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Élections en Inde : les opérateurs mauriciens suspendus aux premières mesures de Modi

14 mai 2014, 18:32

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Élections en Inde : les opérateurs mauriciens suspendus aux premières mesures de Modi

L’Inde est en train de marquer lentement mais sûrement les contours d’un nouveau paysage politique. Au pouvoir depuis 2004, le Parti du Congrès de Rahul Gandhi devrait se retrouver dans l’Opposition après la clôture des élections générales, qui ont commencé le 7 avril dernier et qui se sont achevées hier. Le Bharatiya Janata Party ( BJP), le parti nationaliste hindou de Narendra Modi, candidat au poste de Premier ministre, se retrouverait lui aux commandes du pays, si l’on s’en tient aux derniers sondages politiques.

 

Le vent de changement qui souffle sur l’Inde est le résultat d’une mauvaise gestion économique qui a fait qu’en cinq ans, la croissance a été réduite de moitié, tombant à moins de 4 % aujourd’hui. Dans le même temps, une poussée inflationniste qui est venue fragiliser le pouvoir d’achat des Indiens de la classe moyenne et paupériser ceux qui se trouvent au bas de l’échelle.

Scandales et corruption

Et c’est sans compter l’accumulation des scandales de corruption frappant pratiquement tous les secteurs économiques. Aam Aadmi Party (AAP, Parti de l'homme ordinaire) d'Arvind Kejriwal en a fait son combat durant ces élections. Des raisons qui pousseront fort probablement les 814 millions d’électeurs à voter majoritairement pour un changement face à un régime qui tente désespérément de sauver les meubles.

 

En tant que puissance économique, la Grande péninsule a été victime des symptômes qui frappent d'autres pays émergents : fuite de capitaux entraînant une forte dépréciation de la roupie avec la décision de la Fed de mettre fin à sa politique de Quantitative Easing. Il y a également eu un déficit de la balance de paiements qui ne cesse de creuser. Même si l’intervention de la Banque centrale, dirigée depuis peu par l’économiste Raghuram Rajan, a tenté de limiter les dégâts en permettant à la roupie de gagner de la valeur face aux principales devises étrangères, dont le dollar.

 

À Maurice, le monde des affaires a le regard braqué sur les premières mesures que Narendra Modi sera appelé à prendre pour faire repartir l’économie s’il s’installe à Lok Sabha. «Si on s’en tient au modèle de développement économique du Gujarat, l’État où il est Chief Ministerdepuis plus d’une dizaine d’années, on peut se rassurer sur sa conception économique libérale», soutient Couldip Basant Lala , directeur de l’International Financial Services, ( IFS), une Management Company qui puise le gros de sa clientèle en Inde.

Modi le libéral

C’est une analyse que partage Tim Taylor, Chairman de Cim Group, qui trouve en Narendra Modi, candidat au poste de Premier ministre, quelqu’un de libéral qui saura attirer les investisseurs étrangers.

 

L’ouverture du pays aux investissements étrangers demeure un axe important de la stratégie de développement économique de BJP ; des FDI (Foreign Direct Investment) recherchés dans tous les secteurs économiques, sauf dans la grande distribution, comme souligne son programme économique. «Nous allons redonner de la crédibilité et de la confiance dans ce gouvernement pour que le pays puisse rayonner tant localement qu’internationalement. À travers des politiques à long terme, nous n’allons pas seulement relancer la croissance économique mais aussi nous assurer qu’elle soit stable et équilibrée», peut-on lire au chapitre des priorités économiques du BJP.

 

Certes, il ne faut pas pour autant dramatiser la situation économique en Inde. Celle-ci n’est pas à genoux économiquement. Du reste, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance de 5,4 % et de 6,4 % en 2014 et 2015 respectivement. Ce qui vient confirmer que le potentiel de l'Inde est réel. À condition toutefois qu'elle surmonte les obstacles qui affectent son dynamisme.

Quelle sera la position du nouveau gouvernement sur le traité fiscal ?

Si les opérateurs du Global Business sont dans l’expectative pour connaître la position de BJP sur le traité fiscal, Nikhil Treebhoohun, CEO de Global Finance Mauritius, qui regroupe la totalité des sociétés offshore à Maurice, préfère garder les pieds sur terre. «Il ne faut s’attendre à des miracles par rapport au contentieux liant le traité fiscal entre Maurice et l’Inde», prévient-il.

 

Même si le nouveau gouvernement peut être suffisamment souple pour démontrer sa bonne volonté et sauver le DTAA (Double Taxation Avoidance Agreement) de ce qu’il reste comme attrayant pour l’offshore mauricien, «il y de forts lobbies qui se jouent au niveau des fonctionnaires du ministère des Finances indien. Ces derniers sont suffisamment puissants pour faire bloquer les négociations», analyse-t-il. Et d’ajouter qu’il faut poursuivre les discussions et maintenir les pressions peu importe ce qui sera à la direction du pays.

Une politique de continuité

D’autres spécialistes et observateurs de la politique indienne trouvent qu’entre les programmes économiques du Parti du Congrès et ceux du BPP, les différences sont minimes. «Le parti de Gandhi et de Nehru est plus porté vers un socialisme redistributif alors que le BJP épouse un libéralisme économique contrôlé. D’ailleurs, ce parti a écrit blanc sur noir dans son programme qu’il est contre l'ouverture de la grande distribution aux capitaux étrangers, une politique prônée par le gouvernement de Manmohan Singh», observe Rajiv Servansingh, observateur économique et social, ex-directeur régional du Board of Investment en Inde.

 

Ce qui fait dire à l’actuel vice-président de la Competition Commission qu’au-delà de certaines nuances dans leur approche économique, il existe forcément un consensus quant aux intérêts politiques, voire géopolitiques de Maurice dans la région de l’océan Indien. «Ces intérêts sont stratégiques pour l’Inde, peu important le parti qui est au pouvoir. Les relations, au-delà des liens culturels et historiques, prennent forcément un autre caractère», ajoute Rajiv Servansingh.

 

Après 10 ans, l’Inde s’ouvre à une nouvelle ère politique portée par l’espoir d’une population en quête d’un nouveau changement. Reste à savoir si Modi répondra aux attentes de ceux qui lui font confiance…