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Couloir aérien Asie-Afrique: deux ans après, quel bilan?

10 juillet 2018, 02:30

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Couloir aérien Asie-Afrique: deux ans après, quel bilan?

Il y a deux ans, le couloir aérien entre l’Asie et l’Afrique entrait en opération. A-t-il eu un effet positif ? Les avis divergent.

 

Prem Sewpaul, responsable de communication chez Air Mauritius (MK), affiche la satisfaction. «L’Air Corridor se porte bien.» MK, dit-il, opère un quatrième vol vers Singapour. «Nous sommes en train de considérer un cinquième vol à moyen terme.»

Georges Chung, Senior Adviser au Prime Minister’s Office (PMO), est également optimiste. Selon lui, parmi les 300 millions de touristes provenant de l’Asie chaque année, 65 millions passent par Singapour. Et Changi Airport prévoit un trafic de 100 millions en 2030. «Il y a un vol quotidien entre Singapour et l’Afrique du Sud. Plus d’une vingtaine de vols directs entre l’Asie et l’Afrique du Sud. L’idée est de capturer une petite part de marché de Singapour vers l’Afrique. D’où cet accord avec Changi, utilisant nos aéroports comme hub.»

 

<p paraeid="{2e5351b7-1070-4e2b-8aef-63f1f7eb8804}{76}" paraid="131547010">&laquo;Les&nbsp;Chinois&nbsp;ont&nbsp;dans&nbsp;leur&nbsp;radar&nbsp;l&rsquo;Afrique&nbsp;comme&nbsp;partenaire&nbsp;économique.&nbsp;L&rsquo;Air&nbsp;Corridor&nbsp;est&nbsp;un travail à court et long&nbsp;termes.&nbsp;Dans&nbsp;le court&nbsp;terme, on a déjà des&nbsp;résultats&nbsp;encourageants.&raquo;&nbsp;</p>

 

Au moment de l’accord en 2016, il y avait très peu de trafic direct entre les deux pays car MK assurait trois vols entre Kuala Lumpur et Maurice, dont un seul faisait escale à Singapour. Il a fallu assurer la promotion, notamment en Indonésie, au Vietnam, en Chine, afin d’encourager les passagers qui utilisent Singapour à voir en Maurice une destination finale ou un aéroport intermédiaire pour aller vers l’Afrique.

Concernant l’Afrique, Georges Chung concède que MK a dû supprimer une desserte par manque de volume. «Tout l’effort doit être concentré sur la partie africaine. Le continent est très pauvre. Maurice doit se positionner pour capturer le marché grandissant qui commence par l’Afrique et qui porte vers l’Asie.»

La Chine offre le plus grand nombre de touristes. Il faut réussir à se tailler une petite part de ce gros marché. «Les Chinois ont dans leur radar l’Afrique comme partenaire économique. L’Air Corridor est un travail à court et long termes. Dans le court terme, on a déjà des résultats encourageants. Soit plus de 25 000 nouveaux voyageurs en deux ans entre Singapour et Maurice. (…)»

«L’Air Corridor est une absurdité totale, dès le début. Cela n’existe pas dans le monde de l’aviation civile commerciale.» 

Prem Sewpaul explique, quant à lui, que la stratégie africaine de la compagnie aérienne est en cours. MK renforce ses opérations en Afrique du Sud avec South African Airways. Après le protocole d’accord signé avec Kenya Airways en décembre 2017, il y a sept vols sur Nairobi par semaine et un bon nombre de destinations connectées avec l’Est et le Sud de l’Afrique, via Nairobi.

Par contre, des professionnels de l’aviation ont un avis divergent du couloir aérien. «L’Air Corridor est une absurdité totale, dès le début. Cela n’existe pas dans le monde de l’aviation civile commerciale.» Selon un professionnel, ce concept est une «trouvaille» d’un des Senior Advisers au PMO, lorsque d’autres parlaient d’un «corridor financier» entre les centres financiers internationaux de Singapour et Maurice.

En outre, Singapore Airlines elle-même était consciente qu’il n’y avait pas de marché potentiel qui méritait d’être exploité. «Singapore Airlines opère déjà des vols quotidiens par de gros porteurs entre Singapour et Johannesbourg, outre les trois vols à Cape Town. Pourquoi le trafic devrait-il transiter par Maurice ? Personne ne veut s’arrêter en cours de route. Quand vous pouvez voyager, vous ne payez pas pour vous arrêter deux fois et passer 30 heures sur une destination de 8/9 heures.»

«Il nous faut davantage d’offres touristiques pour inciter les Asiatiques et les Africains à faire escale. Le corridor en aurait été le premier bénéficiaire.» 

Par ailleurs, la destination Guangzhou était qualifiée de «grand succès» lors de son lancement par MK mais depuis, Air Austral et Air Madagascar ont repris cette desserte. «Les deux exploitent mieux le marché. La demande pour voyager dans la région depuis l’Asie reste négligeable. Donc, il ne nous reste que des Mauriciens qui voyagent vers l’Asie. Ce qui est peu, si on enlève les marchands ambulants. La priorité de MK n’était pas de faire voyager les Mauriciens comme touristes mais d’emmener des touristes à Maurice pour dépenser leur argent afin de stimuler l’économie nationale.»

Le professionnel est catégorique, l’axe Asie-Afrique, via Maurice, ne pourra pas marcher et constitue plutôt un détournement coûteux de l’activité principale de MK.

Produits touristique

Sen Ramsamy, directeur général de Tourism Business Intelligence et ancien directeur de la Mauritius Tourism Promotion Authority, est également critique. «La croissance du trafic passager entre l’Asie et l’Afrique via Maurice n’est pas extraordinaire, sinon une croissance tendancière. Mais un marché asiatique bien desservi prendra du temps pour trouver la nécessité de transiter par Maurice. Il nous faut davantage d’offres touristiques pour inciter les Asiatiques et les Africains à faire escale. Le corridor en aurait été le premier bénéficiaire.»

Selon lui, ce ne sont pas les idées nouvelles qui manquent. Mais il faut une vision et un peu d’audace dans le développement du tourisme au-delà du traditionnel produit soleil-mer-plage. «Il n’y a pas beaucoup de raisons pour les Asiatiques et les Africains de venir à Maurice avec un produit touristique qui demeure principalement eurocentré.»

Quid de la stratégie africaine ? Sen Ramsamy estime que MK est obligée de revoir sa stratégie de temps en temps en fonction de la profitabilité ou des pertes sur certaines routes. Elle doit analyser en profondeur la tendance des marchés par rapport à ses prévisions et faire des réajustements. «C’est un secteur dynamique et la concurrence est dure. Si les lignes aériennes low-cost sont des ‘success stories’ dans les pays à haut revenu, comme en Europe, en Asie et au Moyen-Orient, je ne vois pas pourquoi elles ne pourraient pas réussir en Afrique et dans les îles Vanille. Dans un rayon de cinq à sept heures de vol de Maurice, on toucherait plus d’un milliard d’habitants.»

Pour lui, si l’offre mauricienne était plus attirante pour les voyageurs d’Afrique et d’Asie, les lignes aériennes de ces deux régions se bousculeraient pour y avoir le droit d’atterrissage.