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Extradition : la vaine traque des fugitifs

26 avril 2015, 17:33

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Extradition : la vaine traque des fugitifs

Maurice a une priorité : faire revenir Nandanee Soornack d’Italie. Mais la femme d’affaires chercherait à obtenir l’asile politique dans ce pays, ce qui lui éviterait de rendre des comptes à la justice mauricienne. Elle n’est pas la seule à faire ainsi l’objet de toutes les attentions : en effet, les autorités cherchent aussi à faire revenir l’homme d’affaires Dawood Rawat. Ces deux noms ne font qu’allonger la liste de personnes qui ont préféré chercher refuge ailleurs.

 

Le profil de ces «fugitifs» ? Oubliez le portrait type. Il y a ceux qui sont accusés de meurtre, d’autres se seraient rendus coupables de trafic de drogue ou feraient face à des charges d’escroquerie. Dans certains cas, même l’existence de traités d’extradition n’a pu garantir le retour de ces personnes. En effet, les procédures sont longues, ardues mais n’ont pas forcément les effets escomptés. Les rares fois où des fugitifs ont pu être jugés, c’est uniquement parce qu’ils ont été soit littéralement ramenés de force, soit déportés par les autorités de leur pays d’«accueil», nous expliquent plusieurs hommes de loi.

 

Me Siddhartha Hawoldar, qui a été l’avocat de l’homme d’affaires Teeren Appasamy, explique que malgré le traité d’extradition qui existe entre Maurice et l’Angleterre, les autorités locales n’ont pu faire revenir celui qui était impliqué dans l’affaire MCB-NPF qui a éclaté en 2002. La MCB réclame Rs 900 millions à cet homme établi en Angleterre. «Maurice a bien fait une tentative d’extradition mais celle-ci a échoué en raison des conditions de santé de Teeren Appasamy», explique l’avocat.

 

 

Un Mauricien recherché pour meurtre

 

Me Siddhartha Hawoldar revient également sur un second cas qu’il a défendu, toujours en rapport avec une demande d’extradition. Cette fois, il s’agissait de Neiguib Heeralall, un Mauricien recherché en France pour le meurtre de son épouse. L’homme de loi explique qu’à l’époque, le principe de réciprocité avait été évoqué comme une des possibilités pouvant faire revenir le Mauricien en France. «La France avait demandé à le faire revenir, sans que la réciprocité ne soit de mise. J’avais contesté et j’avais gagné l’affaire», soutient Me Hawoldar. Il ajoute qu’en 20 ans de barreau, il n’a «jamais été témoin d’une tentative d’extradition ayant réussi pour Maurice».

 

 

Double nationalité

 

Ce que confirme Razack Peeroo, ancien ministre de la Justice. «C’est vrai que les procédures sont compliquées, surtout en l’absence d’un traité d’extradition. Mais ça l’est également lorsque le Mauricien qui est en cavale détient la double nationalité, soit celle du pays où il s’est réfugié également.»

 

Parmi les affaires impliquant des démarches d’extradition de courte durée l’on retiendra celle de juillet 2008. Un Mauricien, Sockalingum Veerasawmy, accusé d’escroquerie, avait fui le pays en direction de Madagascar en avril 2008. Il avait échangé sa carte d’identité contre celle de son frère pour se rendre dans la Grande île. Les autorités avaient découvert le pot aux roses deux jours plus tard et Maurice avait alerté les autorités malgaches qui avaient coincé Sockalingum Veerasawmy avant de le rapatrier.

 

Me Hawoldar raconte que dans l’un des cas qu’il a défendus, il s’est déjà retrouvé à Madagascar pour ramener un fugitif. «Là, il ne s’agissait pas d’extradition, mais nous avons pu faire revenir cette personne afin qu’elle soit jugée», note l’avocat.

 

Madagascar; lieu de prédilection des fugitifs mauriciens

 

La Grande île semble être le lieu de prédilection des Mauriciens en cavale. Sunny Ramkissoon et Rishi Luchun, âgés respectivement de 19 et de 31 ans, avaient, en 2008, sous prétexte d’une promenade à bord du trimaran Patrol One, forcé le skipper à mettre le cap sur la Grande île afin d’éviter de purger une peine d’emprisonnement à Maurice. Sunny Ramkissoon devait faire face à un procès pour trafic d’héroïne alors que Rishi Luchun avait braqué le magasin Madison’s à Grand-Baie et emporté des bijoux d’une valeur de Rs 2 millions. Les deux fugitifs avaient pris en otage Jean-François Cotte et Léon Aliphon. Ce dernier avait été drogué puis battu.

 

D’ailleurs, des traces de sang avaient été découvertes à bord du trimaran lorsque l’embarcation avait été retrouvée par les autorités malgaches au large de Toamasina, quelques jours plus tard. Mais les autorités n’ont jamais retrouvé le corps de Jean-François Cotte. Et les deux accusés sont restés introuvables.

 

Deux autres Mauriciens, les frères Chimajee, Kris et Yanesh – mouillés dans des affaires de braquages de bureaux de poste et d’hôtel – pensaient avoir mis le cap sur Madagascar lorsqu’ils ont échoué sur une côte réunionnaise. Accusés d’être entrés illégalement sur le territoire réunionnais, ils devaient être reconduits à Maurice pour être jugés.

 

En revanche, dans certains cas, l’extradition est impensable puisque les fugitifs ont tout bonnement disparu sans laisser de traces. Le mystère plane toujours sur l’affaire Sténio Hervel, alias Piou-Piou, ex-employé de Médine qui avait abattu trois personnes, le 17 janvier 1986, avant de disparaître dans la nature. Le cas Savitree Sabapathee, l’épouse de l’ex-Mister Mauritius condamné pour trafic de drogue, constitue un autre mystère. Elle aurait quitté le pays en 1995 pour Madagascar et depuis, est introuvable.