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Dr Nazeerah Sheik Abbass, enseignante au Mauritius Institute of Education: «L’entrepreneuriat doit être totalement repensé»

21 juillet 2014, 00:05

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 Dr Nazeerah Sheik Abbass, enseignante au Mauritius Institute of Education: «L’entrepreneuriat doit être totalement repensé»

Nazeerah Sheik Abbass : «L’entrepreneuriat à Maurice doit être totalement repensé pour attirer nos jeunes. Il faut pouvoir les accrocher par des «success stories». Les études de la filière commerciale offertes aux jeunes les forment pour être des employés  non des employeurs…»

 

Comment avez-vous développé cette passion pour l’entrepreneuriat?

Ma formation, ma créativité et mes expériences professionnelles m’ont attirée vers l’entrepreneuriat. Mes années d’études en science commerciale et ma participation à la production du livre sur Entrepreneurship Education pour les élèves du secondaire en Forms I, II et III m’ont permise de transmettre les aspects clés de l’entrepreneuriat à la plus jeune génération.

Je veux sensibiliser les jeunes par rapport à la perception erronée que l’entrepreneuriat n’est pas pour les intellectuels. Pour être entrepreneur il faut une bonne dose de connaissance, une attitude fonceuse et des compétences pointues. L’entrepreneuriat à Maurice doit être totalement repensé pour attirer nos jeunes. Il faut pouvoir les accrocher par des «success stories».

Les études de la filière commerciale offertes aux jeunes les forment pour être des employés  non des employeurs. C’est malheureux car une fois sur le marché du travail, lorsqu’on les introduit à d’autres voies de réussite professionnelle dont l’entrepreneuriat, ils ne sont pas préparés à se lancer et doivent encore passer par tout un processus de formation.

 

On ne naît pas entrepreneur mais on le devient. Quelle est la place, selon vous, de l’enseignement et de la formation ?

Il existe ceux qui ont le flair du business, l’entrepreneuriat dans l’âme. Mais la plupart des individus détiennent une part de créativité en eux, des talents cachés qui se réveillent une fois qu’ils montent en scène. Il faut aujourd’hui, à travers l’enseignement et la formation, préparer la relève de  demain en inculquant un esprit entrepreneurial calqué sur les méthodes utilisées  ailleurs dans le monde. L’image de la micro entreprise (petit business monotone) doit évoluer. Il est extrêmement important d’ouvrir les perspectives de l’entrepreneuriat aux plus jeunes à travers l’éducation au niveau national pour donner la chance à tout le monde, garçons et filles, riches et moins riches, d’accéder à cette plateforme de connaissances et les enrichir pour dégager un esprit plus aventurier.

Il faut élever la barre, il ne suffit pas d’avoir introduit un sujet dans le curriculum scolaire. Les stages pour mieux cerner la vie des entreprises s’imposent, ou encore la participation à des séminaires et des ateliers de travail (workshops). Cela doit s’appliquer depuis le cycle secondaire, comme cela se fait dans les grands pays du globe pour susciter l’intérêt des jeunes pour l’entrepreneuriat. 

 

 

Les principales ennemies de l’esprit d’entreprendre se révèlent être la peur et la sanction de l’échec. Vos commentaires?

L’enseignement et la formation sont les instruments nécessaires pour apprendre à vaincre la peur de prendre des risques et affronter l’échec. La gestion de risques en entreprise est maintenant un module incontournable dans la formation.

Les entrepreneurs doivent avoir des formations pratiques «hands on activities », simulations, «case study », discussions, recherches. Nous avons tant de facilités accessibles de nos jours, tant de ressources par le biais des multimédias que nous devrions en profiter pleinement.

 

On retient l’impressionnante proportion de jobs générés par les petites et moyennes entreprises qui contribuent à hauteur de 40 % au PIB. Quels sont, selon vous, les facteurs importants pour le succès d’une start-up, voire la création d’emplois ?

Il faut une connaissance pointue, une expertise du créneau et les compétences gestionnaires pour pouvoir gérer une entreprise dans n’importe quel secteur d’activité. La formation est une chose, mais la créativité, l’innovation, la tendance du marché détermineront si les start-ups vont évoluer ou non. La persévérance reste aussi le maître mot pour passer le cap d’installation sur le marché. Et la stratégie marketing va définir les avantages compétitifs de l’entreprise. Il faut certes pouvoir grandir, se consolider pour créer des emplois.

 

 

■ Est-ce que l’innovation et la création de nouveaux marchés sont suffisantes pour être profitable ?

On ne devient pas novateur en un clin d’oeil. L’entrepreneur peut être très créatif, mais doit pouvoir transformer cette créativité en des produits et des services qui répondent aux réels besoins des consommateurs. Il ne suffit pas d’innover, mais il faut pouvoir demain rentabiliser ce qu’on a créé et lancé sur le marché. L’entrepreneur doit apprendre à étudier les besoins de son entourage et développer une vision à long terme. Les success stories sont les entrepreneurs qui sont sur le terrain avec une vision large et pratique.

Conquérir de nouveaux marchés n’est pas suffisant pour le succès. Il faut pouvoir répondre à la demande et garder sa compétitivité sur le long terme. Mais il y a aussi la promotion du produit ou service, la communication, le regard fixé sur le contexte international qui aideront une PME à réajuster ses tirs pour mieux faire et être profitable au bout du compte.

 

■  L’accès au financement a toujours été un problème majeur. Croyez-vous que les prêts bancaires aujourd’hui accessibles à hauteur de Rs 2 millions donneront une impulsion nouvelle au secteur des PME ?

Le financement est l’oxygène dont une entreprise a réellement besoin pour survivre. Mais un endettement à hauteur de Rs 2 millions est une haute responsabilité et peut aussi être une lame à double tranchant. Les PME doivent bien comprendre les enjeux. Elles doivent être guidées, conseillées pour ne pas tomber en ruine. Parce qu’il faut toujours avoir en tête que les risques pris dans les affaires peuvent toujours mal tourner.