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Scandale à la MDFP: «Je n’ai rien à cacher», affirme le ministre Bhadain

6 mars 2015, 20:46

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Scandale à la MDFP: «Je n’ai rien à cacher», affirme le ministre Bhadain

Les amis intimes de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam ont-ils réellement perçu des commissions sur le chiffre d’affaires annuel de Dufry ? Quel est donc le rôle du ministre de la Bonne gouvernance, Roshi Bhadain, dans toute cette affaire ? Alors que deux représentants de cette firme suisse allèguent que lui-même, l’Attorney General, Ravi Yerrigadoo, et Pravind Jugnauth auraient tenté de négocier un deal pour pouvoir bénéficier de telles commissions. 

 

 

«Je n’ai rien à cacher. On est en train de faire notre travail en toute transparence pour avoir des documents pour prouver ce que Mme Soornack a reçu comme commissions, Rs 100 M au détriment des contribuables. Et maintenant nous devenons les accusés…» Roshi Bhadain explique ainsi cette rencontre dont font mention ces deux représentants de la firme dans un affidavit déposé peu avant de quitter le pays, soit le 26 février dernier. 

 

 

> Le ministre Bhadain réagissant aux allégations dont il fait l’objet
dans un affidavit déposé par deux représentants de la firme Dufry. 

 

 

Pour mieux comprendre toute cette affaire, il faudrait d’abord commencer par la conférence de presse de Roshi Bhadain. Point de presse au cours duquel il révèle que Nandanee Soornack, l’activiste rouge, proche de Navin Ramgoolam et patronne d’Airway Coffee, a touché des commissions dans le cadre de deux contrats signés entre la Mauritius Duty Free Paradise (MDFP) et la firme suisse Dufry AG. 

 

Montant des commissions versées à la compagnie suisse Frydu,
dont Nandanee Soornack est une actionnaire.

 

Dufry est en fait le principal fournisseur des boutiques hors taxes de la MDFP à l’aéroport de Maurice et de Rodrigues en produits haut de gamme comme les parfums, les boissons alcoolisées et le chocolat depuis 2012. Sauf qu’un autre contrat a découlé de ce contrat d’approvisionnement : un Agency Sales Agreement entre Dufry et Frydu, une autre compagnie qui perçoit depuis le 25 octobre 2012 des commissions à hauteur de 4,2 % sur les ventes de la MDFP. La principale actionnaire de cette société ? Nandanee Soornack.

 

Un autre actionnaire est le Français Laurent Obadia, ancien conseiller économique de Navin Ramgoolam à l’ambassade de Maurice à Paris. Dans un entretien accordé à l’express hier après-midi, ce dernier nie cependant avoir été actionnaire de Frydu. Ni n’a-t-il touché de l’argent dans le deal conclu entre Dufry et la MDFP, assure-t-il. 

 

Nandanee Soornack, par le biais de son cabinet d’avocats londonien, Raj Law Solicitors en dira de même. 

 

Le mystère de la société Wigam basée à Chypre

 

Puis, il y a eu un second contrat – un contrat de gestion – entre la MDFP et Dufry, au coût de près de Rs 2 milliards et signé fin 2013. C’est là que le poste de CEO de la MDFP change de main et passe à Simo Carevic, le représentant de Dufry dépêché à Maurice.

 

A ce stade cependant, Nandanee Soornack effectue un transfert d’actions. Selon un Share Purchase Agreement portant la signature de la patronne d’Airway Coffee en date du 12 octobre2013, celle-ci a transféré 333 actions de Frydu AG à WigamHoldings Ltd basée à ElmaHouse, Nicosie, à Chypre. Rakesh Gooljaury qui ne touche plus un sou de Frydu depuis plus d’un an a aussi vendu ses parts à Wigam Holdings.

 

 

> Fac-similé d’une correspondance de Nandanee Soornack demandant un transfert
de ses actions de la société Frydu à Wigam Holdings. 

 

 

Qui se trouve derrière Wigam Holdings ? Dirigée par un Irlandais, c’est une obscure société enregistrée à Nicosie, à Chypre, et qui est désignée par le site français d’informations Mediapart comme une Special Purpose Company dans le cadre de transactions financières hyper complexes. 

 

Dans le cadre de cette même enquête, un autre mécanisme est mis au jour : avec le nouveau contrat de gestion en poche, la société suisse Dufry verse cette fois des centaines de millions de roupies à ces proches de l’ancien régime.

 

D’après les renseignements parvenus à la FIU et à l’ICAC, Dufry Travel Retail AG a pris l’engagement de verser 49 % des gains qu’elle récolte pour la gestion des boutiques de la MDFP à Nandanee Soornack et Rakesh Gooljaury. Plus précisément à travers la société Frydu spécialement créée en Suisse pour capter cette manne. 

 

Aider la police

 

Mais en révélant toute cette affaire, Roshi Bhadain se trouve également éclaboussé de même que deux autres ministres, Ravi Yerrigadoo, et Pravind Jugnauth. Ce sont les représentants de Dufry eux-mêmes qui les montrent du doigt dans un affidavit. Ils allèguent qu’ils auraient négocié avec eux pour maintenir le deal entre la MDFP et Dufry au cours d’un dîner. Pire, disent-ils, ils auraient usé de menaces pour les empêcher de quitter Maurice. Les deux étrangers ont cependant pu quitter le pays vendredi dernier. 

 

Si les trois ministres se sont défendus, affirmant avoir invité Simo Carevic et Thomas Galet à s’expliquer sur certaines clauses des contrats liant la MDFP à Dufry, la réponse de sir Anerood Jugnauth lors d’une PNQ cette semaine vient encore plus épaissir le mystère. 

 

Oui, les représentants de Dufry faisaient l’objet d’une Objection to departure, a-t-il soutenu. Elaborant sur la réunion entre les ministres et les représentants de Dufry le 16 février dernier, il a précisé que Pravind Jugnauth, Ravi Yerrigadoo et Roshi Bhadain voulaient en fait aider la police sur ce dossier. 

 

Menaces

 

Lors de cette réunion, qui s’est tenue au domicile de l’Attorney General, Rakesh Gooljaury accompagnait les représentants de Dufry, le fournisseur de la Mauritius Duty Free Paradise (MDFP). Les ministres auraient sommé ces derniers de remettre des documents à la police dans l’affaire de fraude alléguée à la MDFP. 

 

Les représentants de Dufry, affirme le PM, étaient en possession de preuves incriminant Rakesh Gooljaury et Nandanee Soornack, les actionnaires majoritaires de sociétés basées en Suisse et à Chypre. SAJ a indiqué que les ministres ont contacté le Managing Director de Dufry Ltd dans le but d’obtenir ces documents qu’ils comptent remettre à la police. 

 

Au Parlement, le leader de l’opposition a, lui, déclaré que les ministres auraient proposé un «dirty business» aux représentants de Dufry, soit celui de maintenir le même deal pour eux. Des déclarations qu’ils auraient du reste enregistrées.

 

Un des représentants de la compagnie suisse affirme que ces ministres auraient même menacé de les faire arrêter. Et il a répliqué qu’il allait chercher de l’aide auprès de l’ambassade de France. Si SAJ a affirmé dans ce cas qu’il n’en savait rien, toujours est-il que moins d’une semaine après cette réunion, les représentants de Dufry ont pu regagner leur pays, malgré l’interdiction de quitter le pays qui pesait sur eux. Une information qu’a confirmée le PM lors de cette PNQ…

 

 

«Il y a des éléments dérangeants pour le pays dans l’affidavit de ces deux représentants»,
a commenté Rama Valayden. Ce dernier a ainsi remis une copie du document
à la police ce vendredi, voulant que toute la lumière soit faite sur cette histoire…