avait été tendre, on lui aurait reproché de ne pas faire son travail.

 

■ Pour quelqu’un qui dit ne pas être obsédé par un ticket, vous en faites, des efforts !

Je réponds simplement à vos questions... (sourire malicieux)

 

■ Sinon, vous la sentez comment cette campagne ?

Ah, je suis pressé d’entrer en campagne ! Ça ne devrait plus tarder.

 

■ Quel sera votre rôle ?

Il sera double. D’une part, je vais devoir élaborer la vision de l’alliance PTr-MMM, dire où nous voulons emmener le pays et comment nous comptons nous y prendre. D’autre part, je donnerai la réplique à ceux qui dressent les Mauriciens les uns contre les autres. L’alliance Lepep joue sur les peurs, le repli communautaire, il faut donc faire de la pédagogie en expliquant qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur.

Qu’Anerood Jugnauth agite les fantômes du passé ne me surprend pas, c’est lui-même un revenant – et c’est un euphémisme. Mais entendre ce discours dans la bouche de Xavier-Luc Duval ou de mon confrère Ivan Collendavelloo, là, c’est choquant. Xavier et moi étions amis, je ne m’attendais pas à ce qu’il tombe aussi bas. Du jour au lendemain, parce qu’il n’était plus au gouvernement, il a montré un tout autre visage. Xavier m’a déçu, je le voyais différemment.

 

■ La création d’un salaire minimum s’est invitée dans la campagne. Où en est ce dossier ?

Je vais recommander la mise sur pied d’une commission chargée de mettre en place, très concrètement, le Smic mauricien. Nous avons aujourd’hui des salaires minimums sectoriels fixés par le National Remuneration Board. Ce système est dépassé car il dépend du bon vouloir du ministre au lieu de prendre en compte les réalités socio-économiques.

 

■ Quel montant préconisez-vous ?

C’est trop tôt pour le dire, à ce stade je suis incapable de vous donner un chiffre pertinent. Mais permettez-moi de faire deux remarques. Premièrement, ça m’amuse beaucoup de voir Xavier-Luc Duval se poser en champion du salaire minimum. Quand il faisait partie du gouvernement, il était hostile à cette idée, il a même mis son veto à une étude. Aujourd’hui, il se fait le chantre du salaire minimum, c’est grotesque. Deuxièmement, j’adorerais avoir un débat avec Vishnu Lutchmeenaraidoo sur cette question. Cet homme est d’un vide sidéral en termes d’idées, c’est impressionnant. SAJ et lui se posent en sauveurs du pays sans percevoir que la société a changé. Quand je les vois se démener autant, à leur âge, pour revenir au pouvoir, je me dis qu’ils doivent avoir une bonne raison mais que cette raison n’est pas l’intérêt du pays.

 

■ Parce que vos patrons à vous sont frais comme la rosée du matin ?

Ça n’a rien à voir avec l’âge, je vous parle de leur discours. SAJ et ses conseillers sont restés bloqués dans le passé. Pour eux, la jeunesse n’a pas d’autres aspirations que le WiFi gratuit. Ces gens-là sont totalement déconnectés, ils n’ont rien à proposer. Ils n’ont pas compris que les jeunes de ce pays attendent de la transparence, un emploi, un pays où il fait bon vivre. (Il imite la voix d’Anerood Jugnauth) Mo pou met WiFi partou ! Halala, ce pauvre SAJ... Sait-il seulement de quoi il parle ? Mwa ki pou mete ! (Fou rire)

 

■ Maintenant qu’on a bien rigolé, pensez-vous que l’altercation qui vous a opposé au fils de Nandanee Soornack influencera la suite de votre carrière politique ?

Je ne crois pas. Depuis, à ma grande surprise, il s’est excusé. Aditish est venu vers moi lors d’une fonction. Il m’a dit: «J’ai mal agi, je suis désolé.» Son attitude m’a touché. À son âge – il doit avoir une vingtaine d’années – je n’aurais jamais pu dire cela. Cela démontre la maturité de ce garçon. Aujourd’hui nous sommes amis, l’incident est clos – si l’on peut appeler ça un incident.

 

■ Sur ce fameux parking, lui avez-vous fait le coup du «to kone ki mo ete ?»

Pas moi, non ! (rire)