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Mixité filles garçons au collège: plutôt bienvenue

20 juin 2021, 20:30

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Mixité filles garçons au collège: plutôt bienvenue

Une nouvelle ère à laquelle des Mauriciens ont du mal à s’adapter. Dans 12 collèges d’État de l’île, des adolescents des deux sexes vont se côtoyer. Certaines personnes interrogées et qui sont contre les collèges mixtes diront à peu près toutes les mêmes choses, telles que cela entraînera une sexualité précoce et le manque de concentration chez ces jeunes.

Cependant, la sociologue et chargée de cours en sociologie et études de genre à l’université de Maurice, Ramola Ramtohul, n’est pas d’accord. «En fait, les garçons et les filles, même dans les écoles séparées actuelles, finissent toujours ensemble dans les cours particuliers. S’ils sont ensemble à l’école, cela ne devrait pas changer grand-chose et aidera probablement ceux qui sont timides à s’adapter à des amitiés avec des membres du sexe opposé ainsi qu’à un plus grand partage et des débats.»

Les collégiennes du collège John Kennedy, à Beau-Bassin, adopteront les couleurs traditionnelles de l’établissement.

En se basant sur les collèges privés et publics déjà mixtes depuis belle lurette à Maurice, Ramola Ramtohul ajoute que ces établissements sont la preuve qu’aucun problème majeur qui justifierait des écoles séparées pour garçons et filles ne s’est produit jusqu’ici.

Pour elle, c’est une bonne chose aussi car «ces jeunes ne seront pas non plus confrontés à un choc culturel ou ne se sentiront pas mal à l’aise lorsqu’ils iront à l’université, où garçons et filles sont présents dans les mêmes classes. Ainsi, une école mixte préparera mieux les jeunes aux études universitaires et à la vie de campus.»

Communication et respect

Un point de vue que partage Bryan, 26 ans, qui a fréquenté un collège privé mixte. «Je ne vois pas pourquoi certains en font tout un plat. Je peux vous dire qu’avoir fait toute ma scolarité du pré-primaire jusqu’à l’université avec des filles dans mes classes m’a rendu plus ouvert d’esprit et a forgé en moi au fil des années des communication skills pour m’entretenir avec respect avec les gens autour de moi peu importe leur sexe.»

La communication est, d’ailleurs, un point important à prendre en considération lorsqu’on parle des avantages des collèges mixtes, selon la professeure en communication et politique Roukaya Kasenally. «L’éducation mixte offre un processus d’apprentissage et de socialisation intéressant, permettant aux élèves d’être sensibles à la diversité de pensée, ouverts à la tolérance et à la différence, ce qui peut contribuer à réduire les stéréotypes. En un mot, ils deviennent plus ouverts, plus inclusifs et plus diversifiés. En matière de communication, je pense qu’il y a moins d’inhibition et la possibilité d’être plus ouvert. Cela peut encourager une culture de l’égalité et de l’équité permettant aux filles et aux garçons de valoriser des sociétés égales et justes.»

Cependant, nos interlocuteurs disent comprendre «le tabou» de certains concernant cette nouvelle ère. Bryan se rappelle d’ailleurs que même ses parents avaient des réserves lorsqu’il a eu ce collège mixte après ses examens du CPE, mais celles-ci se sont estompées très vite. «Mo paran ti krwar ki akoz mo dan lekol mixt mo pou pans zis 35 ou mo pou fer bann zafer pa bizin. Alors que de nos jours on voit très bien que si un jeune a envie d’avoir des expériences, peu importe l’école, il y a un panel d’autres manières de l’avoir», rira-t-il.

Relation sexualisée = crainte

Un tabou, qui relève en grande partie d’un problème culturel dicté par une longue tradition qui, selon la sociologue Ramola Ramtohul, est accentuée dans le cas les nouvelles académies. «Les écoles vedettes devenues académies ont une longue tradition et une réputation de centres d’excellence pour garçons ou filles. L’image de marque changera désormais au fur et à mesure qu’elles deviendront des écoles mixtes et ce sera un héritage différent. Mais c’est une question d’ajustement et de temps.»

Ce qui pourrait expliquer le tabou autour de la mixité dans les collèges, selon le psychologue clinicien Laurent Baucheron de Boissoudy, c’est la peur. «Un tabou, c’est quelque chose dont il est difficile de parler ou de penser ; donc cela entraîne la peur. La relation entre filles et garçons a longtemps été sexualisée, ce qui entraîne une crainte dorénavant.»

La sociologue suppose que la peur de certains, surtout des parents, pourrait aussi être que ces jeunes risquent d’être distraits et de ne pas être appliqués dans leurs études. «D’autant plus que ce sont des enfants considérés comme les plus brillants et qu’il y a de grandes attentes en ce qui les concerne.»

Promotion de la mixité

Toutefois, cette dernière et le psychologue affirment que ceux-ci peuvent être évités grâce à l’éducation, l’orientation et une communication de qualité entre parents, enfants et enseignants. «La mixité doit être une occasion de mettre en avant les living skills, comme on les appelle, chez les élèves. Et cela doit être accompagné par les professeurs et les parents car les filles et les garçons peuvent évoluer dans des relations d’amitié, de respect et d’entraide avec l’accompagnement psychologique d’adultes qui peuvent mettre des limites d’un point de vue éducatif», soutient Laurent Baucheron de Boissoudy.

La professeure Roukaya Kasenally ajoute que, par conséquent, les enseignants et même certains aspects du programme d’études doivent promouvoir ce principe de mixité. «Pour donner un exemple simple, les filles devraient pouvoir pratiquer le football avec les garçons et les garçons participer au cours d’économie domestique avec les filles. Cela contribue en fait à former des êtres humains plus sensibles et plus raisonnables.»

En tout cas, pour ceux qui font leur grande entrée dans ces académies, la mixité ne leur pose aucun problème. À l’instar de Sofiane P, 15 ans, qui a obtenu le collège Royal de Curepipe après trois ans dans un collège pour filles uniquement. «Personnellement, je respecte les divergences d’opinions sur la mixité dans les collèges. Mon point de vue à ce sujet est que ce nouveau mode d’éducation peut être bénéfique pour les deux sexes. Ils peuvent apprendre à briser les stéréotypes de la société. C’est également un avantage car la mixité nous prépare à la vie professionnelle, car nous devrons travailler avec des femmes et des hommes plus tard.»

Lacky, un jeune battant qui déploie ses ailes au RCC

Il n’a pas une vie facile mais il est la preuve que malgré les épreuves, la détermination change la donne. En effet, Lacky Ramdyah, 14 ans, souffre de plusieurs pathologies dues à des malformations de naissance. Il vit avec un seul rein, suit des traitements médicaux et se déplace avec une poche de colostomie, certes, mais cela ne l’a pas empêché de réussir avec brio ses examens du NCE et d’obtenir une académie : le collège Royal de Curepipe (RCC).

Pour l’adolescent, cet accomplissement est un pas de plus vers son but de réussir sa vie en dépit de la maladie. «Depuis que je suis petit, je connais les hôpitaux et je me suis toujours dit que je ne laisserai jamais mes problèmes de santé être un obstacle à mes rêves.» Lacky explique que s’instruire, lire et apprendre de nouvelles choses ont toujours été ses passe-temps favoris et un moyen pour lui d’échapper de la douleur et des préoccupations médicales.

D’ailleurs, poursuit-il, préparer ses examens du NCE a été pour lui le moyen d’oublier qu’il était sur un lit d’hôpital l’an dernier alors que ses camarades avaient repris le chemin de l’école après le confinement. «L’année dernière en fin de juin, j’ai subi une opération à la vessie et je devais garder le lit pendant un long moment pour pouvoir me rétablir. Faire mes devoirs et apprendre me faisaient oublier mon état. Je remercie d’ailleurs mes professeurs et mes amis de la SSS Quartier Militaire qui m’ont soutenu en m’envoyant les notes et en me guidant même si je n’étais pas en classe avec eux.»

Impatient de faire sa grande rentrée au RCC, Lacky pense déjà à son avenir et à tout ce qu’il veut accomplir. «Chargé de cours de physique à l’université, c’est ce que je voudrais devenir et je compte vraiment travailler dur pour y arriver. Les sciences et surtout la physique me passionnent et j’ai l’ambition de pouvoir grandir dans cette filière.»

Toutefois, Lacky a une toute petite inquiétude à laquelle il espère trouver une solution. Habitant Belvédère, à Lallmatie, le voyage en bus jusqu’à Curepipe lui sera très difficile, voire impossible, vu son état de santé et la poche de colostomie qu’il doit porter. «Mes parents n’ont pas de voiture et les moyens de me payer un taxi tous les jours non plus. J’espère vraiment que je trouverai un moyen de co-voiturage ou autre pour aller à l’école et rentrer chez moi.»

Rentrée 2021-2022 : La demande pour des leçons particulières prend l’ascenseur

Même si les taux de réussite aux derniers examens du PSAC et du NCE sont de 73,91 % et 71,6 % respectivement pour la cuvée 2020-21, le fait que plusieurs autres classes n’ont pas pu avoir d’examens au primaire comme au secondaire, à cause du Covid-19, certains parents s’inquiètent énormément. Ils se tournent donc vers les leçons particulières.

Selon trois enseignants à qui nous avons parlé, la demande pour les leçons particulières augmente drastiquement. Jena révèle qu’elle a déjà des réservations et même des élèves avec qui elle a déjà commencé à travailler à la demande des parents. «Les parents sont stressés. Avec les confinements, la pandémie et le renvoi de la rentrée, ils voient que le niveau académique de leurs enfants baisse et cela les inquiète.» L’enseignante révèle que pour la première fois, elle a même eu des réservations pour des leçons à des enfants des grades 2 et 3.

Au secondaire également, deux professeurs de langues et mathématiques respectivement ont déjà eu des réservations pour les leçons particulières. «Le quota d’élèves que je prends pour donner des leçons est déjà atteint pour les grades 8, 9, 11 et 12 alors que ce n’est même pas encore la rentrée», explique le professeur d’anglais. La baisse de niveau, le next-step without exams, les changements au niveau éducatif, entre autres, ont créé une véritable psychose chez les élèves et les parents.

Selon lui, si la demande a augmenté, c’est parce que certains parents ont l’impression qu’ils ne peuvent plus compter sur le système éducatif. Un point que partage Sabrina, prof de mathématiques au collège. «Les parents doutent du système et les élèves doutent d’eux-mêmes car avec tous ces changements ils ont du mal à se retrouver. Sans compter que beaucoup d’élèves ont pris énormément de retard avec les cours en ligne surtout pour les mathématiques. Car c’est un sujet qui demande de la pratique et un face-à-face avec le professeur surtout pour les slow learners.»