Publicité

Violence dans les collèges: les «caïds» des cours de récré

23 mai 2015, 21:35

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Violence dans les collèges: les «caïds» des cours de récré

Vol de nourriture, extorsion d’argent, chantage, intimidation… Nombre de collégiens prennent un malin plaisir à terroriser leurs congénères. L’on retiendra la récente vidéo diffusée sur Facebook et dans laquelle une élève se fait tabasser par des camarades de classe. Et ce n’est que le sommet de l’iceberg, indique-t-on dans les milieux concernés. Les cas de brimade se multiplient dans les établissements de l’île. L’express a fait le tour de la question.

 

«Les cas les plus récurrents concernent des élèves qui exigent que d’autres, qui sont plus jeunes qu’eux, leur remettent leur nourriture de même que leur argent de poche», explique Ally Yearoo, président de l’Education Officers Union. Dans de nombreux établissements, ajoute-t-il, des collégiens issus des Upper Secondary Classes veulent à tout prix régner en maîtres.

 

«Si mo pa fer sa, zot bat mwa»

 

Ce problème concerne-t-il uniquement les collèges connus pour être difficiles ? Non, affirme Ally Yearoo. «Il est faux de dire que ce genre d’incidents n’est rapporté que dans ces établissements. Le problème existe partout, même dans les Star Colleges.»

 

Comme le raconte cet élève de Form II dans un collège d’État de la capitale. Il relate comment il a été contraint de danser le séga pour le bon plaisir de ses camarades de classe. «Zot dir mwa santé dansé tou mo mem. Si mo pa fer sa, zot bat mwa.» Il ajoute que cela s’est passé il y a un an et confie qu’il lui arrive encore aujourd’hui de repenser à cet incident avec le sourire. Car, dit-il, à présent il appartient au groupe «cool» de l’établissement.

 

Brimades

 

Alors, s’agit-il d’un rite d’initiation pour adhérer à un clan en particulier ? Rien n’est moins sûr. Ally Yearoo soutient qu’une bonne partie des brimades concerne les filles et tourne autour de l’argent. «Dans certains collèges, des collectes d’argent sont organisées. Or, celles-ci ne sont pas officielles. Ce sont surtout les jeunes filles qui doivent mettre la main à la  poche», fait-il ressortir.

 

Il ne peut alors s’empêcher de citer des cas où les cartables d’élèves qui viennent d’intégrer un établissement disparaissent. S’ils sont retrouvés, poursuit-il, ils ont été vidés des objets de valeur tels que cellulaires et  porte-monnaie.

 

Pour Madoo Ramjee, le président de l’Association des recteurs de Maurice, la brimade commence souvent par des agressions verbales, plus particulièrement lorsque des élèves plus âgés s’en prennent à d’autres plus jeunes. Puis, il y a la violence physique. «Dans certains cas,  il arrive que des nouveaux venus bousculent par inadvertance des collégiens plus âgés qu’eux. Sauf que ceux qui sont plus grands n’acceptent pas la thèse que cela est arrivé par mégarde. Et ils se font un mali plaisir de rendre la pareille. Comment ? En utilisant la violence.»

 

Clans

 

D’autres, ajoute Madoo Ramjee, réquisitionnent le ballon des plus jeunes et n’acceptent de le leur rendre qu’en échange d’une certaine somme d’argent. Selon lui, les brimades se poursuivent même dans les autobus scolaires et dans la rue. «D’anciens élèves s’en prennent parfois à d’autres plus jeunes qui auraient pris leur place dans le bus.» Dans le cas de certains collèges pour filles, Madoo Ramjee estime qu’il règne souvent une certaine jalousie. «Des clans se forment alors.»

 

Ce que confirme Yahya Paraouty, le président de l’Union of Secondary Education Employees (UPSEE). Dans la plupart des cas, dit-il, les collégiennes se chamaillent parce qu’elles sont jalouses et pour des histoires de petits amis. «Quand un jeune élève est victime de brimade, c’est tout le clan qui s’acharne sur lui.»

 

Une élève d’un collège privé pour filles raconte que lorsqu’elle était en Form I, ses consœurs lui avaient volé ses sous-vêtements avant de lui tirer les cheveux. «Elles ne m’aimaient pas parce que j’étais jolie. Zot ti pé dir zot pou défi gir mwa si mo get zot kopin. Mwa osi monn bizin vinn mové pou mo rési fer mwa enn plas dan lékol la.»

 

Davantage de counselling

 

Qu’est-ce qui explique cette violence au sein de nos établissements ? Comment en est-on arrivé là ? Ally Yearoo estime, pour sa part, que cela est dû à un manque de loisirs. Ou encore, l’envie omniprésente de dominer les plus faibles. De son côté, Madoo Ramjee est d’avis que certaines des victimes d’aujourd’hui deviennent les tortionnaires de demain, perpétuant cette tradition.

 

Tous nos intervenants sont toutefois unanimes sur un point : il devrait y avoir davantage de sessions de counselling au sein des collèges, histoire de prendre le problème à bras- le-corps…