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Port-Louis: la protection du patrimoine tient quatre chantiers publics en suspens

22 avril 2021, 07:20

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Port-Louis: la protection du patrimoine tient quatre chantiers publics en suspens

Pour que le métro puisse arriver à la gare de l’Immigration ou que la section boucherie du marché de Port-Louis soit rénovée, il faut le feu vert de l’UNESCO. Une étude de l’impact patrimonial et visuel de ces projets de développement est en cours.

Il y a du mouvement à l’entrée nord de Port-Louis. Quatre grands chantiers de l’État sont actuellement sous la loupe des experts du patrimoine. Parmi : l’Urban Terminal Immigration Square avec sa gare de métro, la rénovation de la partie boucherie et poissonnerie du marché de Port-Louis et le musée intercontinental de l’esclavage, dans l’ex-hôpital militaire. 

Point commun de tous ces projets : ils se trouvent au coeur de la zone tampon de l’Aapravasi Ghat, classé patrimoine mondial depuis 2006. Depuis cette date, tout développement dans la zone tampon doit impérativement être validé par des garants du patrimoine, en ligne avec les règlements de l’UNESCO. Exemple : pour que le métro arrive jusqu’à la gare de l’Immigration, il faut d’abord le feu vert de l’UNESCO. 

Tous les plans et documents concernant les projets de l’État dans cette partie de Port-Louis sont donc en phase d’évaluation par le consultant recruté par le ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Une source au sein du ministère confirme que ce sont les services d’Eco Africa, un cabinet sud-africain de consultants en patrimoine durable, qui ont été retenus pour réaliser le rapport Overarching Heritage Impact Assessment (HIA) – Visual Impact Assessment (VIA). 

«Overarching», pour signifier qu’il s’agit d’un rapport global pour l’ensemble de la zone tampon de l’Aapravasi Ghat. Le State of Conservation report de l’Aapravasi Ghat, daté de décembre mentionne aussi d’autres projets dans la zone. Dont ceux de Landscope (Mauritius) dans le Grenier et son idée de «public walkway» ou encore la phase 2 du Beekrumsing Ramlallah Interpretation Centre.

 

 

Craintes : une «Deuxième couche» de contrôles

<p>Même des défenseurs du patrimoine ne voient pas forcément d&rsquo;un bon oeil l&rsquo;étude HIA-VIA en cours. Une source explique que la zone est déjà régie par le <em>Planning Policy Guidance </em>6. Document selon lequel les constructions dans la zone ne peuvent dépasser le rez-de-chaussée et deux étages, ou encore qui stipule que l&rsquo;étage doit être en retrait de plusieurs mètres par rapport à la façade du bâtiment. D&rsquo;aucuns estiment que le rapport HIA-VIA <em>&laquo;va produire une deuxième couche de recommandations qui va s&rsquo;ajouter à l&rsquo;arsenal incroyable qui existe déjà&raquo;</em>. Ainsi, <em>&laquo;trop de contrôle&raquo; </em>serait contre-productif, dans une zone dont l&rsquo;état d&rsquo;une majorité de bâtiments est loin d&rsquo;être reluisant. <em>&laquo;C&rsquo;est un troupeau d&rsquo;éléphants pour tuer deux fourmis&raquo;</em>, ironise une source. Ajoutant que les règlements existants <em>&laquo;disent ce qu&rsquo;il ne faut pas faire, mais ils ne disent pas ce qu&rsquo;il faut faire. Dans le doute, ceux chargés d&rsquo;appliquer ces règlements s&rsquo;abstiennent et on ne fait rien&raquo;. </em>Eco Africa, le consultant devant réaliser le rapport HIA-VIA a été retenu avant le confinement. Il a 120 jours pour s&rsquo;exécuter. Une fois son rapport prêt, il sera soumis à l&rsquo;UNESCO pour enfin obtenir le feu vert permettant de lancer les travaux à Maurice.</p>

 

 

Boucherie du marché de Port-Louis: une rénovation en souffrance

<p>La partie boucherie et poissonnerie du marché de Port-Louis est en état de délabrement. Marchands et clients sont unanimes à le déplorer. Mais pour la rénover, il faut d&rsquo;abord obtenir le feu vert de l&rsquo;UNESCO et des garants du patrimoine. L&rsquo;édifice étant dans la zone tampon de l&rsquo;Aapravasi Ghat. Plusieurs lords-maires se sont succédé avec pour projet la rénovation de cette partie du marché. En 2019, le coût de la rénovation était à Rs 90 millions. Mais elle ne s&rsquo;est pas encore concrétisée, faute de l&rsquo;aval des responsables du patrimoine. Cette rénovation fait maintenant partie de l&rsquo;étude HIA-VIA en cours.&nbsp;</p>

<p>Mahfooz Moussa Cadersaib, lord-maire confirme qu&rsquo;une première réunion a eu lieu entre la mairie et le consultant engagé par le ministère des Arts et du Patrimoine culturel. <em>&laquo;C&rsquo;était avant le confinement. En ce moment, il y a des réunions par visioconférence.&raquo; </em>Si lors des années précédentes, la mairie voyait les choses en grand, envisageant même la construction d&rsquo;étages, aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est une maquette de la section boucherie rehaussée d&rsquo;une mezzanine qui est à l&rsquo;étude. <em>&laquo;Nous nous alignerons sur les recommandations du consultant.&raquo;</em></p>

 

 

Musée de l’esclavage: la première phase de rénovation s’achève

<p>Jean Maxy Simonet, président de l&rsquo;<em>Intercontinental Slavery Museum Mauritius Ltd</em>, confirme avoir eu, cette semaine, une réunion de travail virtuel dans le cadre de la réalisation du rapport HIA-VIA. Le musée intercontinental de l&rsquo;esclavage est concerné parce qu&rsquo;il se trouve dans l&rsquo;ex-hôpital militaire, situé à une trentaine de mètres de l&rsquo;Aapravasi Ghat.&nbsp;</p>

<p>La première partie de la rénovation mineure du bâtiment &ndash; sans altération de la structure &ndash; <em>&laquo;devait finir en mars&raquo;. </em>Mais le confinement décrété depuis le 9 mars a retardé ce chantier. <em>&laquo;La fin des travaux est prévue pour mai 2021.&raquo;&nbsp;</em></p>

<p>Suivra l&rsquo;étape de l&rsquo;aménagement du musée et la constitution de la collection d&rsquo;objets. &laquo;<em>Nous aurons besoin d&rsquo;expertise étrangère pour cela. Il faudra mettre en place un mécanisme pour identifier des objets et documents à Maurice et ailleurs et une politique pour en faire l&rsquo;acquisition, notamment auprès de pays amis&raquo;</em>, indique Jean Maxy Simonet. Avec en ligne de mire l&rsquo;organisation d&rsquo;une exposition sur l&rsquo;histoire de l&rsquo;hôpital militaire, <em>&laquo;pour inaugurer la partie qui a été rénovée&raquo;.</em></p>

<p>En parallèle, il y a aussi les retombées de l&rsquo;exercice de consultation publique autour du musée, qui s&rsquo;est achevé en janvier 2020. <em>&laquo;L&rsquo;exposition comprendra aussi les conclusions de la consultation publique, possiblement au mois d&rsquo;août.&raquo;</em></p>

 

 

Aapravasi Ghat: zone tampon, zone en perdition

<p>Que protège exactement la zone tampon de l&rsquo;Aapravasi Ghat ? Il s&rsquo;agit d&rsquo;une vaste zone de protection qui comprend une partie de Chinatown, de la rue Sun Yat Sen (ex-Arsenal) à la rue Duke of Edinburgh, en passant par les rues Emmanuel Anquetil, Joseph Rivière, Corderie, sir William Newton. La zone tampon s&rsquo;étend jusque dans le port.&nbsp;</p>

<p>En août 2019, des propriétaires de terrains de Chinatown avaient vivement exprimé leur rasle- bol, estimant que les règles de protection du patrimoine <em>&laquo;bloquent&raquo;</em> leurs projets de développement. C&rsquo;est l&rsquo;un des aspects préoccupants de cette zone tampon : elle comprend un grand nombre de bâtiments dans des degrés divers de délabrement ou carrément abandonnés. Quand ils ne sont pas démolis et transformés en parkings payants.&nbsp;</p>

<p>Une étude détaillée de l&rsquo;état de la zone tampon a été réalisée par l&rsquo;une des parties prenantes des projets de développement. Cela à partir des documents rendus publics par l&rsquo;Aapravasi Ghat. Les conclusions sont effarantes.&nbsp;</p>

<p>Point de départ de l&rsquo;étude : l&rsquo;inscription de l&rsquo;Aapravasi Ghat sur la liste du patrimoine mondial en 2006, ce qui fait 15 ans. L&rsquo;étude estime qu&rsquo;en 15 ans, <em>&laquo;27 % des bâtiments dans la zone&raquo; </em>ont été démolis, transformés en parkings ou sont en décrépitude.&nbsp;</p>

<p>Dans la zone tampon, les bâtiments sont classés selon leur valeur patrimoniale. L&rsquo;étude montre que <em>&laquo;51 % des bâtiments n&rsquo;ont pas de grade&raquo;</em>, donc pas valeur de patrimoine. Ce qui représente <em>&laquo;78 % en termes de superficie de terrain qui n&rsquo;a pas de grade ou qui est en décrépitude&raquo;.</em> L&rsquo;étude montre qu&rsquo;avec cinq projets qui ne peuvent aller de l&rsquo;avant avant l&rsquo;aval de l&rsquo;UNESCO, c&rsquo;est <em>&laquo;Rs 10 milliards d&rsquo;investissements qui sont en attente&raquo;</em>. L&rsquo;étude estime aussi qu&rsquo;en 15 ans, ce sont <em>&laquo;Rs 365 millions&raquo;</em> qui ont été dépensées pour ce patrimoine. Alors que le site reste largement méconnu des Mauriciens, <em>&laquo;deux Mauriciens sur trois ne l&rsquo;ont jamais visité. L&rsquo;Aapravasi Ghat reçoit 26 000 visiteurs par an dont la moitié est des écoliers. Et seulement 2 % de touristes ont visité le site&raquo;.&nbsp;</em></p>