Publicité

Surveillance des réseaux sociaux par l’ICTA: la colère tisse sa toile

19 avril 2021, 21:31

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Surveillance des réseaux sociaux par l’ICTA: la colère tisse sa toile

La colère des internautes se propage sur la Toile depuis que l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) a circulé son «consultation paper» qui s’intitule «Proposed amendments to the ICT Act for regulating the use and addressing the abuse and misuse of Social Media in Mauritius». 

Un sentiment généré non seulement par le contenu du document mais également par le court délai de deux semaines (jusqu’au 5 mai en fait) accordé aux Mauriciens pour formuler des propositions pour ou contre le projet de l’ICTA, visant à surveiller les réseaux sociaux. Sont concernées les plateformes telles que Facebook, Instagram, Twitter, WhatsApp, Snapchat entre autres. 

C’est surtout l’article 11.1 du projet qui dérange. Ce paragraphe précise que tout le trafic sur les réseaux sociaux ne sera plus crypté et les protocoles «https» et TLS qui le cryptent ne vont plus s’appliquer sur le trafic entrant et sortant de Maurice. Selon plusieurs experts, le trafic sur les réseaux sociaux sera redirigé vers un filtre composé d’un logiciel qui scannera les contenus à partir d’un serveur proxy. Le filtre devrait aussi permettre d’archiver certains contenus qui pourraient être bloqués ultérieurement ou conservés comme preuve en cas de plainte à la police. 

Également prévu, tous les appareils devront installer un certificat digital pour pouvoir permettre l’identification de leur adresse IP et par conséquent leur utilisateur. Le logiciel filtrant pourrait également analyser les contenus. Cependant, selon des spécialistes, les internautes pourraient contourner ce filtre en utilisant un VPN (Virtual Proxy Network). 

Mais pourquoi cette démarche des autorités ? Pour Me Ashok Radakissoon, ancien directeur et chairman de l’ICTA et de l’IBA, ce document présenté par l’organisme régulateur n’est qu’au stade de consultation. «Cependant, ce projet de consultation, dit-il, pourrait déboucher éventuellement sur un projet de loi en vue de réglementer l’utilisation des réseaux sociaux. Ce n’est pas à cause de certains dérapages que l’on devrait tomber dans une autre extrême, à savoir une dérive de contrôle des échanges.» 
Il explique que «l’intention du projet est de renforcer l’arsenal légal et doter l’ICTA de pouvoirs d’investigation. Il y aura deux instances qui agiront comme des gendarmes du trafic Internet car ce n’est pas évident d’aller vers les compagnies qui opèrent ces réseaux sociaux comme Facebook pour leur demander d’enlever des publications qui pourraient être en créole, une langue qu’ils ne comprennent pas», a fait ressortir Me Ashok Radakissoon. L’avocat se pose aussi des questions quant au comité «indépendant» qui serait mis sur pied et qui jugerait les contenus des échanges. «Je me demande comment ces membres seront nommés. Et comment réconcilier ce contrôle avec l’article 12 de la constitution qui garantit la liberté d’expression.» 
Shakeel Mohamed, avocat et député de l’opposition, a réagi en direct sur Facebook à propos de ces propositions de l’ICTA. Il s’indigne que les communications via les réseaux sociaux risquent de n’être plus sécurisées et qu’il n’y ait aucune garantie que la vie privée soit respectée. «Les applications et autres plateformes qui utilisent le protocole TLS, soit des modules cryptés, pourraient être interceptées par l’ICTA. Ensuite ils vont mettre sur pied un comité avec ceux choisis par le gouvernement pour décider si tel contenu est acceptable ou non et dans l’affirmative, les enlever.» 

Shakeel Mohamed exhorte les Mauriciens à prendre position en envoyant leurs commentaires. L’express a contacté le chairman de l’ICTA, Dick Ng Sui Wa, pour une explication, mais ce dernier a indiqué qu’il reviendra vers nous plus tard. Entre-temps la résistance s’organise avec une pétition sur le site change.org qui s’intitule : Reject the Proposed Amendments to the ICT Act dated 14/04/2021. A 21 heures en ce lundi 19 avril, la pétition avait déjà recueilli plus de 15 000 signatures, l’objectif étant désormais d’en atteindre 25 000, voire plus.

De son côté, l’ICTA a émis un communiqué en ce lundi 19 avril, faisant état de «rampant fake news propagated by ill-intentioned persons on the web». Et que «online messaging applications are not concerned».

Proposed amendments to the ... by L'express Maurice