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Affaire Ramgoolam: de Roches-Noires aux coffres-forts

4 septembre 2022, 22:00

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Affaire Ramgoolam: de Roches-Noires aux coffres-forts

L’affaire des coffres-forts sera reprise sur le fond devant la cour intermédiaire, après l’appel interjeté par le Directeur des poursuites publiques, qui contestait le verdict d’acquittement. Le leader des Rouges devra ainsi faire face à un nouveau procès.

Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, les tourments de Navin Ramgoolam ont commencé avec le retournement de veste de celui qui dira qu’il a tout déballé sur l’affaire Roches-Noires pour soulager sa conscience. Mais, vu avec du recul, l’histoire est encore plus riche en rebondissements…

L’affaire des coffres-forts trouve son origine en fait dans celle de Roches-Noires. Celle-ci dernière débute en 2015 bien que les faits se soient produits en 2011, à Roches-Noires, bien sûr, et soit passée par Riverwalk. Dans la nuit du 2 au 3 juillet en 2011, le bungalow de l’ancien Premier ministre est cambriolé, alors que le propriétaire, Navin Ramgoolam, est présent sur les lieux en compagnie de Nandanee Soornack. Le cambrioleur audacieux est surpris par le propriétaire et la femme d’affaires, tout aussi surpris eux aussi. S’ensuit alors une lutte entre les deux hommes mais le cambrioleur réussit à s’enfuir.

L’affaire est rapportée à la police mais avec de ‘faux’ éléments, notamment la présence de Rakesh Gooljaury au lieu de celle de Ramgoolam et Soornack. À la suite de la déclaration de Gooljaury, le 3 juillet 2011, la police démarre une enquête et au moins une personne est arrêtée – Anand Kumar Ramdhony sera retrouvé mort dans sa cellule. Il semble aussi que ce suspect n’avait rien à voir avec le cambriolage. En tout cas, l’enquête sur cette affaire ne s’arrêtera pas là.

En 2015, Rakesh Gooljaury se rend à la police «pour soulager sa conscience», dit-il, et avoue premièrement qu’il avait le 3 juillet 2011 fait une fausse déposition sur le vol au bungalow et que deuxièmement, il l’avait faite sous la pression de Navin Ramgoolam et deux hauts gradés de la police. Il affirme que ces trois personnes lui avaient dit de faire cette déclaration pour dire que c’était lui qui avait été la victime du cambriolage.

Après cette déclaration ‘volontaire’ de Gooljaury pour laquelle il plaide coupable en cour, la magistrate d’alors Renuka Dabee – qui deviendra juge par la suite – accède à la demande de son avocat et ne le condamne pas à la prison mais à des travaux communautaires, le 18 avril 2016. La magistrate avance plusieurs raisons pour cette clémence, dont la promesse de Gooljaury de coopérer avec la police dans l’enquête à venir contre Ramgoolam. Gooljaury affirmait en 2015 qu’il avait fait cet aveu non pour des gains personnels mais parce qu’il «in fact, wished to reveal the truth as he had been feeling guilty and ashamed of himself for the past four years towards his wife and children». La magistrate avait choisi les travaux communautaires en rejetant les recommandations du Directeur des poursuites publiques, qui avait souligné que l’aveu de Gooljaury était venu quand même un peu tard, soit quatre ans après les faits et qu’il méritait la prison.

Revenons à 2015, au 11 janvier pour être plus précis, quand Gooljaury est allé tout déballer à la police contre son ancien boss, déballage qui va servir surtout à son nouveau boss. Forte de cette déposition, la police ne perdra pas de temps pour arrêter Ramgoolam, le 5 février 2015, sous une charge de complot dans l’affaire de Roches-Noires. Et pour recueillir des preuves, cette même police ne va pas au bungalow de Roches-Noires mais débarque au domicile de l’ex-PM à Riverwalk et surprise de taille : deux coffres-forts contenant Rs 220 millions, diront les policiers qui ont mis des heures à compter les billets, y sont retrouvés. Et rien, paraît-il, de compromettant dans l’affaire du bungalow n’a été retrouvé... Pour rappel, Navin Ramgoolam conteste justement la constitutionalité du mandat de perquisition émis en 2015.

Pour la petite histoire, il semble que ce soit Navin Ramgoolam lui-même qui ait insisté pour que Gooljaury fasse cette déclaration à la police le 3 juillet 2011 alors que les deux hauts gradés étaient contre. Si l’ex-PM n’avait pas insisté, toute l’histoire de cambriolage et de coffres-forts n’aurait peut-être jamais fait surface. Cependant, nous dit une source, le nouveau gouvernement Lepep d’alors aurait probablement recherché d’autres moyens pour abattre Ramgoolam. Et surtout pour mettre la main sur ses coffres-forts.

Selon une autre source, c’est un grand businessman du privé, qui avait financé le Parti travailliste juste avant les élections de 2014, en pensant que le PTr et le MMM allaient remporter les élections, qui est allé s’en plaindre auprès des Jugnauth après la victoire du MSM. Il aurait même suggéré de saisir l’argent. Rakesh Gooljaury avouera alors, plaidera coupable et sera condamné le 18 avril 2016 pour avoir fait une fausse déclaration à la police en 2011.

Alors que les magistrats Raj Seebaluck et Razia Janoo-Jaunbocus concluront en septembre 2018 qu’en fait, il y a bien eu cambriolage au bungalow de Roches-Noires. Ce qui voudrait dire que Gooljaury qui disait vouloir soulager sa conscience en 2015 et dire la vérité aurait en fait… menti. Malheureusement pour lui, une peine servie n’est pas ‘remboursable’. Heureusement pour lui, la magistrate d’alors a été plus que clémente en le condamnant à passer le balai, nettoyer le jardin, ramasser les ordures ou nettoyer les toilettes du Probation Hostel for Boys de Curepipe au lieu d’aller en prison pour au moins deux ans.