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CPE: cauchemar pour enseignants?

20 septembre 2014, 19:45

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CPE: cauchemar pour enseignants?
Certains se prennent des gifles, d’autres en distribuent. Et, si l’on se penche souvent sur le cas des enfants et des parents qui sont sujets à une poussée de stress avant, pendant et après les examens du Certificate of Primary Education (CPE), qui démarrent le 14 octobre, les instituteurs, eux, restent sur le banc de touche. Leur pression artérielle grimpe-t-elle en flèche alors qu’approche l’échéance? Le cauchemar pour enfants est-il également un cauchemar pour enseignants? Sortez les cahiers.
 
Pour des cours particuliers, direction l’école Serge Coutet, sise à Baie-du-Tombeau et qui fait partie des établissements répertoriés dans la zone d’éducation prioritaire. À l’accueil, tout sourire: le maître d'école.
 
Démarrage immédiat de la leçon d’orthographe. «Pour pouvoir écrire correctement mon nom de famille, il faut, entre autres, de remplacer le ‘i’ du mot chicken par un ‘o’», précise Clifford Chockun, très à l’aise dans ses baskets, ou plutôt ses mules. «Au niveau du CPE, nous avons deux classes de 20 élèves, quelques 24 membres du personnel, dont 17 enseignants. Nous misons aussi beaucoup sur des activités extrascolaires comme la peinture ou le sport.» Et, s’il ne semble pas du tout stressé à l’approche des examens de fin de cycle pour les élèves du primaire, en est-il de même pour les enseignants?
 

«J’ai la boule au ventre.» 

 
Pour le savoir, irruption dans la classe de Kunal Dilchand, qui a «la trentaine» selon lui et «63 ans» selon les élèves. «Bonjour», entonnent-ils en choeur. C’est beau parfois la politesse. Sur la table de l’enseignant, trois pommes, offertes par «ses petits». À côté, un énorme rotin bazar. L’utilise-t-il souvent? «Non, c’est uniquement en cas de force majeure. La dernière fois c’est, parce qu’un des garçons avait touché la jambe d’une fille.»
 
Au tableau : des problèmes de maths, qui divisent les élèves quant à leur niveau de difficulté. Ajoutez à cela des boîtes en carton où s’entassent des bouteilles en plastique destinées au recyclage, ainsi que des bidons découpés en deux, où poussent de jeunes pousses. Le décor est planté. «Cela fait quatre ans que je travaille ici. Je me suis attaché aux enfants. Je leur explique que j’étais comme eux quand j’étais enfant et qu’il n’y a qu’un moyen pour s’en sortir: en travaillant. Il ne suffit pas d’être enseignant, il faut être pédagogue. Il faut les valoriser.» Et d’ajouter: «La vie n’a pas toujours été tendre envers eux, alors j’essaie de leur ouvrir de nouveaux horizons.»
 
Être habité par l’envie de bien faire et avoir la vocation, c’est bien, mais souffre-t-on de stress quand on est responsable de petits gamins qui s’apprêtent à passer par l’étape du CPE? «J’arrive à trouver le sommeil le soir, mais j’ai la boule au ventre. J’ai surtout peur pour eux. Il y va de leur avenir.» Le remède contre l’hypertension? Le travail. «Là, nous sommes en pleine période de révisions, qui ont commencé il y a une semaine. Nous avons terminé le programme. Je leur demande d’apporter les test papers et nous travaillons les questions ensemble.»
 

Au cas par cas

 
C’est également l’occasion dit-il, de donner un coup de pouce à ceux qui en ont le plus besoin. «Tous ne sont pas du même niveau. Il faut souvent les prendre au cas par cas. Mais je précise que ce sont tous des enfants intelligents. Ce qui leur manque, c’est un suivi à la maison. Il suffit que les parents leur accordent quelques minutes par jour. Pour tout vous dire, on n’éduque pas seulement les enfants chez nous mais également les parents qui, pour certains, vivent dans des situations précaires.»
 
Et lui arrive-t-il de recevoir des claques ou des insultes? «Notre région n’est pas réputée pour son calme, mais contrairement à d’autres endroits plus huppés, les parents ont du respect pour les enseignants. Ils savent que nous essayons d’aider les enfants. Nous leur accordons l’attention qu’ils méritent.»
 
Il est temps d’en faire de même. Le premier à passer l’examen, le caïd, le «fouter desord» attitré, si l’on en croit ses camarades: Wayne, 11 ans. A-t-il peur des examens qui toquent à la porte? «Non, mo pa gagn per. Tou size mo kotan fer. Kan mo vinn gran, mo pou fer mazistra.» La confiance est également de mise du côté d’Elona, 11 ans aussi. «Moi, quand je serai plus grande, je veux être avocate pour défendre les gens.» En quoi consiste son emploi du temps après l’école? «Mo rant lakaz, benye, fer devwar, guet televisyon, zoue enn tigit apre dormi.» Récolter des A+, ce n’est guère son souci premier. «Mo le gagn enn kolez. Mem mo gagn D ek E pa fer nanye.» Des A+, Marie, elle, en aura cinq, souligne-t-elle. «Mo katryem dan klass.» Et cela, malgré le fait que «mo bann frer ek ser fer move ek mwa.»
 
Belle leçon de vie. En parlant de ça, qu’en est-il au niveau des leçons particulières? «Nou pran leson trwa fwa par semenn», chante toute la chorale. Le reste du temps, ils s’instruisent à l’école de la vie.