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Sommes-nous à l’abri d’une spirale salaires-prix ?

16 septembre 2022, 22:00

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Sommes-nous à l’abri d’une spirale salaires-prix ?

L’inflation reste l’ennemi commun sur la scène économique mondiale. Si le prix des carburants affiche une baisse sur le marché mondial, il ne faudrait pas s’en réjouir trop vite, le marché restant hautement volatil. Cependant, qui dit hausse du coût de la vie implique des demandes d’augmentation de salaire, pouvant en retour maintenir la pression sur la demande et des prix élevés sur le marché. Si la question se pose dans les économies développées, quid de Maurice ?

Le taux d’inflation s’impose en indicateur suprême au niveau mondial, avec des répercussions sociales sévères. À Maurice, passant de 0,9 % en glissement annuel en août 2018 à 11,5 % en août dernier, chaque consommateur ressent l’impact de l’augmentation du coût de la vie dans son quotidien. Au niveau mondial, malgré la baisse – temporaire peut-être – du coût du baril de pétrole qui se vend à environ USD 93 contre USD 114 en mars, l’inflation reste tenace. À titre d’exemple, aux États-Unis, le taux d’inflation affiche 8,3 % pour le mois d’août malgré la baisse du coût des carburants à la pompe et cela a eu pour résultat une nouvelle chute de Wall Street mardi.

Si l’inflation ne ralentit pas aussi vite que prévu au niveau mondial comme à Maurice, la demande, justifiée certes, d’augmentations salariales continuent de croître en réponse à la baisse du pouvoir d’achat. De même, les salaires proposés au niveau du recrutement dans certains secteurs pour attirer la main-d’œuvre sont plus élevés. Cette tendance est surveillée, en particulier dans les économies développées, car des augmentations de salaires pour permettre aux consommateurs de garder la tête hors de l’eau face aux augmentations drastiques des prix de l’alimentaire comme de l’énergie ont pour effet que la demande pour la consommation reste intacte.

Si le niveau de la demande ne change pas face à l’augmentation des prix au niveau mondial, cela favorise l’inflation importée et l’on se retrouve dans une spirale infernale où l’augmentation des salaires pour aider les consommateurs à faire face à l’inflation pourrait au contraire alimenter cette même inflation menant à une spirale salairesprix. Au niveau du Fonds monétaire international (FMI), l’on note que pour l’Europe, les augmentations de salaire se sont stabilisées au bout d’un an au lieu de continuer à augmenter à un rythme soutenu. En d’autres termes, il y a eu une augmentation du niveau des salaires mais pour le moment pas d’impact direct sur l’inflation. Cependant, prévient le FMI, il revient aux banques centrales de maintenir leur vigilance.

Quid de la situation à Maurice ? «Pour le contexte, en effet, qui dit cherté de la vie, augmentation des prix et inflation implique que les salaires ne suffisent pas. À Maurice, comme dans le monde, nous subissons pour diverses raisons connues des pressions inflationnistes qui contribuent à maintenir les prix élevés ; et certainement, les plus vulnérables subissent davantage cette pression. Au niveau des mesures palliatives, on l’a vu au niveau de l’État avec l’allocation mensuelle de Rs 1 000 en aide aux ménages. Maintenant, il y a les mécanismes existants, dont les réunions triparties qui tiennent compte de cette augmentation du coût de la vie pour travailler sur le montant de la compensation salariale. Au niveau du secteur privé, plusieurs entreprises ont aussi annoncé introduire des initiatives de soutien à leurs employés et cela inclut des augmentations de salaire», explique Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de Business Mauritius.

«Les entreprises doivent pouvoir retenir leurs employés et un salaire attractif aide.»

Autre que le besoin d’augmenter les salaires pour contrebalancer l’effet de la baisse du pouvoir d’achat, il faut aussi considérer le nombre d’employés qui ont quitté la main-d’œuvre formelle pour se mettre à leur propre compte, par exemple, phénomène qui impacte certains secteurs en particulier. «Au niveau des recrutements, les entreprises s’alignent donc sur les besoins du marché, il y a eu une évolution dans les attentes salariales. Aussi, les entreprises doivent pouvoir retenir leurs employés et un salaire attractif aide.»

Si les augmentations de salaire sont justifiées, les Mauriciens devant bien payer leurs factures, cela n’aide pas forcément à nous sortir de la situation économique actuelle. «En effet, une augmentation des salaires contribue à l’augmentation des prix, car notre taux d’inflation domestique est surtout importé. On ne va pas endiguer l’effet de la baisse du pouvoir d’achat en augmentant les salaires uniquement. Il faut un savant mélange d’actions et de mesures ; cibler ceux qui ont le plus besoin de protection et de soutien et évaluer l’impact des mesures adoptées pour combattre l’inflation, entre autres», précise Pradeep Dursun.

Finalement, le risque d’une spirale salaires-prix est-il réel ? «Pour commencer, ces second-round effects de l’inflation étaient prévisibles depuis plus d’un an déjà. Ça fait deux ans que les prix augmentent exponentiellement, mais est-ce que la hausse va durer ? Cela dépend. La situation inflationniste dans les autres pays n’est pas à transposer à Maurice, nous souffrons d’une inflation importée accentuée par la dépréciation de la roupie. Si les prix sur le marché mondial, incluant la logistique, continuent d’augmenter et notre roupie continue de se déprécier, cela aura un nouvel effet sur notre taux d’inflation. Mais il faut aussi mettre en perspective que nous ne sommes pas dans une situation où notre reprise économique est en plein boom, avec une grosse demande de la consommation pouvant accélérer davantage l’inflation. Cela réduit donc les risques d’une spirale salairesprix», explique l’économiste Rajeev Hasnah. Toutefois, le manque de main-d’œuvre peut jouer un rôle. «Un exemple précis serait le tourisme. Face au manque de la main-d’œuvre, il peut y avoir de la surenchère au niveau des salaires, mais encore une fois, ce n’est pas le cas de la globalité du marché du travail ou de l’économie.»

Dans tous les cas, cela nous mène à un point vital, le rôle important de la banque centrale pour défendre la roupie et contenir le taux d’inflation. De plus, l’État doit avoir pour priorité le contrôle de ses dépenses vis-à-vis de nos revenus et contrôler le déficit fiscal.