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Traité fiscal: la douche froide!

22 mai 2016, 09:00

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Recentrons le débat sur la révision du traité fiscal avec l’Inde et l’avenir du global business mauricien. Mettons de côté les émotions de ceux qui pleurent les privilèges qui vont disparaître (soit principalement les opérateurs et les employés) et le satisfecit malvenu du gouvernement mauricien et de ses relais qui s’extasient un peu trop devant les nouvelles réalités du global business. Passons aussi sur le fait connu que tout le monde savait depuis au moins une dizaine d’années que les privilèges accordés depuis 1983 par la Grande péninsule n’allaient pas durer éternellement – d’où les négociations ardues entre Delhi et Port-Louis. Et attardons-nous sur un principe fondamental qui vient d’être passablement violé : le ministre des Services financiers a pris une décision capitale sur l’avenir d’un secteur-clé de notre économie SANS CONSULTER les opérateurs du global business, soit précisément ceux qui ont pris et qui prennent tous les risques d’investir leur argent et leur énergie pour créer des emplois et de la richesse. C’est inconcevable dans une économie moderne, ouverte, et transparente !

Expliquons-nous.

On considère qu’il est de notre devoir de condamner la décision unilatérale prise par rapport au traité fiscal. De par le monde, le rôle premier d’un gouvernement, qui comprend le rapport de force de l’économie mondialisée, devrait être de favoriser l’esprit entrepreneurial et non de l’étouffer.

Depuis la fin des années 1970, les critiques, surtout libérales, du «trop d’État» s’expriment un peu partout dans le monde. D’abord, sous une forme poussée quelque peu à l’extrême aux États-Unis et en Angleterre (le fameux duo transatlantique Reagan-Thatcher) avec la bénédiction des institutions de Bretton Woods. Puis, d’autres pays européens et du globe ont suivi, bon gré mal gré, adoptant, entre autres protocoles, les recommandations de l’OCDE, qui sont du reste à la base du projet de loi GAAR (General Anti-Avoidance Rules) en Inde.

Tout cela a contribué à un inéluctable changement de paradigme économique : ce fameux libéralisme qu’on nous sert à toutes les sauces. Concrètement, il y a un large consensus parmi les pays pour que l’Etat atténue son dirigisme (forme d’autoritarisme appliquée à l’économie) pour donner plus d’espace aux entrepreneurs. À cet égard, si le gouvernement a utilisé les négociations autour de la fin du traité fiscal pour assouvir ses envies d’Heritage City, alors la colère des opérateurs du global business serait largement justifiée !

Si le libéralisme privilégie la liberté, y aurait-il donc antinomie avec l’idée d’intervention de l’État ? Pas forcément, car si le libéralisme économique s’inscrit avant tout contre la toute puissance de l’État (et celle de ses ministres interventionnistes comme Bhadain), il peut, si bien réfléchi, aussi conduire l’État à modifier et à améliorer l’efficacité de son intervention, plutôt que de la supprimer. Imaginons par exemple que Bhadain avait négocié avec les redoutables Indiens avec un Sithanen (qui connaît peut-être notre secteur offshore mieux que quiconque), un Lutchmeenaraidoo (qui avait refusé de signer il y a quelques mois), un Hawabhay et quelques autres opérateurs, à ses côtés… Maurice n’aurait-elle pas été plus convaincante ? Est-ce trop utopique ?

Pour créer de l’emploi et relancer la croissance économique, il faut soutenir ces hommes et ces femmes qui font le choix de créer et de gérer des activités commerciales. Il faut donc qu’ils soient partie intégrante des décisions prises en leur nom. L’express a souvent postulé qu’une économie comme Maurice ne peut qu’être innovante et productive grâce à ses entrepreneurs qui investissent et développent des projets. Le sucre, le textile, le tourisme, les services financiers ont décollé chez nous avant tout grâce à des entrepreneurs et des visionnaires. Ne l’oublions pas.

Et demain si le global business doit se réinventer, ce sont des entrepreneurs qui le feront, pas un gouvernement et ses laquais. Si ce n’est pas vrai, qu’on nous dise alors qui va investir sur les marchés des produits dérivés, la Bourse des marchandises, ou dans la Captive Insurance ? Qui va créer les emplois qu’on va perdre ?

La façon cavalière de faire de Bhadain a aujourd’hui plombé l’humeur du pays et des investisseurs – surtout à la veille de la présentation du Budget 2016-2017.

Et ce ne sont pas que les opérateurs locaux qui avouent leur désarroi, mais Moody’s et le Fonds monétaire international. Le rédacteur en chef de Business Magazine, Jean-Paul Arouff, souligne que l’agence de notation a jugé nécessaire de rappeler, par la voix d’un de ses vice-présidents, Constantinos Kypreos, que : “Any disruption to the offshore sector would expose the Mauritian economy and banking sector to contagion risks. We estimate that a curtailment of new investment flows through Mauritius would cause a deterioration in the balance of payments equal to 1%-2% of GDP annually, and consequently put pressure on Mauritian foreign exchange reserves. However, a sharper shift in investor sentiment would have more dire consequences.”

À Maurice, les débuts du global business, un quart de siècle de cela, ont été difficiles car il s’agissait de se lancer dans un monde peu connu, sur un terrain pas encore défriché – un peu comme si on s’aventurait dans la cinquantaine de pays africains. Malgré les incertitudes, une poignée de courageux entrepreneurs s’y sont quand même lancés – et avec beaucoup d’efforts, ils ont réussi à créer des milliers d’emplois et à générer des revenus honorables qui contribuent considérablement à notre Produit intérieur brut.

Et, aujourd’hui, d’un trait de plume, Roshi Bhadain a fait un bébé dans leur dos ! Les opérateurs estiment qu’on va vers une baisse drastique de 80 à 90 % des activités offshore entre Maurice et la Grande péninsule. Ils insistent sur une chose : si le traité a déjà été signé, et qu’il s’avère impossible de revenir en arrière vu que les Indiens se sont empressés de déposer (victorieusement) le nouvel accord au Lok Sabha, il serait encore possible d’avoir une ‘side letter’ des dirigeants indiens, une manière de replaider leur cause, et de «buy time», le temps qu’ils se remettent de la douche froide que Bhadain leur a fait prendre…

Mais seront-ils entendus cette fois-ci ?