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Dialogue anodin sur nos «zanimo» politiques

23 novembre 2015, 08:37

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En guettant l’arrivée des régates du Festival Kreol, KC et Ranzé échangent quelques mots (à défaut de litchis, que nous cultivons pour les chauves-souris). Pour la première fois, ces mots sont consignés, sans un traitement de texte préalable, et vous sont livrés tels quels, en vrac. Ce qui donne cette discussion, somme toute ordinaire, qu’on tient un weekend sous nos cocotiers…

 

KC : Après Paris, c’est Bamako qui a vécu la peur vendredi. Ici, au moins, on est à l’abri. Nous sommes en plein Festival Kreol. Intégration, émancipation, et non-marginalisation, motsclés de cette manifestation de 10 jours. Cette Kronik ne devrait-elle pas être en Kreol pour saluer l’événement ?

 

Ranzé : Idéalement oui, mais posons-nous la question : Combien ne vont pas (pouvoir) lire le texte jusqu’au bout ? L’écriture et la lecture dans la langue-péi sont toutes les deux pénibles. Un anglophone dirait que le français est, ici, plus EFFECTIVE…

 

KC : Ici à Maurice ? Ou ici, en page 5… Pour revenir au sujet qui nous intéresse, je pense que SAJ n’aurait pas dû apposer un NON catégorique à l’utilisation du Kreol en plein Festival Kreol. Il aurait pu être moins tranchant et nous sortir un «laissons-les-choses-évoluer-naturellement». Cela aurait été politiquement plus correct, non ? Mais en même temps, l’on sait que bolom-la est peu diplomate. C’est sa marque de fabrique. Je ne crois pas qu’il changera à son âge...

 

Ranzé : En même temps, il reste un loup politique. Alors qu’il avait donné au départ des consignes pour que tout le monde vote le contesté – et contestable – Good Governance and Integrity Reporting Bill (GGIR), il n’a pas hésité, par la suite, voyant que Roshi fonçait droit dans le mur, à concéder quelques amendements, histoire de lâcher du leste. Le Premier ministre ne veut pas d’une déconvenue au Parlement au moment du vote. Cela fragilisera son gouvernement et son leadership.

 

KC : Son gouvernement, en moins d’une année, est déjà fragilisé. Le GGIR est venu exposer ces lignes de fracture. La cohésion gouvernementale est en fait un mince vernis qui recouvre l’alliance Lepep. Depuis que Pravind a été remplacé par Roshi, les lignes de fracture entre les trois partenaires + le lonesome Vishnu, se voient encore plus. J’irais plus loin : car les craquelures se révèlent aussi au sein du MSM, Danielle Selvon (et son mari peut-être) est la partie visible… Si Pravind ne revient pas aux commandes, cela risque d’être très compliqué.

 

Ranzé : C’est dommage car, in fine, la mission du GGIR est bonne pour notre démocratie, mais ce sont les objectifs non-avoués de ceux qui pilotent les projets de loi et l’amendement constitutionnel, l’aura de suspicion qui a s’est dégagée à la suite de certaines méthodes qui rappellent un état policier, la rétroactivité sélective et le flou autour de l’agence et du comité qui posent problème.

 

Il est vrai QU’il nous avait traités de «zanimo» Mais un principe reste un principe et doit toujours être défendu, sans faiblesse, ni préjugé. Ce n’est pas correct : Bachoo a Été interrogé pendant des heures vendredi. Mais on a refusé de lui dire sous qu el chef d’accusation on le qu estionnait «under warning».

 

KC : Il y a aussi tout le débat sémantique autour du terme «unexplained wealth» qui a une définition bien plus vaste que celui d’«illegal enrichment». Si on traduisait ces termes en Kreol, peut-être les gens comprendraient-ils mieux ce débat technique et complexe.

 

Ranzé : On l’a ici même déjà dit : l’actuelle controverse sur le GGIR illustre le fait qu’aucune décision de vie n’est jamais tout à fait tranchée en noir et en blanc. Bien évidemment : on a tous envie de voir les fortunes inexpliquées de certains êtres mises sous la lorgnette et être mises hors-jeu quand elles relèvent de gains illicites. Mais quand cette envie doit être mesurée face à des risques de dérapage, d’abus ou d’erreur, causant des rétrécissements sérieux aux libertés démocratiques, il nous faut faire un choix. Je le répète : je suis contre, en l’état actuel des choses.

 

KC : Oui, moi aussi je suis contre car à la tête de l’agence qui va traquer les biens mal acquis, il y aura un directeur nommé par un politicien – surtout un politicien novice et vicieux. S’il est sous le joug de l’administration de l’exécutif, crois-tu que ce directeur va sereinement enquêter sur le politicien ou le parti politique qui l’a nommé ? On a vu ce qui s’est passé avec l’Economic Crime Office d’Indira Manrakhan, et puis l’ICAC de Navin Beekharry, Roshi Bhadain et Andrew Stephenson, et plus récemment le sort réservé à Anil Kumar Ujoodha qui estime (dans les colonnes de notre confrère Le Défi Plus) que le GGIR va engendrer un «monstre». L’ancien DG de l’ICAC critique aussi le «move» de l’Asset Recovery Unit sous la Financial Intelligence Unit, qui est elle-même sous la tutelle d’un ministère. C’est dangereux, surtout la procédure de ‘civil recovery’ – lis l’Asset Recovery Act et tu verras bien qu’il faudrait empêcher un politicien – et quel politicien siouplé, d’avoir ces pouvoirs. Et puis, il y a ces échanges pourris entre l’exécutif et le Bureau du DPP (qui dépend administrativement du bureau de l’Attorney General) d’une part, et l’exécutif et l’ordre des avocats de l’autre… Ces bras de fer sont normalement sains, mais cela dépasse les bornes de l’acceptable…

 

Ranzé : C’est terrible, mais si tout le monde fout le camp du pays, qui va assurer le changement nécessaire, promis et jusqu’ici pas réalisé ? Qui va s’assurer que le développement de demain soit durable, que Maurice arrive à juguler entre développement-croissance et nature? C’est de l’utopie que de croire en une nature virginale et un développement maximal – et, on top of that, de «bons emplois» pour tous…

 

KC : Encore une fois, je pense que le moment du sursaut est revenu. Il est l’heure de repousser nos craintes et de choisir juste, d’opter pour l’avenir. L’autre nous disait : «Aucune guerre civile n’est permanente. Aucune colère ne dure toujours. Aucune mésentente ne cède tôt ou tard au temps. Plus faibles et plus forts ne pouvant partir, enserrés qu’ils sont sur cette terre natale, devront un jour s’entendre (…) Nous sommes tous du parti de l’avenir.» Et la MBC, sans la troisième chaîne qui a une audience de moins de 2 %, pourrait devenir un instrument de civilisation démocratique...

 

Ranzé : Démocratique tu dis. Eh bien la route est encore bien longue. Regarde le sort d’Anil Bachoo. Il est vrai qu’ayant, en d’autres temps de grand bonheur travailliste, été qualifiés par lui de «zanimo», nous ne portons pas forcément l’ancien ministre dans notre coeur. Mais un principe reste un principe et doit toujours être défendu, sans faiblesse, ni préjugé. Ce n’est pas correct : Bachoo a Été interrogé pendant des heures vendredi. On lui a posé 40 questions, auxquelles il a préféré opposer le silence. C’est son droit. Jusque-là, rien d’anormal, mais on lui a refusé de lui dire sous quel chef d’accusation on le questionnait «under warning» et, en fin d’après midi, on lui mettait le «cracking» d’une nuit en cellule. Alors là, on ne joue plus ! N’importe quel citoyen a des droits et notamment celui de savoir à quel titre on l’interroge. C’est plutôt basique ! Il faut aussi mettre un terme immédiat (où est le projet de loi déjà promis ?), à cette folie abusive de mettre quelqu’un en prison pour une nuit en guise de punition anticipée ! C’est quoi ça, sinon le kidnapping de la justice par ceux (les policiers et ceux qui les dirigent) de décider de ce qui est une «arrestable offence»? M. Bachoo s’en est sorti in extremis, mais on en a profité pour lui faire peur. Ceci n’est pas acceptable dans un pays de droit. Ou sommes-nous arrivés au point où l’on ne juge plus désormais nécessaire de s’en vanter et de le pratiquer, ayant assumé les premiers pas vers l’état policier ?

 

KC : En passant, les travaux d’urgence, il y en avait besoin ou pas ? Fallait-il vraiment enchaîner M. Bholah à son lit d’hôpital pour des règlements non respectés ? Ces règlements non respectés, l’étaient-ils de bonne foi ou est-ce que nous avons affaire à des filous parfaitement corrompus ? Dans lequel cas, il y a sûrement des preuves accablantes et il y aura bientôt un procès diligenté en cour ?

 

Ranzé : En attendant, une simple question : S’il y a des travaux d’urgence à faire à l’avenir, qu’est ce qui aura désormais priorité ? L’urgence ou la bureaucratie CYA (Cover Your Ass) ?