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Les hôpitaux utilisent des films radiographiques périmés

30 juin 2022, 19:04

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Les hôpitaux utilisent des films radiographiques périmés

Le ministère de la Santé semble constamment sous le feu des projecteurs. Cette fois, l’utilisation de films radiographiques périmés dans presque tous les hôpitaux régionaux fait polémique. Affaire révélée par l’organisation Youth for Human Rights International - Mauritius Chapter, dont le directeur est Manishwar Purmanund. Celuici a confié à l’express que selon le directeur général d’une compagnie fournissant des équipements de radiographie et des films radiographiques pour ces appareils au ministère de la Santé, cette instance utiliserait des films radiographiques périmés dans ses hôpitaux régionaux.

Ce directeur général a d’ailleurs adressé une lettre, datée du 19 mai 2022 (fac-similé), à la Senior Chief Executive du ministère de la Santé. Il est dit notamment que «upon intervention… it was noticed that all equipment were fully functional as per manufacturers’ norms. But to our dismay, it was noted that users were using expired DI-HL x-ray films as depicted in the attached pictures and attached job sheets… as acknowledged by users…» Il y est également fait mention que tel est le cas dans presque tous les hôpitaux régionaux.

Le directeur général de compagnie a aussi envoyé une lettre à tous les directeurs d’hôpitaux, ainsi qu’à plusieurs autres fonctionnaires du ministère de la Santé après avoir reçu des plaintes de radiologues hospitaliers concernant la formation de buée sur les films radiographiques et la mauvaise qualité d’impression des films par des imprimantes numériques ou par des appareils de radiographie numérique. Cette situation durerait depuis plusieurs semaines dans les hôpitaux.

Manishwar Purmanund a aussi fait ressortir qu’après une enquête menée par l’ingénieur en chef dudit fournisseur, il aurait été constaté que tous les équipements utilisés dans les hôpitaux étaient fonctionnels et conformes aux normes des fabricants que leur compagnie représente. Il a pu toutefois confirmer que le personnel des services de radiologie utilisait des films radiographiques périmés à partir desquels ils établissaient leurs rapports d’analyses. Dans sa lettre envoyée au ministère de la Santé, le directeur général de la compagnie fournissant ces équipements au ministère a déclaré qu’en raison du non-respect de son code de pratique, aucun service ne serait fourni pour les équipements existants. Ce Chief Executive Officer a également sollicité l’intervention du ministre de la Santé dans l’intérêt public.

L’express a obtenu des copies de trois job sheets, qui sont des exercices de vérification effectués dans trois hôpitaux différents par l’ingénieur en chef du fournisseur en mai 2022. Selon ces fiches, dans ces établissements, des lots de films radiographiques expirant en novembre et décembre 2021 et en avril 2022 étaient toujours utilisés en mai 2022. Ces job sheets comportent la signature des radiologues de service dans ces hôpitaux et il y est indiqué que l’utilisation de films radiographiques périmés n’est ni autorisée ni recommandée par le fournisseur.

Une source proche du service de radiologie d’un hôpital régional a confirmé que ces films radiologiques périmés sont effectivement utilisés, la raison étant «un sur-stockage d’environ 850 boîtes de films radiologiques datant de l’année 2020, qui doivent maintenant être utilisés dans tous les hôpitaux en général». Il nous revient qu’en août 2019, le ministère a lancé un appel d’offres pour l’achat de films radiographiques sous les procédures de Normal Annual Procurement.

Le fournisseur a obtenu le contrat et a livré le lot de films radiographiques en mars 2020, lors du premier confinement. «Chaque lot de films radiographiques numériques a une longévité de 18 mois avant son expiration. Le ministère a réitéré sa demande annuelle après un an et nous avons livré un deuxième lot de films radiographiques en décembre 2021. Il semble que le problème vienne du fait que dès qu’ils ont reçu le nouveau stock, ils l’ont distribué à tous les hôpitaux régionaux pour qu’ils l’utilisent alors que l’ancien stock, livré en mars 2020, n’était pas terminé et aurait dû avoir été utilisé en raison de sa plus courte durée de vie. Par la suite, lorsqu’ils ont réalisé qu’ils avaient mal géré les films radiographiques achetés, ils ont délibérément commencé à utiliser l’ancien stock déjà périmé. Les responsables de département de radiographie ont commencé à se plaindre et à nous parler de la formation de buées sur lesdits films et de la mauvaise qualité des images. L’enquête de notre ingénieur en chef a permis de découvrir ce qui se passait. Ce n’est pas correct», estime une source proche du fournisseur.

Commentant cette affaire, Manishwar Purmanund déclare que «les responsables de départements de radiographie des hôpitaux sont bel et bien au courant de la situation. Le souci est que le public et les patients n’en savent rien et c’est à leur détriment. Cela soulève des interrogations plus étendues. Qui a autorisé l’utilisation de ces films ? Est-ce que le ministère de la Santé suit les normes et les pratiques internationales dans les différents départements d’hôpitaux ? Combien d’autres mauvaises pratiques délibérées de ce genre existent ?»

Contactée, une source officielle au ministère de la Santé a indiqué qu’aucune plainte of- ficielle n’a été déposée par un consultant ou par un radiologue d’hôpital. «Il n’y a pas eu de lettre officielle et aucune plainte de ce type n’a été déposée par les utilisateurs des appareils de radiographie. Même si des films périmés sont utilisés, il n’y a pas de problème, selon les consultants en charge. S’il y avait eu un problème, ils l’auraient signalé.»

On nous fait également comprendre qu’une telle pratique serait courante. «Ce n’est pas quelque chose de nouveau. Cela arrive. À notre niveau, nous n’avons reçu aucune information d’un consultant responsable concernant la mauvaise qualité de l’imagerie. Donc, tant que le diagnostic des patients n’est pas compromis, ce n’est pas un problème. En outre, avec la numé- risation de tous les services, la radiologie ne fonctionnera plus de la même manière. Nous aurons un écran dans la salle de consultation où la radiographie sera faite et nous la verrons sur l’écran. Donc, ce souci va progressivement disparaître», a affirmé notre source.

Dès lors, si la digitalisation des services médicaux implique de ne plus imprimer les films radiologiques car les médecins pourront les visualiser sur un écran d’ordinateur, reste à savoir si l’utilisation de ces films radiologiques périmés par les appareils de radiologie des hôpitaux ne donnera-t-elle pas une image de mauvaise qualité sur les écrans d’ordinateurs ?