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Suboxone : désintoxication vouée à l’échec sauf si…

28 mai 2016, 19:00

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Suboxone : désintoxication vouée à l’échec sauf si…

Plusieurs usagers de drogue ont été référés à l’hôpital de Mahébourg pour une désintoxication. Pourtant, le programme proposé, un traitement au suboxone, serait une faillite. Pour cause : il y a un manque de soutien psychologique et de suivi médical.

Depuis janvier, le ministère de la Santé a lancé son programme de désintoxication mariant suboxone et naltrexone dans une aile de l’hôpital de Mahébourg pouvant accommoder dix patients. Fonctionne-t-il? Mike* l’a essayé, mais les effets secondaires l’ont obligé à le stopper. Sans un soutien psychologique sérieux, il estime que ce programme sera une faillite.

Cet homme de 35 ans est clean, il n’a pas fumé d’héroïne depuis un mois et demi. Enseignant dans une école privée qui a fermé ses portes, il a une histoire d’addiction longue de cinq ans. Lui qui se disait à 200 % contre la drogue succombe à la tentation lorsque son ami, qui a fumé de l’héroïne la veille, partage avec lui les sensations ressenties.

Pour mieux ferrer les clients, pendant les premières semaines, le dealer leur en fait cadeau. «L’addiction est venue sans que je m’en rende compte», raconte-t-il. Tout son salaire y passe et il se retrouve à emprunter de fortes sommes d’argent à ses parents. Finalement las de cette vie, Mike décide de faire appel à sa seule volonté pour se sevrer. Même s’il souffre le martyr en raison du manque, il arrive à s’en sortir. Il ne touche plus à l’héroïne pendant deux ans.

La fermeture de l’école où il travaillait le fait rechuter. «La pression et la facilité à disposer de l’héroïne m’ont fait recommencer.» Ne pouvant plus supporter de voir sa femme et ses parents souffrir et être sur le qui-vive d’une éventuelle descente de la police, il décide de s’inscrire à un centre de détoxication à la codéine. C’est à peine si cette substance, dispensée pendant trois mois, parvient à atténuer ses symptômes de manque. Il passe alors par une ONG afin d’accéder au programme officiel de détoxication par suboxone et naltrexone.

La consigne est que tout usager de drogue arrive à l’hôpital de Mahébourg en état de manque. Pendant quatre jours, on leur administre des comprimés de buprénorphine, nom scientifique du Subutex, qui est une opiacée. «Après une demiheure, c’est l’accalmie de tous les symptômes de manque. On ne pense plus à la drogue alors qu’avant, dès qu’on ouvrait les yeux le matin, la première pensée était pour celle-ci

Symptomes décuplés

D’après ce que lui disent les médecins de l’hôpital, cela prend quatre jours pour que l’héroïne soit éliminée de l’organisme. Pendant les six jours suivants, on ne lui donne aucun traitement. L’envie de la drogue le reprend alors. Les médecins et infirmiers lui expliquent ce qui se passe dans son corps avant qu’on ne lui administre deux injections de naloxone, petites doses de naltrexone, médicament stoppant les overdoses et calmant les symptômes de manque. Ces injections permettent au médecin d’évaluer, par prise de tension artérielle et examen des pupilles, si le malade est encore en manque.

Le résultat de Mike est trompeur. Son organisme n’a pas totalement éliminé l’héroïne, si bien que lorsqu’on lui administre des comprimés de naltrexone en fortes doses dans l’après-midi, les symptômes de manque reprennent et sont même décuplés. Et durant la semaine qui suit, le même phénomène se produit. À tel point que le médecin doit discontinuer le traitement qui devrait logiquement être de six mois.

«Quatre jours après avoir arrêté la prise de naltrexone, j’allais mieux. Mais l’envie d’héroïne était présente. Mon corps n’en réclamait pas, mais mon esprit si. Cela m’a pris deux à trois semaines pour que ce pic d’envie retombe. Je n’ai pas rechuté car j’ai vu ma famille recommencer à sourire et à dormir à poings fermés. Au final, je peux dire que le traitement a marché oui, mais ce sont les effets secondaires, propres à tout médicament, qui m’ont fait le stopper. Suis-je tiré d’affaire ? Je l’ignore car des gens qui ont arrêté pendant 20 ans s’y sont remis. Le traitement peut stopper l’envie physique mais aucun médecin, ni traitement, ne pourra faire passer l’envie dans la tête.»

C’est pour cela que Mike est persuadé que ce traitement, qui sèvre le manque physique, doit absolument s’accompagner d’un soutien psychologique sérieux et de tests d’urine réguliers pour vérifier que les malades sont clean. «Autrement, ce traitement est voué à l’échec. La force de ma volonté a fonctionné mais cela ne veut pas dire qu’il en sera de même pour les autres.»

Cindy Trevedy, travailleuse sociale chez A.I.L.E.S, ONG accréditée pour référer les usagers vers le centre de détoxication à Mahébourg, abonde dans le même sens. Mais elle précise que ce traitement de suboxone et de naltrexone n’est pas administré aux usagers de drogue injectable souffrant d’hépatite C, car ces deux médicaments détérioreraient davantage l’état de leur foie. Il n’est pas recommandé non plus aux femmes enceintes.

«Le ministère de la Santé n’a toujours pas dit combien d’usagers ayant suivi ce traitement ont réussi à s’en tirer. Mais ce que nous savons, c’est que tous les usagers référés à l’hôpital de Mahébourg par les ONG ont rechuté. Sans soutien psychologique et un bon suivi médical, ce traitement ne fonctionnera pas. On risque d’avoir une résurgence duVIH/SIDA

* prénom modifié