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Une réforme électorale pour mieux s’allier ?

9 septembre 2018, 09:27

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Comme un serpent de mer, la réforme électorale ressort sa tête. En attendant le fameux white paper, ou le projet de loi, nous avons droit à des bribes d’information. Des petits bouts par-ci, d’autres par là, disséminés par des membres du gouvernement ; un gouvernement acculé par le case logé par Rezistans ek Alternativ devant l’ONU (l’on ne peut pas, en effet, d’une main y référer le dossier Chagos et de l’autre faire la sourde oreille sur celui du recensement ethnique). C’est sans doute à cause de cela que le porte-parole du gouvernement sur ce dossier, Nando Bodha, délaissant le Metro Express et la Route du Sagrin, évoque, ces jours-ci, l’élimination du Best Loser System. Mais il n’explique pas vraiment par quoi ce système (qui bloque l’épanouissement du mauricianisme) sera remplacé.

Aussi, le gouvernement évoque vaguement un nouveau Parlement de 80 députés – les représentants additionnels ne seraient apparemment plus désignés par la commission électorale, mais par les leaders des partis. Outre d’être un gaspillage des fonds publics, n’est-ce pas là un pur recul démocratique ? Des propriétaires de parti, déjà omnipotents, qui vont désormais prendre sur eux pour placer leurs préférés sur les bancs de l’Assemblée nationale afin qu’on leur octroie salaire, voiture duty free, per diem, etc. Imaginez que sir Anerood Jugnauth y place son fils, Paul Bérenger sa fille et son gendre, ou Navin Ramgoolam une de ses cousines, sans que l’électorat ne puisse piper le moindre mot.

 L’une des multiples visites de Paul Bérenger au domicile de sir Anerood Jugnauth à La Caverne.

Autre sujet évoqué mais dont le mécanisme demeure flou : c’est bel et bien le financement politique. Il serait question, dit-on, d’un remboursement de l’État (c’est-àdire de nos roupies) après la proclamation des résultats en se basant sur les scores ! Mais qui va donc financer la campagne et les élections avant ce remboursement ? Des bookmakers ? Des trafiquants de bonbonnes de gaz ? Rakesh Gooljaury ?

Enfin, il y aurait, séparément, une loi anti-transfuges présenté par un gouvernement qui a accueilli Alain Wong, Zouberr Joomaye, Joe Lesjongard et MarieClaire Monty. Et cette loi serait même appuyée, comme l’aurait dit à demi-mot hier Paul Bérenger, lors de sa désormais ennuyeuse conférence de presse, devenue son mode de survie existentielle depuis que XavierLuc Duval lui a ravi le poste de leader de l’opposition, poste dont il pensait avoir le monopole…

Chers lecteurs, arrêtons de nous laisser couillonner par des propriétaires de partis qui tentent de tirer le maximum de jus électoral d’un système politique qui les a enrichis presque tous indistinctement. Coffresforts ou pas. Si pratiquement tout le monde est plus ou moins d’accord qu’il nous faut, sans tarder, réformer le système électoral inique (y compris les conservateurs purs et durs), d’autant qu’il y a le pronouncement de l’ONU à respecter, les chances qu’une vraie réforme, intégrale et intégrée, se matérialise sont minces. On se dirige plutôt vers quelques retouches cosmétiques qui serviront de prétextes pour le rapprochement électoral des traditionnels partis.

En 2009, un Navin Ramgoolam et un Paul Bérenger, tout sourire, encadrant Jocelyn Grégoire.

N’oublions pas que le ministre mentor (qui préside la réforme électorale) a répété qu’il ne croyait pas en la proportionnelle (même à un seuil de 7,5 %), eu égard à l’expérience rodriguaise. Enfin, il y a la position, considérée rétrograde, du leader du PMSD qui pousse pour le maintien du Best Loser System (BLS), alors que nous sommes en 2018 et que le métissage s’avère un fait visible, à chaque coin de rue, dans pratiquement chaque école du pays...

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Rapide rappel historique. Nous subissons le tant décrié système First Past The Post qui a produit, cinq fois sur neuf, des résultats électoraux disproportionnés et outranciers : 1982, 1991, 1995, 2000 et 2014.

 

Notre histoire démontre surtout que ce sont toujours ceux-là mêmes qui bloquent la réforme qui en sont les victimes par la suite. Si Stonehouse n’était pas venu, à la suite des protestations de SSR, la proportionnelle préconisée par Banwell au départ aurait assuré à l’alliance ramgoolamienne un quart des sièges au Parlement en 1982. La proportionnelle de Banwell aurait aussi empêché le premier 60-0 et maintenu une opposition parlementaire. L’expert Banwell avait prévu ce cas de figure, mais les travaillistes se croyaient éternels, un peu comme les Jugnauth aujourd’hui, surtout depuis qu’ils sont de retour de La Haye (qu’ils auront tort de considérer comme un pèlerinage susceptible de les purifier et de faire oublier les Yerrigadoo, Soodhun, GuribFakim, Sumputh, Choomka, soeurs Hanoomanjee, Teeluckdharry, Rutnah, Jadoo-Jaunbocus, Dayal et le nouveau bénéficiaire de Rs 15 millions, Anwar Husnoo, Prakash Maunthrooa, Dewdanee, Gulbul, entre nombreux autres…)

Alors pourquoi craint-on le débat sur la réforme électorale ? L’alliance Lepep va devoir gérer le télescopage entre la décision du Privy Council dans le cas MedPoint et la décision des 15 juges de la Cour internationale de justice sur les Chagos. Il s’agira de s’accorder en interne (ce qui n’est pas une mince affaire vu l’assemblage hétéroclite de cette alliance bricolée à la va-vite en 2014) avant de prendre le risque de se lancer dans un débat aussi sensible. De manière holistique. Et non parcellaire.

 Si les partis politiques ne veulent pas, ou ne peuvent pas, réformer le système électoral avant les prochaines élections, avec son corollaire communaliste, le BLS dépassé, malgré les pressions de la Cour suprême et des Nations unies, c’est parce qu’ils ne veulent, tout bonnement, pas se tirer une balle dans le pied avant le prochain match électoral. Et ce, afin qu’ils conservent leurs acquis sur l’échiquier et, dans le même souffle, étouffer dans l’œuf de possibles mouvements naissants.