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Séisme au large de Maurice: pas de quoi trembler

16 mai 2021, 14:00

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Séisme au large de Maurice: pas de quoi trembler

Mercredi 12 mai, vers 18 heures, des secousses sismiques ont été enregistrées au large de Maurice – Réunion, comme le rapporte le site de l’United States Geological Survey (USGS). L’épicentre du séisme, d’une magnitude de 6.7 sur l’échelle de Richter qui en compte 10, était situé à 10 km de profondeur. Si les secousses sismiques sont fréquentes dans la région, c’est la plus forte magnitude jamais enregistrée jusqu’ici. 

Qu’est-ce qui provoque des secousses sismiques dans la région ? «Ce séisme a été localisé sur la dorsale centrale indienne. C’est une zone de divergence des plaques océaniques qui génère régulièrement des séismes», explique Valérie Ferrazzini, sismologue de l’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise, Institut de physique du Globe de Paris. 

L’océanographe, Vassen Kauppaymuthoo, parle lui d’accumulation d’énergie dans la lithosphère. «Rodrigues se trouve à quelques centaines de kilomètres de la dorsale médiocre océanique de l’océan Indien et de la jonction triple, point où trois plaques océaniques s’affrontent. Cette dorsale est très active et provoque des accumulations et des libérations d’énergie qui causent des tremblements de terre.» 

Prem Saddul, géomorphologue, abonde dans le même sens. Il explique que l’île Maurice se trouve au milieu de la plaque somalienne, assez loin de la Triple Jonction, qui relie les plaques indo-australienne, africaine et antarctique alors que l’île Rodrigues en est proche. Ce sont des plaques divergentes. «Lorsque les plaques divergent, il y a des montées magmatiques qui forment des chaînes de montagnes sous-marines. Ce sont ces montées qui génèrent ces secousses qu’on ressent dans la région de Rodrigues. Avant une éruption imminente du Piton de la Fournaise à La Réunion, il y a un ‘tremblement magmatique’.» 

«Rodrigues étant plus proche de la Triple Jonction, on dénombre 12-14 secousses chaque année à l’est de l’île, d’une magnitude de 3.5- 5 sur l’échelle de Richter», explique le géomorphologue. Selon lui, une magnitude de 6.7 est assez conséquente mais reste toujours modérée. 

Secousses atténuées par le magma 

Prem Saddul, qui a entrepris des études sur le volcanisme et mouvements des plaques tectoniques dans notre région, souligne qu’avec les montées magmatiques, les secousses sont atténuées car le magma absorbe les chocs. Raison pour laquelle Maurice ne sera pas affecté par des tremblements de terre. «Nous sommes toujours au niveau des secousses. Les plaques divergentes ne provoquent pas de tremblements de terre comme c’est le cas au long des plaques convergentes comme dans la région de l’Indonésie. Ce n’est pas un phénomène rare.» 

D’ajouter que lorsqu’il était le chairman du Mauritius Oceanographic Institute (MOI), il avait instauré un comité réunissant l’organisme, le ministère de l’Environnement et la météo afin d’installer des sismographes à Agalega, Maurice et Rodrigues, pour capter les ondes des secousses dans la région. «Avec La Réunion qui a déjà des sismographes, nous faisions un networking avec les îles de l’océan Indien.» 

Le géomorphologue affirme que la plaque somalienne bouge vers l’ouest à une vitesse de 4 cm par an et qu’il y a un point chaud juste en-dessous du volcan actif de La Fournaise alors qu’avant, il se trouvait sous le Piton des Neiges. «Si La Réunion et Maurice bougent vers l’ouest à une vitesse de 3 à 4 cm par an, le point chaud sera à l’est de La Fournaise. Du coup, une île va émerger. Quand elle va émerger, elle va créer des secousses…»

Très peu de risque de tsunami

Avec une magnitude 6,7, Maurice sommes-nous à l’abri d’un tsunami ? Prem Saddul affirme que les tsunamis sont générés par des tremblements de terre sous la croûte sous-marine, près des bordures des plaques convergentes. «Un tsunami est provoqué par une rupture abrupte de la croûte terrestre. Comme la plaque divergente a des fêlures ou des fissures, elle émet que des petites ondes de choc qui ne peuvent générer des tsunamis.» 

Néanmoins, il estime qu’une magnitude de 6.7 est toujours inquiétante, d’où le besoin de mettre en place un réseau pour surveiller tout mouvement tectonique dans les parages. 

La sismologue Valérie Ferrazzini abonde dans le même sens. Selon elle, le déclenchement d’un tsunami dépend de plusieurs facteurs dont le mécanisme à la source du séisme et sa magnitude. Elle estime que dans le cas d’une dorsale, il est très peu probable d’avoir un mécanisme capable de générer un tsunami, (le déplacement du sol est principalement sur le plan horizontal). «De plus, on estime qu’un séisme peut déclencher un tsunami s’il est d’une magnitude supérieure à 7. Il faut réaliser qu’un séisme de magnitude 7 est 30 fois plus énergétique qu’un séisme de magnitude 6 et les magnitudes 7 sont rares sur les dorsales. Il y a donc très peu de risque de tsunami pour l’île Maurice. Pour observer un tsunami, il faudrait que le séisme ait lieu en Indonésie et le tsunami serait de faible amplitude.» 

Mais l’océanographe Vassen Kauppaymuthoo a une opinion divergente. Il estime qu’aucune île de l’océan Indien n’est à l’abri d’un tsunami causé par un tremblement de terre régional ou plus distant. «Effectivement, un tremblement de terre de cette magnitude peut causer des glissements sous-marins qui peuvent causer des tsunamis.»

Cinq activités sismiques dans la région de Maurice entre 1786 et 1925

Selon les documents historiques du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), cinq activités sismiques ont été ressenties dans la région de Maurice, entre 1786 et 1925. Leur emplacement n’est pas connu en raison du manque de sismomètres dans la région. 

Selon l’USGS, la région océanique du sud-ouest de l’Inde a montré une sismicité en général, principalement concentrée autour de Mayotte, Madagascar et à l’ouest, le long de la Mid-Indian Ocean Ridge. 

Le 27 février 2018, des activités sismiques, d’une magnitude de 4,1 ont été enregistrées à environ 100 km au sud-ouest du Morne. Le 12 novembre 2019 à 20h02, un séisme d’une magnitude de 4.8, à 216 km, à l’est de Bois-des- Amourettes a été noté. 

Selon Prem Saddul, ces deux séismes sont situés à proximité d’une faille fossile longeant la côte est de Maurice, du nord-est au sud-ouest. «La faille fossile pourrait représenter un système à verrouillage sismique qui a commencé à libérer de l’énergie sous la forme de tremblements de terre», fait ressortir le géomorphologue. 

Si Maurice, Agalega et Rodrigues sont dotés de stations sismiques, Montanger et al. (2–8 April 2012), dans un document intitulé «Rapport du comité d’expertise des risques sismiques et tsunamiques à l’île Maurice et l’île Rodrigues» et soumis au bureau du Premier ministre, avait émis des recommandations pour que St.-Brandon soit également doté d’une station sismique pour aider à identifier des caractéristiques tectoniques actives actuellement sismiques et des zones faibles. 

Le 21 septembre 2020, un séisme de magnitude 4, 4 sur l’échelle de Richter s’est produit à environ 22 km au nord-ouest de St.-Denis, à La Réunion, et à environ 200 km à l’ouest-sud-ouest de Port-Louis. Ce qui avait fait trembler les Mauriciens... La profondeur du séisme était pourtant d’environ 27 km...