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Les roupies de la solidarité

18 décembre 2014, 07:25

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Les roupies de la solidarité

Qu’on le comprenne bien. L’express n’a d’intérêts que ceux de la nation. Tout ce qui, à notre sens, est positif pour le pays et le portera vers des lendemains meilleurs, sera, comme le témoigne notre passé, soutenu, expliqué, encouragé. Toutes les initiatives constructives qui seront prises par le nouveau gouvernement en place ne seront ni  toujours faciles, ni même évidentes, mais on ne fait pas, jusqu’à preuve du contraire, d’omelette sans casser quelques oeufs. Raison de plus, alors, d’expliquer et de soutenir. A contrario, l’express sera vigilant sur tout ce qui relèvera de démagogie, de facilité, d’indiscipline, d’atteinte à ce qui nous unit, de non-respect des institutions, de népotisme ou de simple bêtise. C’est le contrat que ce journal a toujours assumé, à travers ses lecteurs, face à la terre natale, et qu’il poursuivra avec la vigueur requise dans une  démocratie

 

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La compensation salariale proposée par le nouveau gouvernement en place depuis peu est, à 6 % des salaires, plafonnée à Rs 600, une augmentation matérielle de la facture salariale pour les entreprises et un renchérissement substantiel sur ce qui avait été décidé par l’ancien gouvernement, en pleine période électorale, qui avait alors été qualifié par certains de démagogie et qui avait, semble-t-il, déjà ravi les syndicats. Cette décision va avoir des conséquences, notamment sur les emplois, puisque les employeurs ne sont peut-être pas tous en mesure de payer ces augmentations et de garder leur activité économique ainsi que la tête hors de l’eau. On peut penser notamment aux petits entrepreneurs ayant calqué leurs rêves sur les bas salaires des autres….

 

Mais ce gouvernement, comme on le constatait aussi, dans l’express du 15 octobre 2014 (voir ‘Salaire minimum : combien ça coûtera ?’ en page 17), à partir d’une étude de l’organisation paroissiale Justice et Paix, a pris acte de la situation précaire de trop nombreuses familles et a décidé d’agir en favorisant une compensation salariale plus forte pour les salaires les plus faibles. On nous parlera inévitablement de la classe moyenne et de son pouvoir d’achat «oublié», mais la priorité est clairement ailleurs, là où on souffre, où les besoins essentiels ne sont pas assurés, là où on peut encore assassiner Mozart… Les travailleurs sociaux et ceux qui tentent d’alléger les souffrances constatent plus qu’une fracture sociale dans ces poches de pauvreté sordide qu’on ne voit pas, certes, si on ne le souhaite pas, si on a la chance de vivre en zone plutôt bourgeoise et si l’on emprunte surtout l’autoroute, par exemple entre Port-Louis et le nouvel aéroport ou pour aller à la Croisette ou Bagatelle. Mais cette pauvreté est là, bien réelle, palpable. Elle manque d’eau ou elle est mal logée, elle a faim ou elle ne peut assurer le devenir des enfants pour qui elle a pourtant, souvent, l’espoir du mieux, et elle a besoin d’être tirée de là, d’autant que l’on ne parle pas d’un problème marginal. En effet, les statistiques nationales publiées le 15 octobre 2014 rappelaient que 51 783 FOYERS (on ne parle pas d’individus !) touchent moins de Rs 10 000 mensuellement. Eux, au moins, travaillent ! Et il y a aussi les chômeurs… Comment font-ils ?

 

Cette compensation salariale ne résout pas tout, loin s’en faut, et le plus difficile reste sans doute à faire parce que l’on ne sort pas quelqu’un de sa tranchée de pauvreté avec du seul argent. Avec l’objectif d’un salaire minimum vital à l’horizon, il faudra encadrer, former, rendre plus productif pour assurer que la typologie même des emplois se transforme et que les rémunérations progressent en parallèle. Les activités qui ne peuvent s’en sortir en alignant des salaires plus honorables (par exemple, en se faisant payer plus cher) vont disparaître et devront être remplacées par d’autres, à plus forte valeur ajoutée. Ceci implique aussi de l’effort, de l’assiduité, de la formation permanente, une éthique du travail supérieure de la part de l’employé et donc plus d’autonomie personnelle et moins de paternalisme et d’aide sociale. Cela impliquera une révision des «droits acquis». À terme, on visera sans doute moins d’État. Ce sera une longue route, mais il faut bien commencer quelque part. La compensation du jour est bienvenue, surtout si le  gouvernement suivra cela en créant une dynamique d’investissement qui alimentera le cercle vertueux de la formation, de l’emploi, de la productivité qui nous sortira, un tant soit peu, de la fracture sociale qui s’aggrave et des marécages miséreux qui l’affligent.

Bon courage !